"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



mardi 30 décembre 2014

SWEET CHARITY (1969)

BOOKING.CAMP #3

par Valentine Deluxe 


Pour ce nouvel opus de notre indispensable chronique -- indispensable si vous voulez savoir où il faut être, comment, et avec qui pour être dans le coup --, nous allons répondre d'un seul coup, d'un seul, aux deux questions les plus anxiogènes du moment :
- Qu'est-ce qu'on fait pour le réveillon ?
- Qu'est-ce qu'on va se mettre ? (Je parle chiffons, là ; pas "biture et gueule de bois"...)

Ainsi donc, pour notre dernier rendez-vous de l'année, pas besoin de tourner autour du pot (déjà que l'extrait proposé sera un chouïa plus long que la moyenne habituelle) : si vous voulez passer une Saint-Sylvestre d'anthologie -- prenez vite un papier et crayon, sinon vous allez oublier --, moi je ne vois que...

le POMPEII club !


Evidemment, pour rentrer dans la bagnole, 
ce sera une autre histoire !

Le POMPEII club, c'est là que Vittorio Vittale -- le latin lover bien connu des tabloïds --, un soir de pluie et de grande solitude (traduction : il vient de se faire lourder comme une vieille crotte par sa dulcinée)  emmène  la merveilleusement godiche Charity Hope Valentine (encore une Valentine !... Décidement, ces temps-ci, on donne un coup de pied dans un réverbère, et il en tombe 15 à la douzaine !...)
Ça va lui mettre du baume au cœur, à c'te pauvre fille, parce qu’elle serait plutôt du genre à enfiler les quilles, un vrai petit Titanic sur talons hauts. 
A croire qu'elle fit un jour pipi sur un totem vaudou, ou que sa mère accoucha d'elle dans un vieux cimetière indien !... Peut être même les deux à la fois, vu les casseroles qu'elle se ramasse !
Mais pour une fois, notre Sweet Charity, cette petite sœur  américaine de la Cabiria de Federico Fellini, semble avoir tiré le gros lot : la grande vedette esseulée l'a remarquée sur le trottoir et l'a embarquée dans sa limousine pour l'emmener faire la fête!


 Cabiria ou Charity, c'est la même poisse tout ça !

Et comme il ne regarde pas à la dépense, qu'il n'est pas trop "piscrosse"* comme on dit à Liège, le beau Vittorio (un Ricardo Montalban pas encore faisandé sur son "Ile fantastique") emmène notre pauvre greluche...
 au POMPEII club ! 
(D'accord, le suspense est un peu éventé, vu que je vous l'ai déjà soufflé au paragraphe précédent...)


La petite robe noire, amoureusement customisée,
 a toujours la cote !

Au POMPEII club, pour être à la page, c'est pas compliqué : il suffit d'être habillé en Edith Head de pied en cap.
Et il faut reconnaître que, pour l'occasion, notre petite (1m56) Edith, avec son bon goût aussi  légendaire que dictatorial, à merveilleusement fait les choses.
Pour les messieurs, c'est smokings à jabots, avec une sérieuse aisance à l’entre-jambe, histoire de pouvoir accomplir les pirouettes du maître de ballet/metteur en scène, Bob Fosse. Pour les dames, petite robe noire, très simple et trèèèèès courte, astucieusement accessoirisée par des tombereaux de bijoux-fantaisie, le tout invariablement surmonté, tel un bouchon tarabiscoté sur une jolie carafe, d'une création capillaire des plus extravagantes.
Que demander de plus ?... Merci Edith !...

Oui, Edith Head a du génie, elle le sait...
et elle ne manque jamais de nous le rappeler !

Ah oui ! autre détail de taille : au POMPEII, on n'apprend pas seulement comment se frusquer, mais aussi -- et là, ça va pas être du mille-feuilles ! -- ce qu'il faut danser.
Parce que, comme SWEET CHARITY est le premier film réalisé par  Bob Fosse -- avec quasiment un chèque en blanc pour le budget ! -- et que le chorégraphe préféré de Fosse, c'est Fosse lui-même, nous allons avoir droit à l'une des séquences dansées les plus longues et inutiles de toute l'histoire du cinéma.
Enfin, "inutile", comprenons-nous bien, ça reste génial d'un bout à l'autre, on est bien d'accord !
Mais c'est aussi :
  1. absolument gratuit : nous ne sommes pas dans West Side Story, l'intrigue ne va pas avancer d'un poil par la grâce de ces merveilleux entrechats.
  2. d'un nombrilisme absolument ébouriffant : au niveau de l'ego surdimensionné, Bob Fosse pouvait donner des leçons à Edith Head -- pourtant une référence incontournable en la matière !
Ceci étant dit , c'est quand même un régal pour les mirettes !
La chorégraphie est parfaite, les costumes sont parfaits, et pour les oreilles, ce n'est pas moins festif, vu que le grand Cy Coleman s’occupe de la fanfare.

Alors, joyeux réveillon et... 
que la fête commence !



* Piscrosse : avare (Wallon liégeois)

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