"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



mercredi 24 novembre 2010

WARREN FLIPPE A LA GALERIE !


BB's MOVIES #7

par BBJane Hudson


Le sucre en morceaux suscita un engouement considérable auprès de la jeunesse américaine des années 60, non pas tant pour ses vertus médicinales ou ses qualités gustatives, que pour ses facultés imbibatoires. Généralement associés à l'absorption de l'Eau de Mélisse, ces petits carrés blancs se révélaient également fort pratiques pour recueillir quelques gouttes de diéthylamide d'acide lysergique, décoction fort prisée de la génération psychédélique, et plus connue sous les initiales L.S.D.
La France, qui n'apprécie les trips qu'à la mode de Caen, se montra nettement plus réservée envers ce produit réputé nuisible aux neurones de ses consommateurs, et en resta sagement à la culture artisanale du chanvre et du pavot. La Belgique, traditionnelle patrie du sucre roux, tenta de mélanger la mixture à de la cassonade, mais ne trouva point le résultat à son goût (encore que notre amie Valentine m'avoua récemment avoir beaucoup apprécié cette substance, dont elle imprégnait ingénieusement des petits cubes de betterave).


Quoi qu'il en soit, une chose est sûre, c'est que le L.S.D. rendait fou – et continuerait de le faire, s'il n'était résolument passé de mode.
Les ravages qu'il opéra sur une multitude de chevelus, barbus et autres beatniks, s'étendirent à une frange beaucoup moins attendue – car plus conservatrice – de la société : les producteurs de cinéma, émerveillés par les horizons artistiques et pécuniaires qu'ouvrait cette déferlante acidique.
Un nouveau courant cinématographique irrigua les salles de quartier, celui des « films de drogue », désignés par le terme générique et forcément yankee de drugsploitation. A vrai dire, le sous-genre n'était pas si neuf, puisque les années 30 avaient déjà produit quantité de bandes flétrissant les effets des psychotropes de tout poil.



Deux classiques de la drugsploitation des thirties

Le titre le plus connu de cette nouvelle cuvée de pelloches "stupéfiantes" est probablement The Trip de Roger CORMAN, où Peter FONDA s'efforçait d'oublier ses déboires conjugaux en s'offrant un voyage hallucinatoire pas piqué des hannetons. Transporté pour l'occasion dans les décors de la série Poe cormanienne, il y rencontrait une sorcière, des amazones travesties en cavaliers médiévaux, une confrérie de nécromants et un nain ricanant (les nains sont toujours ricanants à l'écran, à l'exception de l'hypocrite Joséphine, adepte du sourire crétin – qui ressemble quand même à un ricanement).



Moins connu en France mais beaucoup plus probant, Psych-Out (1968) rassemble un prestigieux trio de délinquants azimuthés (ou plus exactement de comédiens spécialisés dans ce type de rôles) : Jack NICHOLSON, Dean STOCKWELL, et Bruce DERN. Membres d'un groupe de rock psychédélique, ils aident une Susan STRASBERG atteinte de surdité (ce qui est bien fâcheux quand on est groupie d'un rock band) à retrouver son frère junkie dans le foutoir généralisé de Haight-Ashbury, le quartier hippie de San Francisco. A mi-chemin du documentaire sur le péril jeune et du mélodrame toxico, Psych-Out s'offre de grands moments de délire speedé, comme lorsque le futur réalisateur Henry JAGLOM (Always, Déjà vu) se met brusquement à « flipper à la galerie » et se croit transporté dans un film de George ROMERO.
De quoi vous faire lourder vite fait toutes vos actions Béghin-Say.




mercredi 10 novembre 2010

JUSTE UNE QUESTION DE BON SENS


Une nouvelle rubrique de Valentine DELUXE


Il ne faudrait pas croire que la Grande Dame, telle que je vous la chante depuis 6 mois, soit toujours en déphase complète avec la dure réalité du terrain.
En effet, le Panache n’est pas tout dans la vie, et nous sommes allés suffisamment loin dans la démonstration de ses vertus pour aborder maintenant une deuxième notion tout aussi essentielle : le bon sens !
Le bon sens, c’est par exemple, le cas échéant -- et uniquement dans les situations d’absolue nécessité, cela va de soi --, de laisser tomber votre ensemble valises et malles Louis VUITTON de 45 pièces pour voyager léger… et quand je dis léger !...
Ce pragmatisme indéfectible se révélera, dans les circonstances les plus dramatiques, une botte de Nevers imparable pour tirer votre épingle de la meule de foin fétide où pullule le commun des mortels, et où -- bien évidement ! -- vous n’avez rien à faire !
Pour rendre cette démonstration plus parlante, demandons l’assistance d’une grande spécialiste des questions de bon sens, Mme Linda Rogo...
Comment ça « Linda qui » ?... On ne vous apprend donc plus rien de valable dans vos lycées privés pour jeunes filles panachées de bonnes familles ?...


Linda ROGO

Linda Rogo, c’est cette ex-péripatéticienne qui, fatiguée d’user ses talons compensés dans les rues foutrement pentues de San Francisco, a fini par se marier avec l'un des représentants les plus bougons de la maison poulaga locale : le pataud mais attendrissant Ernest BORGNINE (qui porte le tricot de corps comme nul autre, soit dit en passant !)
Arborant pour l’occasion cinématographique qui nous occupe les traits de la très charmante et indéniablement camp Stella STEVENS, notre belle Linda, il faut bien l'avouer, n’a pas que des idées lumineuses.
Pour passer le réveillon du Nouvel An 1971/1972, par exemple, elle avait le choix :
La pizzeria du coin, avec les nappes à carreaux rouges et blancs et le pinard coupé à l’antigel (proposition de M. Rogo), ou bien un magnifique transatlantique effectuant sa dernière traversée en Méditerranée.
Evidemment, réflexe de grande dame oblige, elle choisit la seconde option -- vous auriez fait pareil, rassurez-moi ?
Et bien là, justement : paf !… c’est la bévue olympique !...
Car le rafiot en question, c’est le Poséidon, un transat’ aussi grand et porte-poisse que le Titanic.
Et à minuit pile, entre serpentins, cotillons et farandoles d’usage, le Poséidon se prend une vague de 30 mètres de haut dans le buffet, avec les conséquences que l’on imagine...




Là, vous avouerez, c’est ce qu’il est convenu d’appeler « un obstacle comaque » !
Donc, si l’on tient à répondre « présent » quand sera lancé le générique de fin, faudra assurer, et ça va pas être du mille-feuille !
Par exemple, pour sortir de cette magnifique salle à manger, mêlant judicieusement les restes de décors de précédentes superproductions déficitaires de la 20th Century Fox, à savoir des bas-reliefs du Cléopâtre de MANKIEWICZ/ZANUCK et les verrières art-nouveau du restaurant de Hello, Dolly !* (pour oser ce genre de mélange improbable mais ô combien panaché, associé à une conscience du recyclage écologique très en avance sur l’époque, il faut indubitablement être une folle -- et ne prenons pas cette appellation dans son sens psychiatrique premier, bien sûr !), pour sortir, disais-je donc, de cette salle à manger où tous les passagers sont piégés comme des rats, il vous faudra escalader un sapin de Noël haut comme l’obélisque de la Concorde. Ce sera donc le moment d’avoir l’esprit pratique !
Eh bien, jugeons un peu du bon sens de Mme Rogo en pareille circonstance :




"J’AI MA CULOTTE, J’AI BESOIN D’AUTRE CHOSE ?..."
Souvenez-vous de cet aphorisme, il pourra vous sortir de l’embarras et vous aider à vous rappeler que vous êtes une Grande Dame en toute circonstance !
Si vous passez la douane américaine par exemple, et qu’on vous demande -- sans rire -- si vous n’avez pas été affilié au parti Nazi durant la Seconde Guerre Mondiale, ou si vous avez l’intention d’introduire des armes de destruction massive sur le territoire… vous saurez quoi répondre :



A l’heure où, de ce côté de l’outre-Quiévrain, on vous appellera aux urnes pour un ultime referendum sur l’avenir de la Belgique, quand on vous demandera de quel côté de la frontière linguistique vous souhaitez vous installer avant que l’on n’érige un rideau de fer façon Berlin :






Jusqu'à la minute où vous rendrez votre suprême soupir, quand un employé de la maison Borgnole vous demandera, l’œil anxieux : "Pleine terre ou crémation ?...", vous lui soufflerez donc, dans un râle putride et mortifère :







Et comme épitaphe, au Père Lachaise, sur votre mausolée en marbre rose -- dans lequel vous ne manquerez pas de vous faire ensevelir avec tout votre personnel de maison, de la lingère à la femme de chambre, en passant par le jardinier, la cuisinière, le chauffeur, la masseuse, la manucure, etc..., comme Joan COLLINS à la fin de La Terre des Pharaons -- vous ferez graver en lettres d’or saupoudrées de poussière de You-Kun-Kun :



Bon, comme ça c’est clair, ou il faut que je développe plus avant ?

* Un jour, promis, je vous ferai une bafouille sur les multiples recyclages -- et il y en a de cocasses -- des décors gigantesques de Hello Dolly !… Cochon qui s’en dédit !