"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



mardi 28 avril 2015

TORCH SONG (La Madone gitane, 1953) #2

  Spécial Anniversaire 

 

 Cadeau Bonux !

Par Valentine Deluxe 

(et pas "Cadeau Deluxe par Valentine Bonux"...)





Allez, hop !... Il y en a un peu plus, on vous le met quand même ?
En attendant l'opus -- que je devine déjà aussi désopilant que passionnant -- de Mlle BBJane Hudson, voici quelques petites pépites supplémentaires pour bien apprécier TORCH SONG  à sa juste (dé)mesure.
D'abord un petit digest en forme de bande-annonce... Ne manquent que les publicités Jean Mineur -- Balzac 00-01 --, un eskimo glacé, et ça serait parfait !

Avertissement:
L'agressivité acidulée du procédé Technicolor employé dans l’œuvre incriminée pouvant créer de graves lésions oculaires, la direction de MEIN CAMP décline toute responsabilité et un quelconque lien de cause à effet en cas de glaucome ou autres trucs pas très ragoûtants du même tonneau.
Si vous portez des lentilles de contact, nous ne saurions trop vous conseiller de les ôter sans tarder, elles risqueraient de fondre !
On ne pourra pas dire que vous n'avez pas été prévenus !




Ensuite, le clou (du cercueil) de ce merveilleux  film.
D’après ce que l'on peut déduire, ce doit être le grand morceau,  le "show-stopper" du nouveau spectacle de Jenny Stewart (très humblement baptisé  "An Evening with Jenny" )
D’ailleurs, tout ceux qui assistent à la répétition générale sont bien d'accord là-dessus, c'est grandiose !
On pourrait néanmoins très légitimement se questionner sur leur taux d’alcoolémie ou sur l'état de leurs facultés mentales, car personnellement, je trouve qu'on n'est pas si loin du célébrissime "Springtime for Hitler" dans  "Les Producteurs" de Mel Brooks !

Belle bande de faux-culs les copains de la Jenny, quand même !

Là où ça devient comique -- enfin, encore PLUS comique, veux-je dire --, c'est que TORCH SONG n'est pas à proprement parler une production de premier choix. Dès lors, on n’hésite pas à recycler tant qu'on peut afin de faire baisser quelque peu les frais généraux.
On pensait avoir bien planqué le cadavre, eh ben non !... Il y aura toujours des fouilles-machin pour aller vous exhumer tout ça, même 40 ans après !



Merveilleux, non ? 
Je pense néanmoins que Debbie Reynolds (qui fait le commentaire de la ci-devant séquence) peut remercier le ciel que Joan Crawford ne soit plus de ce monde, car présenter Jenny Stewart, comme "une artiste sur le déclin", on a en retrouvé barbotant au fond de l'Hudson, les pieds dans une bassine de ciment, pour moins que ça !

Et pour conclure, nous vous laissons avec la parodie, aussi pointue qu’irrésistible, tout en kolossalle finesse, tirée du "Carrol Burnett Show"







samedi 25 avril 2015

TORCH SONG (la madone gitane, 1953)

 Spécial Anniversaire !

 Les bonnes copines de Valentine #7
"Torch Song tetralogy"

Par Valentine Deluxe

 


5 ans !!!... 5 ans de bons et loyaux services, à vous faire partager notre amour immodéré pour les vedettes excessives et défraîchies, les œuvrettes improbables et les chefs-d’œuvre les plus obscurs ou injustement oubliés.
5 ans, il paraît que ce sont les noces de bois.... De bois, comme la jambe droite de BBJane et les chèques de Valentine -- à moins que ça ne soit l'inverse? --, alors il me semble que ça valait la peine de marquer le coup, non ?


 C'est la fête sur Mein Camp :
un morceau de gâteau ou un coup de couteau pour Christopher ?

Alors nous, vous nous connaissez, on ne fait jamais les choses à moitié.
On a sorti l'argenterie, les bougies, une nappe propre, tout ça pour vous inviter à un festin des plus goûtus !
Et il ne sera pas trop de quatre mains -- un peu tordues par l'arthrose et jaunies par la nicotine, il est vrai, mais néanmoins impeccablement gantées dans du  pécari de chez Hermès -- pour venir à bout du film choisi pour la circonstance, véritable catalogue quasi exhaustif du Camp : le légendaire, agressivement technicolorisé et über-camp Torch Song de Charles Walters (aka "La Madone gitane",  ou  encore "Corps sans âme" dans les plates contrées de Valentine Deluxe), avec en tête d'affiche l'une des Saintes Patronnes de notre blog, l’indétrônable Joan Crawford.

(Notre chère BBJane, actuellement en cure de sevrage pour avoir un peu trop fêté notre lustre d'existence [eh oui ! un lustre = cinq ans, soit deux fois plus qu'un simple candélabre] m'informe qu'elle vous livrera sa bafouille à son retour du CTBII [Centre Tallulah Bankhead pour Intempérants Impénitents], au début du mois prochain... Elle aura d'ailleurs quelques joyeuses nouvelles à vous annoncer, sitôt qu'elle se sera refait une virginité hépatique -- est-ce possible ? sans doute autant que pour Lana Turner de se reconstituer un hymen --, et si la cirrhose ne l'a pas emportée d'ici-là...)



Notre marraine du jour... Qui d'autre ?...
(Bette va encore nous faire la gueule !)

Découvrir "Torch song", pour les indécrottables et irréductibles toxicomanes du Camp que nous sommes, c'est un peu trouver le cimetière des éléphants.
On en a rêvé pendant des lustres, mais c'est encore plus beau, plus fou et plus excessif que ce que nos fantasmes nous suggéraient !
Or donc, pour découvrir la copie de la môme Deluxe, poussons un peu la porte de ce TORCH SONG, et venez là que je vous présente une de mes imparables bonnes copines :
Miss Jenny Stewart!


 Jenny Steward around ze world!

Si Jenny, à l'instar de ma bonne copine Ippolita, est possédée par le démon, c'est plutôt celui des planches dont il s'agit.
Parmi les étoiles de Broadway, Jenny est sans nul doute l'astre le plus brillant, le plus aveuglant, voire carrément carbonisant pour qui aurait l'étourderie de s'y aventurer de trop près.
Jenny c'est... enfin, c’était -- puisque, n'est-ce pas, comme d'habitude, sur Mein Camp, on préfère les vieilles carnes faisandées aux  primeurs de saison --, Jenny Stewart donc, c'était... c'était... comment dire ?... Oh ! et puis zut, faisons une fois de plus appel à Michel Serrault, toujours là pour me dépanner quand je suis à court d'argument...
Donc, pour faire bref, Jenny Steward c'était :



Oui, voilà, c'est ça : c'était un caractère !
D'un professionnalisme à toute épreuve, Jenny se montre intraitable -- c'est là un doux euphémisme -- avec ceux qui ne se montrent pas à la hauteur de ses exigences artistiques et professionnelles.
Gare aux faibles donc, car Jenny, d'un mot, d'un regard, d'une attitude, foudroie, désintègre, pulvérise.
Pour le besogneux, l’indécis, l'amateur, elle peut devenir en un clignement de faux-cils -- qu'elle a de la taille de deux cerfs-volants --  une terreur, une teigne, un choléra foudroyant, une fièvre aphteuse.
Elle est à ses collaborateurs défaillants ce que le phylloxera est à la vigne, le doryphore à la patate.
Jenny remplit les salles de spectacle, fait le bonheur des préposées du box office et de ses producteurs... et elle le sait !

...et vous avez intérêt à être "very quiet" avec elle!

Jenny, et surtout les jambes de Jenny, c'est de l'or en barre, alors malheur à l'étourdi qui s'aviserait de la croiser sans se prosterner avec déférence devant ses interminables gambettes -- ou, pour reprendre ses propres termes, qui viendrait là pour "gâcher la vue".


Terreur de son producteur (un lâche), de son metteur en scène (une chiffe molle), de son chorégraphe (un incapable), et de ses partenaires (des incompétents tout juste bons à rester dans l'ombre de la diva), Jenny n'est définitivement pas du genre à se laisser attendrir.
Son pianiste est aveugle -- merci aux scénaristes qui ont osé ce canevas digne des "Deux Orphelines"! --, et alors ?... Il n'avait qu'à faire attention, on ne va quand même pas le plaindre !




A la place de Duchesse, je me méfierais un brin : Jenny est bien capable de la faire piquer avant le générique de fin !
Et pourtant, sous cette rugueuse carapace en Iridium réfractaire (qui, comme nous le savons toutes et tous, est  le métal le plus résistant à l'usure et à la corrosion), merveilleusement drapée dans une robe de chambre d'un jaune canari agressif à vous filer une conjonctivite, bat le petit cœur d'une midinette qui ne demande qu'à être aimée pour ce quelle est... 
Mais comme a priori, ce qu'elle est, c'est une sale garce aussi égocentrique que mégalomane, et qu'en 1953 Meetic n'existait pas encore, ça va pas être du mille-feuille pour trouver un prince charmant prêt à épouser Carabosse !




Mais finalement, quoi qu'on en dise, ma bonne Jenny (oui, enfin, "bonne", c'est une clause de style...), sous son aspect un peu châtaigne, n'est pas totalement fermée au dialogue et à la remise en question. Faites quand même gaffe à pas vous prendre un bouquet de cinq qui partirait comme ça par inadvertance, "côté bagues" !




En guise de conclusion, moi, personnellement, ce que je préfère chez Jenny, c'est son côté "cube Liebig" des émotions et des attitudes.
On n'en trouve pas deux comme elle pour vous en donner autant en un minimum de temps.
Revenons un instant sur la séquence précédente et regardez-moi ça :
Colère, tendresse, abattement, on se reprend en main, on prend sur soi, et hop !... Orgueil, fierté, et défi !...
Tout ça concentré en 9 secondes top chrono !


Et si vous pensez que Jenny Stewart est  "un caractère", attendez donc que je vous présente le reste de la famille dans notre spécial "Fête des Mères" ! ...Wait and see, folks !...