"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



samedi 31 janvier 2015

DINNER AT EIGHT (les invités de huit heures, 1933)

Les bonnes copines de Valentine #6

Par Valentine Deluxe

 


Dans notre grande (et tout à fait non-officielle) série : "Comment se fait il que nous n'ayons jamais parlé de... ?", le sujet du jour sera Marie Dressler. Comment se fait-il, en effet, que nous n'ayons jamais parlé d'elle ???
Marie Dressler est un cas tout à fait unique dans l'histoire du cinéma, et à fortiori du cinéma hollywoodien.
Dotée d'une tête à faire s’arrêter les pendules -- fussent-elles d'une précision helvétique -- et d'une carrure digne des Forts des Halles, on peut imaginer qu'il aurait été difficile de lui trouver d'autres emplois que ceux de 5éme couteaux, genre poissonnière ou vendeuse de marrons chauds , très loin des têtes d'affiches glamoureuses et sophistiquées, drapées dans des kilomètres de soie blanche immaculée et de tulle vaporeux, tels que les studios californiens en pondaient alors 13 à la douzaine.

Une tête à faire s’arrêter les pendules !

Eh bien, malgré son atypisme hautement préjudiciable dans un système aussi calibré que l'étaient les grandes écuries à rêves de la côte ouest, Marie Dressler finira sa carrière comme star number one du plus prestigieux studio de la Cité des Anges (rien moins que la MGM), ramassera un Oscar de la meilleur actrice, et serait même parvenue (bisexuelle notoire qu'elle était) à séduire Greta Garbo en personne !
Comme quoi, il ne faut pas que je désespère (vous non plus, d'ailleurs) : le grand démarrage -- que ce soit pour ma vie professionnelle ou sexuelle -- ça peut encore venir !

C'est  pour embêter Joan Crawford, ça encore !

Pour notre première rencontre avec Marie Dressler -- j'en ai déjà une autre sous le coude, patience ! --, allons jeter un coup d’œil sur son imparable prestation au sein de "Dinner At Eight", du toujours très raffiné George Cukor.
Elle y donne vie à une nouvelle très bonne copine de Valentine : Mlle Carlotta Vance !  
Ma chère Carlotta partage avec les précédentes accointances présentées dans ces colonnes -- mes amies Harper et Edna --  une silhouette quelque peu épaissie par les ans et un physique qui évoque un croisement entre Michel Simon et un bouledogue anglais.
Par contre, pour ce qui est de l’échelle sociale, on ne joue pas DU TOUT dans la même cour!
Car Carlotta partage avec une autre protagoniste de mon réseau d'amies (Carlotta "Lottie" Marin, pour ne pas la nommer) non seulement son prénom et  sa profession -- Diva de la scène... à la gloire quelque peu fanée, dans le cas présent -- mais surtout, en toute circonstance,  un sens de l’apparat  et de la mise en scène absolument délicieux.
Par exemple, Carlotta a toujours le chic pour réussir ses entrées :



Autre trait de son caractère, Carlotta adore se faire plaindre :


Et surtout, s'il est bien une chose au monde dont raffole Carlotta, c'est d'avoir le dernier mot (voire, le mot de la fin) :


Je ne saurais trop vous conseiller de faire un petit "replay", rien que pour savourer la manière imparable dont Carlotta s'arrête sur le mot "book", et sa façon de scanner Jean Harlow de la tête au pied. 
Merveilleuse n'est-ce pas ?...