"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



mardi 31 mai 2011

Pour une réhabilitation des théories pédagogiques de Margaret White


SPECIAL FETE DES MERES

par Valentine Deluxe


Puisque nous en sommes aux grandes campagnes de réhabilitation, laissez-moi m’atteler
maintenant à une nouvelle guerre sainte, que je m’interdis de considérer comme une cause désespérée.

Les bonnes vieilles méthodes éducatives
Voyons les choses en face : nous vivons sous le règne de l’enfant-roi, l’enfant-tyran, la terreur des bacs à sable, le caïd des cours de récré, monstres engendrés par les théories fumeuses de ces Frankenstein de la pédagogie dite moderne, dont le poison insidieux s’est infiltré dans toutes les couches de notre société, des plus loqueteuses aux plus suaves (pour employer l’expression chérie d’un blog ami). Aussi est-il peut-être temps de tirer la sonnette d’alarme et de faire la lumière sur d’autres discours plus sains, plus étayés, trop souvent oubliés ou décriés au nom d’un soi-disant progrès.
Les fruits pourris d'une éducation permissive
Déboulonnons les staliniennes statues érigées au Moloch absolu de la psychologie infantile ; l’heure est venue de piétiner le boa, le serpent, la Méduse. Que retentissent les trompettes de Jéricho pour faire s’effondrer les bastilles érigées sur les barricades de mai 68 ! Faisons grimper la mère à Carlos sur le bûcher des vanités !… DOLTO, on aura ta (vieille) peau !...
Autre fâcheux résultat d'une éducation complaisante (le type à droite)
Une fois accomplie cette tabula rasa des plus sanitaires, si vos chiards vous manquent encore de respect, ne tournez plus autour du pot : invoquez illico presto mon icône absolue pour ce qui est de l’éducation de nos chères têtes blondes (voire rousses, on n'est pas à l’abri d’un malheur !), la grande Margaret White, une pédagogue émérite, quoique trop souvent conspuée, doublée d’une mère digne et émouvante.
Margaret White (Piper LAURIE) et son ingérable progéniture (Sissy SPACEK)
Avec la merveilleuse Margaret, plus de crise d’adolescence, plus de cas sociaux, plus d’hyperkinétiques (à peine une pointe de télékinésie !), rien que des agneaux dociles et aimants.
Mais, me direz-vous, qu’elle est donc la recette miracle de cette Mme White ?... Pas besoin de long discours pour résumer sa méthode : LE REGIME DE LA TERREUR ! (y a que ça qui marche de toute façon...) Rejoignons donc Margaret et sa vilaine petite fille Carrie, pour étudier ici deux exemples marquants et des plus simples quant à une application concrète de la "méthode White" dans un quotidien souvent rendu infernal par les desiderata dictatoriaux de nos petits Staline en culottes courtes.
1er chapitre, tout ce qu’il y a de primordial :
" De l’importance de l’arbitraire dans l’éducation des enfants ". (Que l’on pourrait sous-titrer "Comment vous faire respecter de vos sales petits morveux durant leur crise d’adolescence".)


2ème chapitre -- et non des moindres :
" Comment parler sainement de sexualité avec votre enfant ".


Et vous verrez, grâce à Margaret White (que le Ciel bénisse éternellement ses cendres !), chaque jour que le bon Dieu fait vous apprendra que finalement…
... ce n’est pas si difficile de BIEN éduquer son enfant !

lundi 30 mai 2011

BONNE MERE ! (2)

par BBJane Hudson

La maman du jour est :

Mrs BATES
(Anthony PERKINS, Claudia BRYAR, Olivia HUSSEY)


Mummy Dearest

La plus sauvage d'entre toutes ?... La plus célèbre, à coup sûr...
Inutile de la présenter : tout le monde connaît Mrs Bates et nul n'ignore qu'elle est la plus œdipienne et traumatisante des mamans que le cinéma nous ait offert.
Interprétée sous la perruque et la robe imprimée par Anthony PERKINS dans le premier film de la série (et superbement momifiée par le maquilleur Jack BARRON), elle revint 23 ans plus tard, bien vivante et parfaitement inoffensive, sous les traits de Claudia BRYAR dans Psychose 2, où elle apprenait à son fils Norman que celle qu'il croyait être sa génitrice était en fait sa tante, à laquelle elle l'avait confié.


Claudia BRYAR, fausse vraie Mrs Bates

Cette révélation rocambolesque était totalement oubliée dans le téléfilm Psychose IV, qui voit Norman se remémorer son adolescence et ses rapports joyeusement tordus avec Ma Norma, campée par Olivia HUSSEY -- qui, piquée par on ne sait quelle mouche, ne se contente pas d'être mignonne, mais livre une véritable interprétation.

Norma (Olivia HUSSEY) & Norman (Henry THOMAS)

Reconnaissons qu'incarner tour à tour la mère de Jésus (dans la mini-série de Zeffirelli) et celle de Norman Bates dénote un éclectisme maternel assez peu courant !



dimanche 29 mai 2011

POUR UNE REHABILITATION DE L'INSTINCT MATERNEL DE JOAN CRAWFORD


SPÉCIAL FÊTE DES MÈRES


par Valentine Deluxe
 
En ce jour glorieux et béni, tout entier dévoué à l’hommage légitime rendu aux génitrices du monde entier, il est de mon devoir de tenter ici-même une périlleuse entreprise de réhabilitation... Qui donc, parmi les grandes figures nourricières qui peuplent l’inconscient collectif, peut se targuer de traîner, depuis maintenant trois décennies, la plus nauséabonde réputation depuis Médée et Folcoche ?
Allez, hop ! Tous en chœur :
(… et c’est Debbie REYNOLDS qui pousse un grand soupir de soulagement en vous entendant !)


Pauvre Joan ! Se taper une carrière de forçat pendant près d’un demi-siècle ; s'adapter à tous les systèmes de production, de l’Age d’Or des grands studios au plus fauché des producteurs indépendants ; devenir la plus indécrottable stakhanoviste de la pellicule ; être oscarisée pour l'un des meilleurs mélodrames lacrymaux jamais consacrés aux relations mère-fille (Le Roman de Mildred Pierce, pour les improbables ignares qui peineraient à suivre ma démonstration) ; survivre à une consommation massive de Pepsi-Cola ainsi qu’à la hargne indéfectible de cette garce de Bette DAVIS (qui, si elle pouvait à cet instant se lever du sépulcre, me gueulerait sans doute un tonitruant « C’est pas moi ! C’est elle !!! »). Tout ce mal qu’elle s’est donné, vaillante, modeste et laborieuse, pour finir immortalisée, bien malgré elle, par ce torchon bouseux et méphitique, éructé par la garce diabolique qui lui servit de fille (« adoptive » peut-être, mais quand même !...), sous le terrifiant sobriquet de « MAMAN TRÈS CHÈRE ! »... Et tout ça parce qu’elle aurait eu l’étourderie de la déshériter !... Où va parfois se nicher la mesquinerie des enfants, je vous le demande ???

Par la grâce de ce ramassis de médisances douteuses qu’on ose à peine qualifier de « livre » -- et qui fait amèrement regretter le temps béni des autodafés --, cette immonde et ingrate verrue nommée Christina eut droit, en son temps, à un bref moment de gloire tabloïdesque avant de retomber dans la nuit noire d’un oubli des plus légitimes (sort qui, hélas, ne fut pas réservé à sa nauséabonde diarrhée pseudo-littéraire !)

Mais dans l’ombre se tapissait une autre figure tout aussi douteuse, et pas moins malfaisante pour la cause : le frère de Christina ! la chiffe-molle ! le demi-sel !… Cette vilaine crapette de Christopher CRAWFORD !... 
Quoi de plus ingrat qu’un orphelin, me direz-vous ? Nourrissez-le une fois, et il n'y a plus moyen de vous en dépêtrer !... 
Un peu comme cette petite infection d’Oliver Twist, qui non content d’être logé, nourri et blanchi par l’administration pédagogico-pénitentiaire de l’Empire Britannique, trouve encore l’effronterie de réclamer, avec des yeux de poney diabétique, une nouvelle assiette de ce délicieux porridge à l’eau dont les vertus nutritives ne sont plus à démontrer... Je vous redresserais tout ce petit monde -- Christina, Christopher et Oliver -- à grands coups de tisonnier dans le coccyx, moi ! Au moins, ils brailleront pour quelque chose !

Joan & Christina
Joan & Christopher

Mais je m’égare : et la réhabilitation de Joan, dans tout ça ?
Eh bien, jetez plutôt un œil sur ce document exclusif, tiré des archives familiales de Miss CRAWFORD (communément appelées « le fonds Pepsi »), et vous vous ferez une tout autre idée de ce puits d’amour et de générosité qu’était la Grande Dame dès qu’il s’agissait de gâter ses chers petits.
Pièce à décharge numéro 1 : "Maman, Christina, et la panade de Christopher" (1)

(1) Ici amoureusement surnommé « Trog » (sans doute l’équivalent de « bibiche » ou « chouchou » dans le patois hollywoodien).

samedi 28 mai 2011

BONNE MERE !


SPÉCIAL FÊTE DES MÈRES
par BBJane Hudson


La Fête des Mères est une célébration particulièrement respectée et attendue par Valentine et moi, qui, comme tous les amateurs de Camp, avons une dévotion particulière pour les grandes matriarches du septième art, figures de proue et déesses tutélaires du concept illustré sur ce blog.
Que serait le Camp sans génitrices dénaturées, abusives, retorses et éperdument castratrices, je vous le demande ?... Le terrorisme maternel est en effet le thème privilégié d'une multitude de classiques du genre, comme nous vous l'avons plusieurs fois démontré ici-même.


Pour l'édition 2011 du sacro-saint mother's day, Valentine vous a concocté deux articles flétrissant les mérites (ou vantant l'infamie) de deux spécimens redoutés de la gent matriarcale ; le premier de ces textes sera mis en ligne demain, le second un peu plus tard dans la semaine.
Pour ma part, je m'appliquerai à alimenter votre matrophobie en vous offrant trois brefs portraits de "bonnes mamans" expertes en déconfiture.
Commençons sans tarder par :

Mrs KINSOLVING(Rosemary MURPHY)




Maman et fiston

Nous la rencontrons dans le film You'll like my Mother, où elle reçoit la visite, par un jour de blizzard, de sa belle-fille Francesca (Patty DUKE), enceinte jusqu'aux cheveux, et dont l'époux (le fils de Mrs Kinsolving, donc), vient de mourir au Vietnam. La belle-doche réserve à la parturiente un accueil propre à faire passer la tempête de neige sévissant au-dehors pour un pic caniculaire. Hésitant néanmoins à laisser la malheureuse retourner sur ses pas (d'ailleurs recouverts par trois mètres de poudreuse), elle accepte de l'héberger pour la nuit. Seulement voilà : le lendemain, la météo est encore plus infecte, et Francesca éprouve un besoin pressant de livrer son colis. S'ensuit un accouchement assez inconfortable, pour lequel la marâtre s'improvise sage-femme, et qui se solde par la naissance d'un nouveau-mort (ou la mort d'un nouveau-né, si vous préférez). Soumise aux soins renfrognés de Mrs Kinsolving et de sa fille muette, Kathleen (Sian Barbara ALLEN), Francesca voit son séjour prendre la tournure d'une séquestration, et découvre que la demeure abrite un psychopathe fraîchement échappé de l'asile (Richard THOMAS), qui pourrait bien être le second fils (et néanmoins amant) de son hôtesse... Elle s'avise également que son bambin n'est peut-être pas aussi mort que Mrs Kinsolving le lui laisse entendre...


N'y allons pas par quatre chemins : You'll like my mother (adapté d'un roman de Naomi A. HINTZE) est un petit chef-d'œuvre de suspense, d'atmosphère (le climat hivernal est particulièrement oppressant), et de "vénénosité". L'interprétation de Rosemary MURPHY en belle-maman insidieusement abjecte doublée d'une mère incestueuse, est absolument bluffante.
Comme il se doit, le film est inédit en France (ben tiens !...), mais il peut être vu en intégralité sur YouTube. Alors, si vous maniez la langue de BUSH, ne vous en privez surtout pas !...

jeudi 12 mai 2011

ONCE UPON A FLOP


par Valentine Deluxe


« C’est long l’éternité, surtout vers la fin. » (Woody ALLEN)

En votre Valentine, comme en tout accro à la camp attitude qui se respecte, il y a un petit Néron qui sommeille (et que d’un œil, encore !...)

Si les grandes déesses du 7ème Art nous fascinent, notre préférence ira toujours aux destins tragiques, aux décadences spectaculaires, aux fins de carrières sordides. Les têtes de gondoles du box-office ne peuvent que tièdement nous intéresser, alors que l’évocation d’un fiasco d’anthologie provoque en nous un tsunami de frissons rien moins qu’orgasmiques, à plus forte raison quand le four susnommé a entraîné le suicide d’un ou plusieurs producteurs, et a ruiné à tout jamais la réputation des étoiles qui scintillent à son générique.

Il n'y a pas qu'un Néron qui sommeille en Valentine, mais aussi une Salomé !

Vous reconnaissez-vous dans cette exquise esquisse ?… Non ?...

"Pas encore", suis-je tentée de pronostiquer ; car c’est justement mon propos du jour que de vous sensibiliser à la beauté fascinante des plus beaux désastres cinématographiques -- désastres de vaste amplitude cela va sans dire.

Evidemment, vous me connaissez maintenant depuis assez longtemps pour savoir que nous n’allons pas enfoncer des portes ouvertes. Pas question de vous parler du Cléopâtre de MANKIEWICZ et de ses dépassements budgétaires pharaoniques (mouais, je sais, elle est facile celle là...) qui n’eurent d’égal que les caprices de sa vedette féminine (oui, celle-la même qui vient d'avaler l'aspic...) D’abord, contrairement à la réputation de gouffre à millions de l’œuvre incriminée, les années passant, le film serait bel et bien rentré dans ses frais ; mais la malhonnêteté des comptables de la 20th Century Fox aurait fait clôturer les comptes avant qu’il ne passe dans la colonne « profit », pour ne pas avoir à verser le pourcentage réclamé par la TAYLOR (paix à ses cendres) sur d’éventuels bénéfices.

Pour fêter dignement le premier anniversaire de ce divin temple de la camp culture, allons plutôt baguenauder joyeusement dans de sombres et impénétrables forêts, remplies de cadavres décharnés confits dans le formol de l’oubli ; et inaugurons une nouvelle rubrique consacrée à l’exploration du meilleur du pire du 7ème Art, avec un intitulé en forme de « Sésame »:

ONCE UPON A FLOP !

Pour commencer, permettez-moi d'abattre ma carte maîtresse du jour : Les Horizons perdus ! Un remake tout ce qu’il ya de pourrave du classique de Frank CAPRA, affichant un générique qui n’aurait pas dépareillé dans un disastrer movie d’Irwin ALLEN : Peter FINCH, Liv ULLMAN, George KENNEDY, John GIELGUD, Olivia HUSSEY et Michael YORK, pour ne citer que les plus illustres...

Cette jolie petite troupe met toute sa bonne volonté à nous narrer avec un sérieux papal les aventures d’un groupe de rescapés d’un crash aérien. Alors qu’ils en sont à tirer à pile ou face pour choisir entre le suicide collectif ou la survie par le biais d'un cannibalisme de bon aloi, les voilà qui sont miraculeusement secourus par une troupe de sherpas, qui viennent à leur rescousse pour les emmener dans une vallée paradisiaque cachée dans les replis de l’Everest, où les habitants semblent ne pas subir les outrages des ans et vivre dans une harmonie que rien ne vient ébranler.

A Shangri-La, il paraît qu'on ne vieillit pas... Michael YORK aurait dû y demeurer...

Cette production Ross HUNTER de 1973 se révélera un tel flop que même les faramineux avoirs engrangés par la précédente production du bonhomme (Airport premier du nom) n’ont pas suffit à empêcher le naufrage d’une carrière on ne peut plus prestigieuse et qui se terminera sur cet invraisemblable faux pas. Faut dire aussi, qu’est ce qui a bien pu convaincre le pauv'père de s’aventurer dans une entreprise aussi désespérée ?...

Soyez tranquilles, j'ai la réponse :

Comme pas mal de producteurs de l’époque, HUNTER reste fasciné par les recettes colossales de La mélodie du bonheur, le maelstrom de guimauve orchestré par Robert WISE huit ans plus tôt. C’est peu dire que les 150 millions de $ de recette engrangés par la soupe au miel de RODGERS et HAMMERSTEIN ont rendu l’oreille musicale à plus d’un producteur en place. Alors on fouille les tiroirs, on secoue les scénaristes… et parfois -- et même plutôt deux fois qu’une -- on accouche d’une monstruosité boursouflée et déjà vouée à la hasbeenisation (ne cherchez pas dans le dico, ça vient de me sortir comme ça, d’un coup...), avant même d’atterrir dans les salles obscures.

Cherchez le flop...

C’est qu’entre le carton de Julie ANDREWS et la mise en chantier de ces mastodontes aussi lourds que coûteux, Hollywood a pris un virage à 180 degrés grâce aux guidons des pétrolettes de Dennis HOOPER et Peter FONDA... Les meringues sucrées doivent laisser la place au carton de LSD ; Hello Dolly ! peut rentrer chez elle regarder passer la parade : Easy Rider est dans la place !... Mais la lourdeur du système hollywoodien va faire qu’une dernière cargaison de ces dinosaures chantants va déambuler sur les écrans pendant quelques temps encore, alors que plus personne ne les attend -- et surtout, n’en veut !...

Au rayon de ces entreprises désespérées, entre les derniers entrechats asthmatiques de Fred ASTAIRE dans La Vallée du bonheur ou Peter O’TOOLE se ridiculisant à jamais en essayant de se concentrer sur son playback dans L’Homme de la Mancha, figure donc en bonne place, (voire en dessus de cheminée) notre Lost Horizon, jamais sorti sur les écrans de France et de Navarre, pas plus qu’en vidéo ni dvd.

Avouons qu’il faut être sacrément vicieux pour goûter aux délices de ce gloubiboulga musical : une romance saccharinée avec Peter FINCH roucoulant des chansonnettes niaiseuses et horripilantes pour se taper une Liv ULLMAN toute en fadeur et "taches de son", jouant ici la reine des têtes à claques de Shangri-La. (Shangri-la, c’est le nom de la vallée utopique dont je vous parlais plus haut, vallée où dégouline l’ennui et la fadeur à longueur d’éternité… et c’est long, l’éternité, quand on doit se taper ce genre de régime hyper-glycémique matin, midi et soir...)

Peter FINCH et Liv ULLMAN

« I never miss a Liv Ullman’s Musical », aurait déclaré la Divine Bette MIDLER lors de la sortie du film, alors que celui-ci affichait un box-office à peu près égal à un film de Chantal Ackerman en deuxième exclusivité à la Maison de la Culture de Corbeille-Sud. Et comme je la comprends ! Car si j’avais eu la mauvaise idée de louper la diffusion de cette perle faisandée sur une chaîne thématique belgo-luxembourgeoise (!) voici quelques décennies (ce qui explique la qualité chancelante du document, et l’horrible pan and scan qui le défigure), je serais passée à côté de l’unique occasion de voir George KENNEDY entonner une sérénade pour une Sally KELLERMAN dépressive, ou John GIELGUD danser la gigue de la fertilité (et je vous jure que j’exagère à peine !...)

Bobby VAN confond Shangri-La et Outreau.

Le plus difficile évidement pour clôturer ma chronique, c’est de choisir l’objet du délit !

Eh bien, si nous prenions justement la révélation par GIELGUD à un Peter FINCH des plus placides -- voire lymphatique -- des secrets de Shangri-la, avant que Liv ULLMAN nous entonne d’une voix qui n’est pas la sienne (sans vouloir ragoter) une chansonnette-maison incroyablement exaspérante : The World is a circle (merci de nous l’apprendre !...)


Oh, allez !... soyons folle ! c’est la maison qui régale : poussons le vice un cran plus loin, et allons donc jeter un coup d’œil sur cette fameuse danse de la fertilité.

Pas la peine de vous trémousser de façon lubrique à l’énoncé de la chose, vous allez vite vous calmer devant le constat…


Si ça ressemble à ça, les jours de fête à Shangri-La, je ne voudrais pas débarquer en plein Carême !!!

L'AVIS DE BBJANE

Lost Horizon fut, et pour cause, la dernière production cinématographique de Ross HUNTER, qui, ne distinguant plus l'ambition de la galéjade, commet ici l'une de ces monstruosités typiquement hollywoodiennes qui font le régal des campers. Inconcevable, le projet l'était dès le départ, et l'on se demande par quel aveuglement la Columbia consentit à lui donner corps. Faire un remake des Horizons perdus de Frank CAPRA (1937) était en soi une idée défendable, encore que ce film assez surestimé avait enregistré de piètres scores en son temps — il ne devint un « classique » que des années plus tard, et s'appuyait sur un matériau très daté : un médiocre roman utopiste de James HILTON, auteur d' « Au revoir monsieur Chips » et co-scénariste de Madame Miniver (William WYLER, 1942). Beaucoup plus saugrenue était l'idée de l'adapter en comédie musicale et de réunir pour ce faire un casting de vedettes ne sachant ni chanter ni danser — à l'exception de Bobby VAN, éphémère « jeune talent » des années 50.

Fidèle au film de Capra, Horizons perdus raconte l'aventure de cinq européens recueillis dans une mystérieuse lamaserie, après que l'avion dans lequel ils fuyaient une Chine en guerre se soit écrasé dans l'Himalaya. Shangri-La, niché au cœur de la Vallée de la Lune Bleue, est un havre de paix dont les habitants vivent en parfaite harmonie, dans l'ignorance de la maladie et du vieillissement. Le diplomate Richard Conway (Peter FINCH), la journaliste Sally Hugues (Sally KELLERMAN), l'industriel Sam Cornelius (George KENNEDY) et l'humoriste Harry Lovett (Bobby VAN) subissent rapidement l'envoûtement du lieu et s'abandonnent à sa félicité, contrairement à George (Michael YORK), le frère de Conway, bien décidé à rejoindre la civilisation. Conway apprend que leur présence à Shangri-La n'est pas due au hasard mais voulue par le Grand Lama (Charles BOYER), qui souhaite le désigner comme son successeur. Séduit et honoré par cette requête, il se laisse pourtant convaincre par son frère de quitter la vallée en compagnie de Maria (Olivia HUSSEY), une jeune fille dont George s'est épris. Au cours de leur voyage à travers les tempêtes de l'Himalaya, Maria est victime d'un vieillissement soudain et meurt sous l'aspect d'une femme de quatre-vingts ans. George, pris de panique, se jette dans une crevasse (!), et seul Conway survit à l'aventure. Obsédé par le souvenir de Shangri-La, il s'enfuit de l'hôpital où il est soigné et parvient à rejoindre la lamaserie.

Le meilleur jugement sur le film (qui peut aussi tenir lieu d'analyse) fut émis par Bette MIDLER lorsqu'elle déclara à un journaliste : « Je ne raterais jamais un musical avec Liv Ullmann ». Le choix de l'actrice-fétiche d'Ingmar BERGMAN, incarnation de la neurasthénie existentialiste, pour interpréter une institutrice rousseausiste et cabriolante calquée sur la Maria de La Mélodie du bonheur, résume assez l'inanité de l'entreprise. Son interprétation de « The World is a circle » (doublage de Diana LEE), où elle entraîne ses élèves dans une sarabande à travers la campagne en balançant les bras et en gambadant mollement, laisse le spectateur effaré. Il en est de même du reste de la distribution, complètement sclérosée dans des numéros musicaux ressemblant à des versions chloroformées de pitreries bollywoodiennes. Peter FINCH chante mentalement ses chansons, ce qui lui épargne l'effort de s'ajuster au playback de Jerry WHITMAN (son duo « intérieur » avec Liv ULLMAN, où tous deux chantent dans leurs pensées, est un grand moment d'ineptie) ; Sally KELLERMAN, encore moins gâtée, a deux scènes dansées dont elle s'acquitte avec l'élégance d'une planche à repasser : la première est un grotesque duo avec Olivia HUSSEY (doublée par Andrea WILLIS) dans la bibliothèque de Shangri-La (dont les étagères recèlent un exemplaire du « Readers Digest », ce qui surprend en un lieu censé abriter la plus haute culture de l'Humanité) ; la seconde la voit se déhancher laborieusement sur les rochers d'une rivière, en compagnie d'un George KENNEDY heureusement cantonné au rôle de spectateur. Une « danse de la fertilité » impliquant Olivia HUSSEY et des athlètes en pagnes provoqua une telle hilarité chez le public des avant-premières qu'elle fut retirée du montage, ainsi que 23 minutes de mélodies. Subsiste hélas une pathétique cérémonie nuptiale, pour laquelle Burt BACHARACH et Hal DAVID écrivirent peut-être la pire des chansons d'une bande originale riche en calamités, « Living Together, Growing Together », dont les paroles sont au diapason des autres compositions : « D'abord un homme, cela fait un / Ensuite une femme, cela fait deux / Ajoutons un enfant, et qu'obtenons-nous ? / Plus que trois, nous avons ce que l'on appelle une famille ! »

Ross HUNTER déclara en 1975 à la journaliste Rona BARRETT qu'il était parfaitement conscient de la médiocrité des chansons, mais que la préproduction était trop avancée lorsque BACHARACH et DAVID les lui remirent, et qu'il n'y pût rien changer. Cet argument ne l'exonère pas de l'aberration du casting, qui culmine dans l'attribution du rôle de Chang, l'éminent sage de Shangri-La (refusé par Toshiro MIFUNE), au vénérable John GIELGUD, involontairement hilarant sous un maquillage d'asiatique digne des serials des années 30 — ce choix parut tout aussi inconvenant à la Ligue des Citoyens Japonais-Américains, qui protesta auprès de la Columbia. Dans sa correspondance, le grand comédien shakespearien se plaignait volontiers de ce « rôle stupide » qui « pas un moment ne [lui] laiss[ait] la plus légère opportunité de jouer », et se disait honteux de s'être laissé corrompre par la perspective d'un cachet propre à compenser « le désastre de [s]on impôt sur le revenu d'il y a trois ans ». « Le maquilleur est le seul qui devrait être crédité, car le rôle est pratiquement inexistant », ajoutait-il non sans raison (in Sir John Gielgud : A Life in Letters, Arcade Publishing, 2005). Un autre heureux bénéficiaire des largesses de la production fut le scénariste Larry KRAMER : en faisant fructifier les 300 000 dollars reçus, il put se lancer dans la création d'Act Up, la célèbre association militante de lutte contre le Sida (in « The Advocate », 24 juin 2003). Ross HUNTER fut le plus affecté par le flop de Lost Horizon, qui, rebaptisé Lost Investment (« Investissement perdu ») dans les milieux hollywoodiens, lui valut le sobriquet infamant de « Lost Her Reason » (« Elle a perdu la raison », féminisation due à son homosexualité).


lundi 2 mai 2011

PRENEZ DE L'ATTITUDE !


Les vidéos de Valentine


L'AVIS DE BBJANE :
Miss Deluxe, dont le talent de monteuse n'est plus à démontrer (certaines mauvaises langues prétendent même que, non contente d'être une brillante monteuse, elle excelle également à se faire monter...), nous offre une nouvelle vidéo de très haute volée sur le thème essentiel autant qu'épineux de l'Attitude... Autrement dit, de la Posture, l'une des préoccupations premières de la notion de Camp -- un terme qui, comme nul ne l'ignore, dérive étymologiquement de l'expression française "se camper", soit : "prendre la pose", en d'autres termes : "se posturer"...
Et pour ce qui est de se posturer, faites confiance à Joan CRAWFORD, dont l'expertise dans le domaine des positions diverses et variées se passe de commentaires...
Enjoy !