"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



dimanche 28 octobre 2012

LA VIE FOLLEMENT TRÉPIDANTE DE LA DIELMAN FAMILY, #1

par Valentine Deluxe


Sur les pages de MEIN CAMP, comme ailleurs, chantages, délations, mésalliances en tout genre, voire mariages consanguins au premier degré, n’ont jamais effrayé notre staff rédactionnel.

A quelles sordides bassesses, à quelles infâmes compromissions ne serions-nous pas prêtes pour faire monter l’indice de fréquentation de notre blog bien aimé ?
C’est pourquoi nous avons disséqué, avec patience et minutie, les différentes feuilles de choux nauséabondes vantant les mérites des programmations télévisuelles les plus racoleuses du moment, afin de repérer ce qui affolait l’audimat ces temps derniers.
Bien sûr, nous nous garderons bien de citer les noms de ces canards (boiteux) aux couvertures criardes et aux slogans putassiers. Les derniers huissiers passés au bureau de la rédaction ne nous ayant laissé pour tout mobilier, qu’une table bancale, une chaise pour deux, et une ardoise avec un bout de craie pour rédiger nos articles ; se ramasser un nouveau procès en diffamation sur le coin du bec ne serait pas des plus judicieux.

 
Crotte! on avait dit "pas de nom"!!!

Enfin bref ! …En feuilletant lesdits magasines, nous sommes arrivées à la conclusion imparable que la téléréalité familiale avait décidément la côte de nos jours.

Qu’à cela ne tienne ! S’il faut en passer par là pour garder notre bien aimé public, tout en draguant au passage un nouveau lectorat, nous nous plierons à cette nouvelle tendance.

Mais évidemment nous nous devions de frapper fort, très fort!
Aux orties les Osbourne ! Paris Hilton et autres  Kardashian : Has-been et Never-Been tout ça ! Roupie de sansonnet ! Défécation d’ortolan !

 La téléréalité familiale : une valeur sûre!

Car aujourd’hui, mes bichons et bichettes adorés, si vous êtes prêts, nous  allons savourer le premier épisode de LA nouvelle grande saga « réalistico-familiale »  :
LES DIELMAN !

Glamoureux, peopolesques et facétieux, les Dielman Mère et fils -- la plus célèbre famille du 122 Quai du Commerce à 1080 Bruxelles -- seront dorénavant le parfait antidote à votre spleen automnal.

Le quai du commerce à 1080 Bruxelles?... Beverly Hills sans les palmiers!

Vous vous lamentiez de la longueur des week-ends pluvieux, du changement d’heure qu'on vient de se prendre sur la tronche, et du coût prohibitif  de la luminothérapie ?
Eh bien, la famille Dielman débarque avec armes et bagages sur MEIN CAMP pour ensoleiller le jour du seigneur.
Tous les dimanches d’automne, rassemblez-vous autour d’un plat de marrons grillés, et savourez un nouvel épisode  de la vie folle et pleine d’entrain de la Dielman family !

 Mme Dielman mère, un jour de grande rigolade

Aujourd’hui, dans l’épisode "number one", découvrons Jeanne, la môman de la dynastie Dielman (enfin, « dynastie », faut le dire vite pour pas mentir longtemps : ils ne sont que deux...)
Et qu’est ce qu’elle fait pour dîner (1) Jeanne Dielman, 23 quai du commerce à 1080 Bruxelles ?
Youpieeeee ! C’est le jour des escalopes pannées ! …Alors courons vite voir ça !



Trépidant non ?… On dira ce qu’on voudra, dimanche ou pas dimanche : qu’est ce qu’on se marre chez les Dielman !

(1)  … ah oui!  Nous sommes à Bruxelles, donc il faudra traduire :

Petit déjeuner (Fr) = Déjeuner (Bel)
Déjeuner                 = Dîner 
Dîner                       = Souper
Souper                    =  ??? … Quand un français soupe, le Belge honnête et fréquentable dort du sommeil du juste!

mercredi 10 octobre 2012

LE TRAVAIL REND LIBRE


BB'S MOVIES
par BBJane Hudson

Ceux qui ne l'ignorent pas le savent bien : les jeunes d'aujourd'hui sont d'une indolence crasse. Des cagnards... des feignasses... Passant le plus clair de leur temps scotchés à leur console de jeu ou leur ordinateur, se répandant en billevesées asyntaxiques sur Twitter, ou rendant un compte scrupuleux de leur inactivité quotidienne sur Facebook. Leurs dix doigts ne leur servent qu'à tripoter leurs ePhones avec une compulsive hébétude, pour délivrer à leurs semblables des messages orthographiquement aberrants et d'une parfaite vacuité. 


C'était pas pareil de mon temps ! Nous, pour nous abrutir, nous n'avions guère que la télé, avec juste trois chaînes dedans, et bougrement parcimonieuses niveau programmation. Une douzaine d'heures de transmission, en comptant trois heures de speakerines et autant d'interludes, et la mire le reste du temps. Et je ne parle même pas de la génération de nos parents, qui d'ailleurs avaient mieux à faire que de glandouiller sur un web encore inexistant, de se bousiller les mirettes et le jinjin à coup d'insanités cathodiques, ou même de se prélasser au coin de leur poste à galène à écouter la TSF...


Non messieurs, non mesdames ! Leur temps libre, à cette époque-là, les jeunes l'occupaient à bosser ! Ils le convertissaient en temps d'astreinte ! Ils ne laissaient pas le poil leur pousser dans la main ! Ils savaient que la liberté réside dans le travail, et que rien n'émancipe autant qu'une bonne corvée...
Ma maman, par exemple, quand elle était jeune fille, faisait partie d'un groupe d'adolescentes catholiques et zélées ayant fait promesse d'assister leurs prochains en toute circonstance et de mettre à la pâte tout ce qu'elles comptaient de mains.
"Les Besogneuses Ardentes", qu'elles s'appelaient. D'un dévouement à toute épreuve, ces bénévoles industrieuses sillonnaient monts et vaux chaque dimanche, mettant leur assistance à la disposition du premier venu comme du dernier parti, s'envoyant les tâches les plus canulantes, et raffermissant, par l'exemple de leur enthousiasme inépuisable, les énergies mollissantes.


Aux Etats-Unis aussi, de telles formations fleurissaient, l'on s'en doute. On en trouve un émouvant exemple dans le somptueux soap opera rural de Delmer DAVES, Parrish, que célébra Joséphine BAKER dans sa fameuse chanson : "J'ai deux amours (mon pays et Parrish)".
Dans le rôle-titre, Troy DONAHUE, l'idole numéro 1 des midinettes américaines et le chouchou des cinéphiles invertis, affronte les avances de la quasi-totalité du casting féminin, à l'exception de Claudette COLBERT, qui incarne sa mère -- ça tombe mal, elle semble être la seule avec qui il ait réellement envie de baiser... Entre deux flirts, notre aimable dadais s'initie à la culture du tabac sous la férule d'un Karl MALDEN épuisant de cabotinage, et tente de restaurer la plantation défraîchie du père de l'une de ses multiples prétendantes


C'est alors que surgit une hallucinante formation de jeunes campagnardes, la "Girls' League", farouchement déterminée à lui prêter main forte pour les travaux des champs ! Ce joli monde, qui évoque de façon inquiétante une version féminine des Jeunesses Hitlériennes, se lance d'un pas décidé à l'assaut du travail en beuglant une variante locale du Horst Wessel Lied, puis repart de la même façon, laissant le spectateur ébaubi.
Un exemple à méditer pour nos générations d'adolescents fainéantissimes, et le clou Camp d'un film ingénieusement baptisé en français La Soif de la jeunesse -- parce que l'effort, ça vous sèche le gosier.
(Ils auront au moins évité de traduire le titre original par Le Pauvre -- ben oui, c'est bien ce qu'on est quand on est Parrish ?...)

(Oui, je sais, l'extrait est en espagnol ; j'ai pas pu trouver mieux, mais j'admets volontiers que l'allemand eût davantage convenu...)


vendredi 5 octobre 2012

BZZZZ, BZZZZ, BZZZZ...


Once Upon a Flop #3
par Valentine Deluxe

Le cénacle on ne peut plus fermé des grand cerveaux qui cogitent à la traduction des titres de films à distribuer dans l’Hexagone, a-t-il jamais enfanté idée plus foudroyante et prophétique que celle qui permit de baptiser, dans la langue de Molière, ce qui était censé s’annoncer comme LA superproduction de l’année 1978 ?
Quand Irwin ALLEN choisit d’intituler sobrement le dernier-né de son usine à désastres -- lui dont la sobriété n’avait pourtant jamais été la vertu cardinale -- par un The Swarm des plus concis (traduction littérale : « L'Essaim »), les distributeurs français l’affublèrent d’un nom diantrement plus approprié -- et nous ne saurons jamais s’ils ont voulu faire œuvre de second degré --, à savoir, L'Inévitable catastrophe !… Car inévitable, cette catastrophe ne pouvait que l’être !


La formule avait été lancée avec fracas par Monsieur ALLEN en 1973 avec L'Aventure du Poséidon, et bétonnée deux ans plus tard par la Rolls-Royce du disaster movie, le célébrissime et multi-oscarisé La Tour infernale.
Mais à force d’user des mêmes ficelles dramatiques à chaque nouvelle production, celles-ci finirent par s'élimer et par lasser, inévitablement.
Au final, le film fut non seulement la risée des critiques, mais aussi -- et c’est déjà plus embêtant -- des quelques rares spectateurs à s’être aventurés dans les salles, d’où il fut retiré après une exclusivité foudroyante d’à peine 15 jours.
Ce fiasco fracassant s’avéra au final une opération tellement humiliante pour Irwin ALLEN, qu’il  refusa jusqu’à son dernier souffle ne serait-ce que de prononcer le titre du film maudit !
On peut même estimer qu’il constitue le premier chapitre d’une improbable Trilogie de l’Infamie pour le producteur chevronné, les deux autres étant les tout aussi cornichonesques et déficitaires Le Dernier secret du Poséidon (également avec Michael CAINE, décidément fort mal inspiré à l’époque dans le choix de ses scénarios) et Le Jour de la fin du monde (qui s’avéra être aussi celui de l’empire allenien). (Note de BBJ : Ce jour-là, il devait l'avoir mauvaise, Allen... "Mauvaise haleine"... Euh, je m'éclipse...)

Et pourtant, tout avait commencé sous les meilleurs auspices.
Croyant pouvoir enrayer, au moyen d'une inflation de nouvelles menaces, l’érosion notable des recettes obtenues par les dernières productions du genre, le brave Irwin était sûr de tenir là, à nouveau,  la clé des cimes du box-office.
Pensez donc : en plus de jouer avec une des grandes phobies de l’époque (à savoir l’invasion d’un gigantesque essaim d’abeilles tueuses aux USA), ALLEN fit en sorte que nos butineuses -- ça sonne comme le titre d’un film de Lucien HUSTAIX, ça (1) -- entraînent une cascade de cataclysmes qui, théoriquement du moins, auraient dû combler la soif de destruction des petits Néron anonymes peuplant les salles obscures de l’époque.
Car en sus des attaques de notre escadron de la mort sur les populations locales, nous avons droit à (excusez du peu...) :
- Un déraillement de train.
- L’explosion d’une centrale atomique (si quelqu’un pouvait m’expliquer pourquoi l’irruption d’un essaim d’abeilles dans une centrale fait automatiquement et instantanément exploser celle-ci ?...)
- Et, last but not least, l’incendie de Houston (non, pas la diva cocaïnomane -- paix à son âme ! --, mais la capitale du comté de Harris, Texas ! )

Valentine, quant à elle, profite de l'horrible invasion pour se faire tailler un maillot de bain...

Seulement voilà, toutes ces belles intentions ne se retrouvent que sur le papier du scénar.
Au final, malgré les 15 millions de $ dont est censé avoir bénéficié le film, le All Stars Cast, loin du glamour  impeccable de La Tour infernale, ne rassemble ici qu’une poussive pléthore de has-beens en mal de cacheton.
Oui, je sais, je suis très très méchante là, car nous disposons quand même de Michael CAINE, Richard WIDMARK, Olivia de HAVILLAND, Henry FONDA, José FERRER (dans une apparition à la limite de l’image subliminale), Richard CHAMBERLAIN, ainsi que de deux madones de MEIN CAMP, Lee GRANT et Patty DUKE-AUSTIN.
Mais les pauvres, déjà pas au top de leur célébrité à l’époque, doivent composer avec quelques-uns des dialogues les plus crétins jamais entendus. Et en l’absence d’une quelconque direction d’acteurs -- Irwin ALLEN étant sans doute trop affairé à essayer de maintenir son essaim dans le cadre --, ils nous livrent pour l'occasion les prestations les plus catastrophiques (sans jeu de mots) de leurs glorieuses carrières.

Intermède musical (avec le "grande" artiste Bourvil, qui ne faisait malheureusement pas partie du casting...) 


Au vu de ce budget des plus confortables, nous étions au moins en droit d’attendre de spectaculaires scènes de destruction -- marque de fabrique des précédentes productions Irwin ALLEN pour le grand écran. Eh bien, de ce côté là aussi, bernique ! Non seulement ces moments de bravoure sont surtout de fabuleux moments de bavures, mais le scénario est tellement mal fagoté et lâche aux entournures, qu’ils génèrent immanquablement des crampes olympiques de côté des zygomatiques.

Le responsable des effets spéciaux prépare la destruction d'un immeuble de 15 étages...

Comme disent les saintes écritures : « C’est ici qu’il faut de la finesse » (Apocalypse 13:18).
Car moi, gourmande comme je suis, je vous refourguerai bien le bidule en version intégrale !
Et quand je dis « intégrale », il faut savoir que le film fut sagement distribué en salles dans une copie de 115 minutes, alors que le DVD nous régale maintenant d’un improbable director’s cut de plus de 2h35 de bonheur pur !... C’est dire si le choix va s’avérer cornélien pour vous extraire « le miel de la félicité » de cette petite merveille.
Alors, filons dare-dare (oui, excusez-moi, j’ai pas pu résister !) regarder ce petit « best of the worst » que je vous ai amoureusement concocté.
Tout d’abord, la phrase-culte !
Pourquoi Olivia De HAVILLAND -- deux oscars de la meilleure actrice au compteur -- n’a-t-elle pas reçu une ultime statuette pour ce caméo ébouriffant, cela restera l'un des grands mystères de l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences !... Après l’éviction de Gloria SWANSON au profit de Judy HOLLIDAY en 1950, et celle de Judy GARLAND décoiffée au poteau par la poivrote de Monaco (aka Grace KELLY) en 1955, voilà une injustice de plus à mettre sur le compte de cette glorieuse institution.
Injustice, nous allons le voir, on ne peut plus... criante !



Autre particularité de ce chef-d’œuvre conspué par la conjuration des imbéciles : toute personne se faisant piquer par nos petites Maya furibondes, commence à voir des abeilles géantes à tout bout de champ.
Que ce soit l’horripilant gamin « je-sais-tout » (un grand classique des films catastrophes, avec l’indispensable "Mamie-qui-claque-à-l’avant-dernière-bobine" (2)), comme ici..



... ou bien, encore mieux, les crises de délirium d’une Katharine ROSS qu’on supputerait remplacée par son double robotique de Stepford, tant sa contre-performance (sans doute due a une consommation excessive de Xanax durant le tournage du biniou) atteint des sommets dans le genre "somnambulisme  cinématographique" .




On notera également au passage la cocasse propension d’Irwin ALLEN à toujours vouloir faire crier ses vedettes féminines… au ralenti !
Et pour la fin, Richard WIDMARK a aussi droit à son grand moment d’infamie, dans ce qui devait théoriquement être LE clou du film : l’incendie de Houston, Texas ...
Oui, que je vous raconte : cet incendie, c’est le moyen imparable que l’armée (jamais à une idiotie près) a trouvé pour se débarrasser de l’essaim.
Il faut les voir foutre le feu partout à grands coups de lance-flammes… même dans les immeubles qu’ils sont encore en train d’occuper !!!
Mais Irwin ALLEN aurait-il été trop généreux sur le budget cantine ? Toujours est-il que ce « grand » moment se limite en tout et pour tout à trois bouts de façades en flammes dans le back-lot de chez Warner, et à ceci :



Eh oui, vous avez bien vu l’incendie de Houston : un bout de photo découpée avec des bougies derrière, entraperçu au travers d’un store vénitien !
Même l’incendie de Moscou dans le Napoléon de GUITRY est plus spectaculaire (c’est tout dire !)...
Si ce n’est pas de la bravoure, ça !
Et puis, là aussi, cette phrase culte (que je ne peux m’empêcher de vous bisser) :





(1) L’immortel auteur de l’inénarrable  trilogie paillarde de l’ère Pompido-Giscardienne, composée de Les Jouisseuses, Les Caresseuses et Les Tripoteuses.

(2) Ce que j’ai très finement baptisé « the Shelley Winters’ syndrom ».