"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



vendredi 7 mai 2010

TO BE OR TO HAVE BEEN # 2


par BBJane Hudson


Dans le registre des fins de carrières savonneuses, Cameron MITCHELL s'impose comme un glisseur d'exception. Celui que Jean-Pierre PITON qualifia de "Roi sans couronne de l'horreur malsaine" (dans le numéro 85 de "L'Ecran fantastique") gagna ses galons de vedette dans la série B sympatoche (Gorilla at Large), faillit être sacré "Meilleur Acteur de Tous les Temps" de l'année 1957 avec son interprétation d'un boxeur morphinomane dans Quand la bête hurle, puis devint un westerner emblématique des fifties et sixties (Le Jardin du Diable et la série télévisée Chaparral, qui en fit une star du petit écran durant 97 épisodes.)



L'Amérique ne suffisant plus à satisfaire sa boulimie de travail ni à renflouer ses comptes périclitants, il s'exila en Italie, alors terre d'accueil des vedettes ricaines en panne de reconnaissance, où il trouva un second souffle en multipliant les apparitions mémorables dans tous les genres en vogue : giallo (le classique Six femmes pour l'assassin), western macaroni (Le Dernier pistolet), "vickingeries" bolognaise (La Ruée des vikings)...





De retour au pays, son tempérament chaotique (son ami, le cinéaste Fred OLEN RAY, le qualifiait de "dingue" dans un très beau texte-hommage, publié sur un site hélas disparu), ses dettes de jeux et ses excès de bibine l'amenèrent à s'immerger dans les bisseries crades et foutraques (l'extravagant et campissime Nightmare in Wax ; le génial The Toolbox Murders ; le déconcertant Terreur extra-terrestre, qui traumatisa bien des jeunes téléspectateurs quand un extrait en fut diffusé par les Bogdanoff twins dans leur Temps X), et à sombrer dans les culs-de-basse-fosse du Z ricain (Night Train to Terror, The Demon, etc...)
D'une multitude de nadirs, l'un des plus abyssaux est sans doute Terror on Tape, impensable bidule (y a pas d'autre mot) filmé en vidéo, dans lequel MITCHELL est un gérant de vidéoclub proposant à ses clients des extraits de films plus gerbants les uns que les autres. Film de compilation, donc, où les séquences de transition, tournées dans un coin de studio désaffecté ou dans la remise de la grand-mère du réalisateur Robert WORMS, ne durent sans doute pas demander à notre acteur plus d'une journée de présence (dans la vidéo en fin de post, il est confronté à l'une des reines du Z horrifique des années 80, Michelle BAUER, dont on appréciera davantage l'aérodynamisme que les compétences dramatiques).




Terror on Tape sortit en VHS en France à la fin des années 80, nanti d'une jaquette annonçant fièrement un casting d'ex-stars (Christopher LEE, Richard WIDMARK, John CARRADINE, Mel FERRER, etc...) qui, à vrai dire, n'apparaissent que quelques secondes dans des extraits de leurs films respectifs.
De plus en plus alcoolisé, MITCHELL conclut sa filmo dans l'enlisement le plus total, enchaînant sans complexe les Frankenstein Island, Bloody Movie (co-réalisé anonymement par le grand André DeTOTH, celui-là même qui offrit à MITCHELL son rôle emblématique dans Quand la bête hurle) et autres Demon Cop, où il peinait manifestement à cacher un état de cuite permanent. Seule exception à cette fin de parcours "cent fautes" : From a whisper to a scream, pur chef-d'œuvre néo-gothique de Jeff C. BURR, dont il fut amplement question sur FEARS FOR QUEERS, et où l'acteur livre une performance digne de ses heures glorieuses, c'est-à-dire proprement géniale...
Mais revenons à nos moutons galeux...
Enjoy Cameron, dans l'une de ses plus épineuses prestations...
(A la fin de la vidéo, vous pourrez découvrir un extrait de The Slayer [1982] de l'impayable J.S. CARDONE.)




Pour en savoir plus sur cette perle, rendez-vous ici...

5 commentaires:

  1. natural born serial dessicateur7 mai 2010 à 19:25

    brillant et drôle ! rien que le titre déjà...! bravo BB

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  2. je me rappelle m'être laissé berner par l'alléchante distribution promise par la jaquette ... et en plus la k7 avait un défaut, j'ai jamais su la regarder!!! ...mais faut il le regretter?

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  3. @ Valentine : Je fus bernée par la jaquette, moi aussi, à l'époque. Mais cela me permit de découvrir pas mal d'extraits de séries Z dont je n'avais jamais entendu parler. Entre autres, VAMPIRE HOOKERS (qui fera l'objet d'un prochain post ici-même), et NIGHTMARE, le très dégueulbif chef-d'œuvre ultra-queer de Romano SCAVOLINI... Donc, l'un dans l'autre, je ne regrette pas ma location d'il y a (...) ans, qui permit à mon vidéoclub-fétiche d'empocher 15 anciens nouveaux francs français, et à moi d'approfondir ma culture nanaresque -- ledit vidéoclub fermera à jamais ses portes dans un mois... C'est bel et bien la fin d'une époque...

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  4. ...VAMPIRE HOOKERS! ...wawwww! ...ça c'est un titre pour madame le conférencier!!!

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  5. N'était-il pas aussi un des héros récurrents de l'inénarrable série familiale Les Robinsons suisses ? Celui qui ne dédaignait pas la bouteille de temps en temps ?

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