"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



mercredi 5 octobre 2011

SHELLEY MEETS THE DEVIL !...


THE BB'S HORROR PICTURE SHOW #6

par BBJane HUDSON

S'il est une personnalité qui ne chôma pas à Hollywood durant les années 70, passant allègrement d'une production friquée aux studios de 36ème zone et aux plateaux de télé, et trouvant même le temps de faire quelques crochets par Cinecittà, c'est bien le Diable. Il n'avait pas assez de tous ses pseudonymes et multiples incarnations (Lucifer, Satan, Belzébuth, Béhémoth, Bélial, Asmodée, ou le terrible Pazuzu -- "Fais pas zuzu avec ton zigouigoui !" disait le Père Merrin à Linda BLAIR...) pour assurer la demande de producteurs en crise de démonite aiguë, après qu'un certain bébé de Rosemary ait propulsé son biberon fourchu (?) vers les sommets du box office.


En ce temps-là, le Malin n'était jamais en manque de contrats. Pas ceux qu'il extorquait à de pauvres âmes égarées contre de vagues promesses d'immortalité, mais de juteux contrats monnayés en dollars sonnants et trébuchants, qui ne requéraient bien souvent que de parcimonieuses figurations en guest star, et se traduisaient même parfois par de spectaculaires non-apparitions, selon que le metteur en scène voulait se la jouer démon-stratif ou suggestif -- et selon les compétences des maquilleurs chargés de lui donner figure inhumaine.
Jésus-Christ, bien que superstar en 1973, faisait quand même moins recette que son sulfureux adversaire, réclamé à corps et à cris par des légions de spectateurs plus désireux de hurlements d'horreur que de goualantes évangéliques.


En 1973, justement, tandis que le Fils de l'Homme vocalisait ses sermons chez Norman JEWISON, le Malin fourbissait ses cornes dans le plantureux giron de Shelley WINTERS ("Encore elle !...", me direz-vous, comme si vous n'étiez pas ravis de la retrouver à tous mes coins de blogs), et s'assurait une descendance en la personne de Belinda MONTGOMERY, future fiancée de l'homme-poisson le plus sexy de la planète, j'ai nommé Mark HARRIS (alias Patrick DUFFY, qui portait un nom de canard, ce qui explique sans doute qu'il fût doté de palmes...)


Dans The Devil's Daughter, excellent téléfilm de Jeannot SWARC (qui, incidemment, portait un prénom de lapin), la jolie bien qu'un peu poupine Belinda ignore totalement qu'elle fut vouée à la naissance au Malin par sa mère (ou "par sa mère au Malin à la naissance") (ou "au Malin, à la naissance, par sa mère") (par quelque bout qu'on le prenne, c'est le genre de phrase qui se tient toujours de traviole...) Ce n'est qu'après avoir rencontré Shelley et sa bande de zozos, dévoués corps et âmes au Porteur de Lumière, que la brave fille s'avise du fabuleux destin auquel elle est promise. Elle en conçoit un étonnement certain (comme on écrit dans les romans de Paul BOURGET), et réagit d'abord de la seule façon possible, c'est-à-dire en dansant. Car si la musique adoucit les mœurs (comme aime à nous le répéter Valentine), il est bien connu que la danse énergise les vices... Démonstration :



N'est pas Isadora DUNCAN qui veut, mais bon, à chacun sa spécialité : on ne saurait être mauvaise comédienne ET bonne danseuse. Les anglophones auront noté les précieuses informations délivrées à notre héroïne par l'un des démonolâtres (celui qui ressemble un peu, vu de loin et par un myope, à un lointain cousin de Boris KARLOFF) : "Tu es la fille de ta mère !... Tu es la fille de ton père !..." Traumatisante révélation, étant entendu que chacun de nous n'a pas la chance d'être l'enfant de ses géniteurs, et encore moins d'être la fille du Prince des Ténèbres...
Pis encore, la chère enfant apprend que sa noble naissance la destine au Prince d'Andorre (?), un démon haut placé dans la hiérarchie satanique, réputé pour sa queue bifide et son caractère pas commode. Notre infortunée Belinda, opposée aux mariages forcés, se lance vaillamment dans une série d'épuisantes péripéties qui, au bout du compte et après 70 minutes de projection (ou de retransmission, puisqu'il s'agit d'un téléfilm), lui permettront d'épouser enfin l'homme qu'elle aime, le relativement séduisant Robert FOXWORTH, qui fut le mari de notre sorcière bien-aimée, Elizabeth MONTGOMERY, laquelle n'a aucun lien de parenté avec Belinda (heureusement, parce qu'ajouter l'inceste aux sataniqueries...)
Seulement voilà : la cérémonie de mariage lui réserve quelques surprises, et gratifie les spectateurs d'un twist bien senti (à défaut d'être imprévisible), qui permet à Shelley WINTERS et à Joseph COTTEN (oui, il est aussi de la partie !) de cabotiner comme ça n'était guère permis que dans les téléfilms d'épouvante des seventies.
Comme disait ma nièce Nini SOCQUETTES à l'issue du visionnement : "Merdalors ! Satan bouche un coin !..."



L'œuvre est hadopisable chez Froggy Flix...