"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



samedi 20 juin 2015

THE STOLEN HOURS (Les heures brèves, Daniel Petrie, 1963)

CAMPISSIMO ! #3

par Valentine Deluxe



Campissimo ! Clap 4ème !
Le rodage est terminé, on n'explique plus le principe ; vous l'avez compris, intégré, digéré.
Donc, dans cette rubrique, c'est service minimum : on veut du camp, du camp et  rien que du camp !
Au menu du jour : la migraine.

Vous et moi (enfin, surtout vous, car la Valentine a une légère tendance à se croire atteinte d'une maladie rare, chronique et au stade terminal au moindre toussotement), quand on se sent patraque, on sort un tube d'aspirine de la boîte à pharmacie, et on attend que ça passe.
Mais avec Susan Hayward, c'est tout de suite autre chose...

Susan Hayward a perdu ses clefs de voiture !
(Photo non contractuelle).

Un p'tit bobo, un caillou dans la godasse, un bus en retard, et hop !... Il  faut que Susan nous joue la Madone des 7 Douleurs, un oratorio mystique, une cantate funèbre, une messe de requiem, l’Adagio d'Albinoni, "Jeanne au bûcher", "Phèdre", la mort du cygne et celle du petit cheval !...
Et parfois même, comme ici, tout en une fois !
Allons vite vérifier ça :





Comme disait si bien Jean Cocteau : " Un peu trop, c'est juste assez pour moi"... et  pour Susan Hayward!

mercredi 17 juin 2015

THE V.I.P.s (Hôtel International, Anthony Asquith, 1963)

Les bonnes copines de Valentine # 9

"La vieille DAME indigne"

par Valentine Deluxe



Aujourd’hui, dans notre fameuse (et tout à fait non-officielle) série "Comment se fait-il que nous n'ayons jamais parlé de...", je vous présente :
Margaret Rutherford

 Plus britannique que le tweed...

Ah Margaret !... DAME Margaret Rutherford !
... oui, enfin, ne soyons pas chiche : 
DAME Margaret Rutherford, Officer of the Most Excellent Order of the British Empire ! 
(Il lui fallait une carte de visite large comme la tapisserie de Bayeux pour mettre ça sur une seule ligne).
Comment pourrait-on ne pas l'adorer ?
Tel un papillon dans un corps de bulldog, avec une silhouette en sac de farine qui ferait passer Marie Dressler pour une danseuse du Crazy Horse, elle ne pouvait décidément pas revendiquer les rôles d'ingénues.
Vous l'imaginez jouant Agnès dans "L’École des femmes", et contrainte de minauder "Le petit chat est mort" ?... Tout le monde dans la salle penserait immédiatement que c'est parce qu'elle est assise dessus !

 Jamais jeune, jamais jolie... mais toujours géniale :
Dame Margaret Rutherford!

On pourrait sans problème passer l'intégralité de sa filmographie en revue dans nos colonnes, tant elle déploie dans chacune de ses apparitions la même géniale excentricité toute britannique, de la loufoque (pseudo) voyante extralucide de "L'Esprit s'amuse" de David Lean à ses multiples incarnations d'une éléphantesque Miss Marple.
Sa façon tout à fait personnelle et cabotine en diable d'incarner la célèbre détective en tailleur de tweed donna quelques cauchemars à Dame Agatha Christie, avant que celle-ci ne finisse par admettre son erreur et reconnaisse l'indubitable génie de son interprète. 
Chaque apparition de la pataude silhouette, toujours fagotée comme un as de pique d'Henri IV sur le Pont Neuf, est une friandise que je goûte avec la dernière délectation, maudissant au passage le fait que les actrices mortes - Dame Margaret a eu l’étourderie de décéder de façon tout à fait définitive en 1972 - fassent de moins en moins de nouveaux films de nos jours.

Un Oscar qui s'imposait...

Alors évidemment, il fallait bien trancher !
Et on n'a pas tergiversé pendant 107 ans : quoi de mieux en effet que le délicieux HÔTEL INTERNATIONAL (The V.I.P.s) pour illustrer mon propos du jour ?
Ce film catastrophe sans catastrophe - l'avion ne décolle jamais, ce qui évite bien des avanies au casting 4 étoiles + rassemblé pour la cause - aura l'insigne honneur de valoir à Dame Margaret l'Oscar de la meilleure actrice ("de second plan" !...qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ???)
Margaret crée là pour l'occasion un des parangons incontournables du disaster movie : celui de la vieille Dame (dans ce cas précis, la majuscule s'impose) plus ou moins indigne, mais toujours sympathique, qui vient agrémenter la galerie de personnages pittoresques rassemblés pour l'occasion dans des lieux généralement clos (avion, paquebot, building, etc...).
Parallèlement aux imbroglios sentimentaux des personnages principaux, elle aura pour mission d'apporter quelques instants de "comic relief" avant, pendant, ou après le désastre.

Une formule qui ne tardera pas à décoller ! 

La formule ne  "décollera" véritablement que 7 ans plus tard, dans le "Airport" premier du nom.
Le délicieux Ross Hunter, producteur quasi attitré de "Mein Camp", nous offrait là une copie plus ou moins conforme de "The V.I.P.s", sauf que cette fois la nappe de brouillard qui clouait l'avion au sol était remplacée par une tempête de neige, et que le coucou se décidait bel et bien à décoller... avec une bombe dans la soute à bagages !
Pour l'occasion, le rôle de la mamie rigolote était tenu par Helen Hayes, qui se ramènera également pour la cause un petit chauve en or à la maison !
Suivront Shelley Winters - qui imposera un nouvel archétype : "la petite vieille qui claque à la 5ème bobine" - , Jennifer Jones, Olivia de Havilland, Valentina Cortese, Martha Raye, Myrna Loy... De quoi remplir un hospice des plus fréquentables !
Revenons maintenant à "The V.I.P.s", et regardons la Duchesse de Brighton aux prises avec la trivialité des moyens de locomotion soi-disant  modernes, et surtout avec du petit personnel dont l’arrogance n’a d'égale que la crasse impéritie !
Mais il en faut bien plus pour impressionner Madame la Duchesse qui va nous montrer comment faire rentrer dans le rang les petites péronnelles impertinentes sans même élever la voix, ne serait-ce que d'un quart de dixième d'octave.



Bon, mais comme je vous l'ai précédemment exposé, l'avion doit rester au sol pour cause de purée de pois, ce qui vaudra à notre prestigieux casting d'être hébergé dans le service VIP du titre original.
Et Dame Margaret, maintenant qu'on l'a fait descendre de cet engin de malheur, aurait bien besoin d'un petit remontant...



Ça tombe bien, Lexomil-Brandy, c'est aussi mon cocktail préféré ! Santé !