"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



jeudi 22 juillet 2010

L'HOMME QUI AIMAIT LES PETITS BOUTS DE FEMMES


TO BE OR TO HAVE BEEN #3

par BBJane Hudson


Il s'en fallut de peu qu'Edmund PURDOM (1924-2009) devînt une ministar hollywoodienne. Il le faillit très fort dans la première moitié des années 50, quand la M.G.M. le spécialisa dans les rôles de remplaçants de dernière minute de stars patraques ou capricieuses (Mario LANZA enroué pour Le Prince étudiant, Marlon BRANDO casse-couilles pour L'Egyptien) au sein de kitscheries épico-bibliques (Le Fils prodigue). Au beau milieu d'une carrière prometteuse (ou au beau début d'une carrière décevante), il eut la mauvaise idée de piquer à Tyrone POWER son épouse Linda CHRISTIAN (la maman de Romina), ce qui déclencha les foudres des jaseuses journalistiques et autres commères appointées, et nuisit considérablement à sa sympathique image de bellâtre ripoliné (par DeLuxe) pour qui Jéhovah se damnerait sans confession.



Fort de cette indignité, il rallia l'Italie, terre d'asile des moribonds prématurés du vedettariat ricain (précisons néanmoins que notre homme était de nationalité anglaise), où il relustra son blason dans quantité de péplums, films d'aventures historiques, et westerns. Avisés, les producteurs transalpins lui confièrent le plus souvent des rôles de ténébreux félons, contrairement à leurs homologues hollywoodiens qui n'avaient pas pigé ce que son physique accort mais un peu veule recélait de crapulerie sous-jacente. Pour la plus grande joie des Boney M. (alors en barboteuses), on le vit même en Raspoutine, le moujik enfroqué et staretz tringleur, avec les cheveux longs, la barbe crasseuse, le sourire méphistophélique et la gaule sous la soutane.



Mais c'est à partir des années 80 que sa carrière devient réellement gouleyante. Sans doute lassé des films honnêtes mais ronronnants où il cachetonnait, il s'investit à fond dans la zone Z, et apparut dans ces classiques de la nullité que sont Horrible (il y joue un curé chasseur de serial-killer), Les Aventuriers de l'or perdu et Ator l'invincible. Déjà, en 1974, il avait rejoint l'éblouissante distribution (Rossano BRAZZI, Michael DUNN, Gordon MITCHELL) de l'indescriptiblement ringard Le Château de Frankenstein, après un détour chez Jesus FRANCO (Capitaine de 15 ans, Los Ojos siniestros del doctor Orloff). En 1984, il affirma fièrement son goût immodéré pour le cinéma glauque en passant derrière la caméra pour réaliser Don't Opens Till Christmas, sordide histoire de massacreur de Pères Noël, que le facétieux critique et bouquiniste Norbert Moutier me décrivit un jour comme un sommet du gore putride, ce qui me fit saliver comme une bête durant des années, jusqu'à ce que je m'avise, en découvrant le film, qu'il était férocement anodin.



Le vrai morceau de choix de cette croquignolesque fin de filmographie reste Le Sadique à la tronçonneuse, éclaboussanglante production espagnole réalisée par le pataphysicien malgré lui Juan PIQUER SIMON. PURDOM y tient le rôle-titre (je sais que je ne devrais pas le dire, car ça casse le suspense, par ailleurs inexistant, de ce périlleux chef-d'œuvre), celui d'un proviseur de campus ayant la fâcheuse manie de démembrer son staff et ses étudiantes à coups de Black & Decker. Comme tout psychopathe qui se respecte, le bougre possède une sérieuse excuse pour justifier ses agissements – en vérité, il s'agit du traumatisme originel le plus consternant de toute l'histoire du slasher : lorsqu'il était enfant, sa mère le surprit en train d'assembler un puzzle représentant une femme nue ; elle l'engueula vertement, et il répliqua en la morcelant à la hache ! Depuis, il n'a de cesse de reconstituer son foutu puzzle, et s'y emploie en tronçonnant son entourage, dont il assemble les membres prélevés, en digne émule du docteur Frankenstein.



Ayant piqué le titre de ce post à Dan BRADY, auteur d'une hilarante critique du film dans Starfix n°11 (janvier 1983), je me sens autorisée à poursuivre le repompage : "Une future victime attend l'ascenseur. Arrive le tueur, dont le visage ne trahit aucune folie particulière. L'imprudente ne se méfie donc pas. Et pourtant... Que remarque-t-on vaguement, lorsque le duo pénètre dans la cage ? Une tronçonneuse fumante que le fou tient planquée derrière son dos. Et l'autre conne qui lève la tête et suit nonchalamment le vol d'une mouche, en sifflotant... Fallait oser, quand même."



Dans l'extrait que je vous propose, le cher Edmund a pour partenaire Linda DAY GEORGE, dont, pour citer encore Dan BRADY, « le visage ratatiné de tête réduite en a terrifié plus d'un dans un tas de nullités américaines, du genre Day of the Animals de feu GIRDLER, ou Mortuary, un psycho-killer aberrant où le fou tue ses victimes avec une sorte de balai à chiottes. »


Les George

Le film réunit en outre Paul SMITH, le maton bastonneur de Midnight Express, Christopher GEORGE, l'époux de la tête réduite, et le génial Jack TAYLOR, pilier du cinéma bis transpyrénéen et acteur fétiche de Jess FRANCO. Du all star cast comme les aime Valentine...

Enjoy !...





10 commentaires:

  1. ...voilà encore un de ces films à mettre sur ma liste "mais comment c'est 'ti dieu possible que je l'ai point encore vu????"
    ...affiche sublime que j'avais collée dans une farde de math quand j'étais au lycée!

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  2. ...je me rappelle d'un STARFIX que j'avais acheté ado, avec un article sur Joe D'Amato et "chair pour Frankenstein" qui avait subit les foudres de la censure familiale!!! ...et qui m'"avait surtout donné l'envie furieuse de voir les œuvres citées: "horrible", "antropophagous", "blue holocaust", plus le chef-œuvre déviant de Morrisey (et Margheriti!) ...un vrai festival de finesses et de raffinements!

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  3. Après la floche, la farde !... Encore un mot à mettre sur ma liste "mais comment c'est 'ti Dieu possible que je ne le connaissais point ???"

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  4. ...oh bein ça, je l'ai même pô fait exprès!
    ...mais comment vous dites vous de l'autre côté de la frontière (linguistique)???
    faudra que je t'expédie notre best-sellers de l'été: "comment parler le belge"

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  5. alors, la question qui me tarabuste depuis ma plus tendre adolescence:
    ...qu'est censé représenter le truc répugnant qui se trouve à gauche de George Eastman sur l'affiche de HORRIBLE???

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  6. @ Valentine : Je n'en sais rien, et je ne veux surtout pas le savoir !...

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  7. ...ça ne peut pas être pire qu'une bonne andouillette?! ....Si?

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  8. YRREIHT ZETLUB2 août 2010 à 09:33

    C'est vrai qu'elle fait peur de jour comme de nuit, LINDA DAY, et même paralytique, elle arrive à déformer son visage (même l'autre LINDA, BLAIR, elle y est pas arrivée dans "L'exorciste"!!!).
    J'ai revu notre cher EDMUND dans le "TITANIC" de NEZ-GULESCO (excusez-moi pour les fautes, c'est à cause de LINDA... BLAIR) et je peux vous dire que l'iceberg, eh bien il a pas eu peur non plus du futur sadique... et à la fin il coule le TITANIC.... oh mince, un spoiler!!!

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  9. @ Yrreiht : Heureuse de votre retour en ce lieu. Si je comprends bien, vous aussi avez du mal à blairer les Linda. Et pourtant, voilà deux championnes de la série B horrifique des eighties... Je suis navrée d'avoir raté votre appel, et j'espère vous revoir bientôt !...

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  10. Nez-gulesco et Linda Blair! ...mais dites moi, on va être sponsorisé par l'almanach Vermot bientôt!!! ;-D
    Noooooon revenez, c'était pour rire!!!
    ...Je ne sais plus si c'est pas Bertrand Tavernier qui parlant des derniers films du monsieur ci plus haut nommé, appelait ça des "Negules-conneries"

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