"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



dimanche 23 janvier 2011

COMMENT FAIRE DES MISERES A UNE INFIRME EN PUBLIC


LES BONS CONSEILS DE VALENTINE #12

par Valentine DELUXE

AVERTISSEMENT : cette bafouille aurait dû vous être livrée, très chers lecteurs, avant le fatal crépuscule de l’année 2010. Mais les rédactrices de votre blog préféré ne travaillant que par l’intermédiaire de pigeons voyageurs (un système qui, ceci dit, a fait ses preuves en des temps plus troublés, de Verdun au Chemin des Dames), la météo a quelques peu contrarié ce mode d’échange épistolaire.

Vague de froid oblige, c’te pov’ piaf s’est retrouvé congelé façon Hibernatus, quelque part entre Fexhe-le-Haut-Clocher et Aniche. On attendait le dégel avec impatience pour retrouver la trace du disparu, mais les crues qui ont suivi ont entraîné la malheureuse bestiole jusqu’aux confins de l’estuaire de la Loire. Les restes du valeureux soldat des airs ont été ensuite rapatriés par malle-poste jusque dans l’antre de notre bien aimée rédactrice en chef, la grande, éblouissante et irremplaçable BBJane HUDSON (j'en ai profité pour envoyer par le même volatile une velléité d’augmentation salariale...)


Notre pigeon voyageur, devant le sapin de BBJane.


Donc, en lisant cette nouvelle chronique, nous sollicitons votre haute bienveillance : faites donc comme si nous étions encore entre deux réveillons.

Je compte sur vous, hein !?!

Pour employer une formule qui a fait ses preuves, je commencerai par : « Il était une fois… »

Sur Mein Camp comme ailleurs, les fêtes de fin d’année battent leur plein... Notre BBJane adorée est en train de farcir son rat pour le réveillon (le secret de sa farce : moitié crème de marrons, moitié litière pour chat, ça donne un petit côté croustillant inimitable), et Valentine s’entraîne pour le Mémorial Shelley WINTERS, catégorie « ascension d’arbre de Noël en petite culotte et talons compensés » (elle espère battre le précédent record détenu par Stella STEVENS.)


Shelley WINTERS, prête à récompenser la lauréate de la catégorie "ascension de sapin de Noël"...


Tout ça, a priori, ne nous laisse que peau de balle pour nous occuper de notre bien aimé lectorat, et vous commenciez à trouver le temps long entre deux chroniques suintant l’érudition et le bon goût.

Mais noooooon, vous n’êtes pas abandonnés ! Voici quelque chose à vous mettre sous la dent entre les sempiternels bêtisiers télévisuels (qui sont décidément devenus infréquentables) et les best-of de l’année écoulée (beaucoup trop déprimants, vu le nombre de « RIPages » que nous avons subis durant ces 12 derniers mois...)

Aussi, pour nos agapes festives, chers adorateurs du Camp, il fallait mettre la barre ciné-gastronomique encore un peu plus haut que d’habitude. Nous avons regardé ce qui nous restait au frigo, et votre Valentine chérie vous a sorti un modèle haut de gamme tout ce qu’il y a de parfait pour bien commencer ou finir l’année.

Au menu :

du glamour en Technicolor

des dialogues étincelants que vous pourrez ressortir lors de votre saint-sylvestrienne veillée

des garceries comme vous n’osiez même pas en rêver dans vos fantasmes les plus fous

Et, cerise confite sur le mirifique gâteau, bouquet final de ce somptueux feu d’artifice : nous allons faire des misères à une pauvre infirme sans défense !

Pas mal comme programme, non ?

Maintenant, plantons un peu le décor, et nuançons d’un rien cette note d’intention.

Le film ?

Le Démon des femmes !

Ça sonne déjà pas mal, mais il est plus connu (enfin, connu par les aficionados de l’improbable, comme les hôtes de ce blog) sous son titre original : The Legend of Lylah Clare.



Est-il besoin de rappeler que nous avons aux commandes le maître de la torture d’infirmes, le grand, l’immense, l’irremplaçable Robert ALDRICH, qui – je ne vous ferai pas l’injure de vous le rappeler – s’y connaissait un brin dans le domaine, puisqu’il nous avait pondu Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? 6 ans plus tôt (Crotte ! j’avais dis que je vous le rappelais pas !!!)

ALDRICH, après le triomphe des 12 salopards, va s’évertuer à dépenser jusqu'au dernier centime des bénéfices faramineux engrangés par ce succès, s'octroyant ainsi une brève et totale indépendance qui lui permit de nous livrer des œuvres aussi atypiques et mémorables que cette Lylah Clare, mais aussi Faut-il tuer Sister George ? ou encore Pas d'orchidées pour Miss Blandish.

Tous ces films se payant le luxe d’être des fours phénoménaux (Lylah Clare sonnera ainsi le glas de la carrière de son actrice principale, la glaciale et mono-expressive Kim NOVAK), ALDRICH dut vite mettre la clef sous le paillasson de ses studios qui sentaient encore la peinture fraîche.

Pour nuancer mon propos, je me dois de souligner que la pauvre infirme sans défense en question est loin d’être une mielleuse angoissée, type « Mary INGALLS » (dite « la bigleuse »). Non, ici, nous avons affaire à un cador, une pointure, un vrai petit champion nourri au Pédigree (supplice du) Pal + : Molly Luther en personne !

Non contente d’être la plus éminente critique de la Cité des Anges, Molly (sublime Coral BROWNE) se trouve être un confondant sosie de Marthe VILLALONGA mâtinée de STALINE en jupons et jambe de bois. Et elle vous décoche des répliques mortelles avec la célérité du crotale, aidée par une langue fourchue trempée dans du concentré de cyanure qui ne laisse aucune chance à sa victime, foudroyée sur place par la venimosité du Moloch.


Coral BROWNE et Marthe VILLALONGA : une (très vague) ressemblance, selon Valentine...


Face à elle, à peine plus mauvaise que d’habitude (c’est un avis tout ce qu’il y a de personnel et qui n’engage que moi, j’assume !) Kim NOVAK nous joue une petite grue, aspirante vedette tout ce qu’il y a de nunuche, mais qui, quand le vent souffle dans la bonne direction, se retrouve possédée par l’esprit de Lylah Clare, grande vedette morte dans des circonstances aussi brumeuses qu’alambiquées. (Nous n’épiloguerons pas sur la [contre ?] performance de mam’zelle NOVAK, mais disons simplement que « n’est pas Gloria SWANSON qui veut »...)


Kim NOVAK se trouve tellement mauvaise qu'elle déchire son propre portrait, dans Le Démon des femmes.


Mais heureusement, mes enfants, quand Lylah-la-garce affronte Molly-la-boiteuse, devant un public médusé par tant d’échanges fielleux et de coups bas, on touche au sublime !

Si ça ce n’est pas du Panache, je ne m’appelle plus Valentine Deluxe !

Allez, on se regarde ça, et après je vous fais un petit best of, rien que pour vous.




Alors, merveilleux non ?

C’est quoi votre réplique préférée dans tout ça ?

Moi j’ai un petit faible pour ça :


Pour ça :


Mais surtout pour ça :


Bref, j’aime tout, en fait !