"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



lundi 26 mai 2014

MACADAM (1946)

SPÉCIAL FÊTE DES MÈRES / French Camp 

par Valentine Deluxe



Vous ai-je déjà parlé de l’hôtel "Bijou" de Madame Rose ?... Non ?... Pas possible !
Eh bien, réparons sans tarder ce malencontreux oubli.
L’hôtel Bijou est un établissement de premier ordre. Eau et gaz à tous les étages, une clientèle triée sur le volet, et tout ce que vous êtes en droit d'attendre du confort moderne.
Bon, bien sûr, il y a les mauvaises langues, toujours promptes et agiles à vous broder une réputation, de préférence "déplorable".
C'est que l’hôtel Bijou de Madame Rose est... comment trouver le mot juste ?...
Permettez-moi d'appeler à la rescousse une amie très chère, qui m'avait déjà tirée d'un pareil embarras lors de la 100ème chronique de notre auguste blog :
L’hôtel Bijou donc, c'est...




Pour l'anecdote -- si vous me permettez la digression --, cette vénérable maison est tout droit sortie des cartons à dessins du génial Jean d'Eaubonne, un des plus grands (et des plus injustement oubliés) décorateurs du cinéma français, roi de la perspective forcée et du trompe-l’œil.


 De nuit comme de jour, l’hôtel Bijou est une merveille !

Pour régenter une maison de ce niveau et lui permettre de maintenir son standing ainsi que sa réputation -- tout ça sans guide Michelin ni trip advisor --, il fallait une poigne de fer, un esprit éclairé et un administrateur hors pair.
Autant de qualités dont Madame Rose est amplement pourvue !
Madame Rose, c'est une femme de tête, une femme-cheval, une femme à qui il ne faut pas en conter... sous peine qu'il vous arrive des bricoles.
Bref : une femme "comme ça" ! (geste)
Et qui mieux que Françoise Rosay pouvait incarner de façon plus mémorable cette grande (et large) dame ?... Si vous trouvez, n'hésitez pas à m'envoyer un texto, parce que moi, je cherche encore !






Catherine de Médicis, tenancière de 
l'auberge rouge 
ou de l’hôtel bijou: 
qui oserait encore parler de "sexe faible" dés que paraît 
Françoise Rosay ?






Comme je vous sens un peu sceptiques, je vous propose de nous rendre derechef sur le terrain.
Le terrain, en l'occurrence, c'est le "MACADAM" de Marcel Blisten et Jaques Feyder, extravagant melting-pot brassant à peu près tous les genres en vogue à l'époque : le mélodrame, la comédie de mœurs, le drame social et le film policier !
Maintenant, regardez comment notre Madame Rose mène tout son petit monde à la baguette : les pique-assiettes, les mégoteurs et les fauchés, elle ne les a résolument pas à la bonne ; ils peuvent numéroter leurs abattis quand ils ont le malheur de croiser sa route !
Avant de lancer la bobine, remarquez comment Madame Rose/Françoise Rosay, pour sa première apparition dans le film, sait -- comme toute grande dame qui se respecte (voir les exemples donnés jadis dans ces colonnes) -- se  réserver une entrée en scène, très... très... très "Grande Dame" quoi !



Bon, c'est vrai, il y a bien cette vilaine histoire de mari trucidé... C'était pas malin non plus de tenir tête à Mme Rose, précisément un jour où elle avait les nerfs plus forts que le sang et qu'elle souhaitait fermer boutique  (une parfumerie au kilo) sur une faillite frauduleuse. 
Et oui, Môsieur avait des principes !... un emmerdeur quoi !...
Tout ça, évidemment, aurait pu faire du tort à Madame Rose, car les gens, faut que ça cause, que ça cancane, que ça ragotte.
Mais il en faut davantage pour écorner la réputation de notre Sainte matrone -- qui, l'un dans l'autre, a plutôt la cote dans le quartier :


Certes, il y a les enfants... c'est bien là le problème...
Car en effet, on en viendrait presque à oublier la thématique du jour : c'est la Fête des Mères !
Madame Rose, avant d'être une taulière de première, est aussi une maman d'une imparable dignité et au cœur débordant d’amour et d'affection, comme toutes celles que nous célébrons ici chaque année depuis 4 ans !
Et comme d'hab', le caillou dans la godasse c'est... ?
Réponse collégiale attendue : LA FILLE!!! (encore et toujours!)




Une teigneuse, une souillon, une pimbêche, toujours à accabler de reproches sa pauvre génitrice, sous le fallacieux prétexte qu'elle doit se farcir le ménage du galetas. Elle oublie, cette vilaine bête, que les tâches ménagères ne sont pas sans noblesse, et que Madame Rose ne peut quand même pas être au four, au moulin et à la buanderie !... Diantre ! Elle a un commerce à faire tourner (et surtout un rang à tenir !)
Aussi, je ne vous dis pas l'ambiance à table....
Madame Rose, c'est pas un problème, bonne vivante, toujours le mot pour rire et la main sur le goulot , c'est une vrai boute-en-train... Mais la môme pisse-vinaigre, quelle plaie, je vous jure !... Y a des baffes qui se perdent !!!




Pour ma part, j'estime que Madame Rose a bien du mérite. Il lui en a fallu de la patience pour ne pas la noyer quand elle était gosse, cette raclure de bénitier.
Elle pourrait grimper sur la table pour lui reciter une poésie, en finissant par une jolie révérence et un solennel...             
"Bonne fête maman!"
(encore heureux qu'on est là !)

1 commentaire:

  1. Madame Rose a un je ne sais quoi mais bon des Madame Rosay, on en fait pas des comme ça tous les jours non plus!

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