"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



dimanche 26 mai 2013

LA RESIDENCIA (la résidence, 1969)


SPÉCIAL FÊTE DES MÈRES

"Jeunes filles en uniformes"

par Valentine Deluxe

Les filles sont des charognes, il me semble inutile de revenir là-dessus.
Depuis 3 ans que je vous le serine chaque année à pareille époque,  je pense que le message est bien passé (rassurez-moi ?)
Mais qu’en est-il des fistons ?
Ahhhh !... Ça, c’est autre chose !
En soi, comme nous l'avons vu précédemment, la postérité mâle n’est pas intrinsèquement mauvaise, bien au contraire. 
Tout irait même pour le mieux dans le meilleur des mondes avec les garçons, qui au premier abord semblent être tout ce qu'il y a de dévoués et admiratifs (voir idolâtres) à l’égard de leurs génitrices.

Deux exemples de fils tout entiers dédiés au bonheur de leurs mères.

De Norman Bates  à Jason Voorhes, les exemples de bons fils dévouéabondent dans le cinéma que nous aimons et défendons dans nos colonnes.
Non, le problème -- le seul, le vrai -- avec la descendance masculine, c’est que, les choses étant ce qu’elles sont, elle se trouve invariablement garnie (passez-moi l’expression) d’une paire de testicules, dont les soubresauts hormonaux sont, eux, sources de bien des tracas.

 S'il n'était ce petit souci  de l'entre-jambe, 
un fils ne serait que source de fierté pour sa génitrice.

Parce que très souvent, ces petits chatouillis du côté des roubignoles risquent de ramener dans la cellule familiale quelque chose de bien plus empoisonnant et pernicieux que la fille : 
la BELLE-fille !
(voir ici)

Une belle-fille cumule tous les emmerdements que pourraient vous apporter la petite pisseuse à qui vous avez légué votre patrimoine génétique, sauf qu’en plus, faut-il encore le répéter… ELLE N’EST PAS DE VOUS !
Comme si on n'avait pas assez de vicissitudes comme ça avec ses propres mômes, sans en plus devoir se farcir ceux des autres !!! 

Une belle-fille, c'est déjà la croix, mais deux !!!

Pour remédier à ce péril, et éviter ainsi que votre petit chéri ne vous ramène à la maison la première gourgandine venue, pêchée dans le plus sordide  ruisseau, dans le bouge le plus mal famé, je vais vous confier un truc imparable.
Pour ce faire, rendons-nous dans le pensionnat  pour jeunes filles « difficiles», tenu de main de fer par Mme Fourneau.
La directrice de cette respectable institution -dont les pensionnaires se font impitoyablement trucider pour de nébuleuses raisons que je me garderais bien de vous dévoiler- est incarnée ici, avec une perfection toute germanique,  par l’impeccable Lilli Palmer, dans le chef-d’œuvre de Narciso  Ibáñez-Serrador , « LA RÉSIDENCE ».

Lilli impératrice.

Le truc infaillible donc, pour empêcher que votre gamin parte courir la gueuse comme un matou en chaleur, sera on ne peut plus facile à retenir : La castration psychologique!
Pensez à bien rappeler  à ce grand couillon que, jamais au grand jamais, il ne trouvera une femme plus dévouée, plus aimante et compréhensive que vous !... La femme idéale, il l'a déjà rencontrée, puisque c’est elle qui l’a mis au monde !

Démonstration :



Et comme ce petit étourdi agité des valseuses affiche une libido aussi exacerbée que sa mémoire de poisson rouge est défaillante, il faudra bien lui répéter la leçon, encore et toujours, à chaque minute que le bon dieu fait ! 
Mais, me direz-vous, si la conservation de l’hégémonie au sein de la cellule familiale est à ce prix, c'est  pas cher payé, non ?

Lana morphosée


SPÉCIAL FÊTE DES MÈRES
par BBJane Hudson

Depuis Mommie Dearest, on sait que les relations des mères hollywoodiennes avec leurs filles tiennent davantage du chemin de croix que du jardin de roses. Si toutes les mamans-stars ne furent pas aussi psychopathes que Joan CRAWFORD, rares sont celles qui peuvent se targuer d'avoir instauré un climat favorable à l'épanouissement de leur progéniture femelle. Le cas de Lana TURNER et de sa fille Cheryl CRANE n'est qu'un exemple parmi tant d'autres des effets calamiteux d'une éducation négligée en terre californienne.

Mère et fille : les jours heureux...

Femme à hommes inaltérable et dotée de goûts éclectiques (elle s'envoya successivement Frank SINATRA, Howard HUGHES, Tyrone POWER, Lex BARKER -- liste non exhaustive), Lana avait un faible prononcé pour les rapports musclés pimentés de SM, et trouvait à l'humiliation des vertus puissamment aphrodisiaques. En se liant au gigolo et gangster notoire Johnny STOMPANATO, elle décrocha le gros lot en matière de pugilisme amoureux, de vexations barbares et de pains dans la gueule. Leur idylle tapageuse connut un épilogue explosif lorsque la jeune Cheryl, fille de Lana et de l'acteur-restaurateur Joseph Stephen CRANE, âgée de 14 ans, descendit le marlou de plusieurs coups de couteau, afin de prévenir le tabassage en règle de sa mère lors d'une soirée particulièrement belliqueuse.

Johnny et Lana

A l'issue d'un procès amplement médiatisé, le jury opta pour la légitime défense après que Lana se fût livrée, à la barre des témoins, à un impressionnant numéro d'amante outragée et de mère éplorée, dont tous les assistants s'accordèrent à souligner la haute teneur en dramacouinage et le fort potentiel oscarisable.
Négociant le scandale à son avantage, Lana avait fait de sa déposition le moment dramatique le plus spectaculaire et le plus abouti de sa carrière (par ailleurs déclinante), la performance la plus éblouissante qu'une actrice aussi limitée eût jamais accomplie en un lieu aussi peu glamour qu'un tribunal.

 Tiens bon la barre, Lana !... (Un grand moment de cabotinage juridique...)

Ce qui promettait d'être une dégringolade professionnelle aussi bien que privée, devint le tremplin d'une seconde carrière placée sous le signe de la grandiloquence meurtrie, du pathos échevelé, du mélodrame ébouriffant. On peut dire que Lana, rebondissant sur un gadin vertigineux, trouva soudain sa voie de comédienne, sa raison d'être à l'écran.
Dès lors, elle ne travailla plus que dans le sublime, enfilant les soap operas exubérants, dont les scénarios étaient souvent inspirés de ses déboires privés. Durant les années 1950-60, elle campa avec une sorte d'implication extatique, les mères bafouées et les maîtresses à la ramasse, le plus souvent sous la férule de son admirateur transi, le producteur gay Ross HUNTER.
Le sommet de cette reconversion aux allures de résurrection fut sans doute Madame X, quintessence du mélodrame flamboyant et monument Camp absolu. Le nadir en fut The Big Cube, ahurissant brassage de mélo naphtaliné et de teen movie psychédélique, surfant tardivement sur la vague un peu aplatie du cinéma de drugsploitation (films exposant les splendeurs et les servitudes des substances psychotropes hallucinogènes, et en particulier du bon vieux diéthylamide de l'acide lysergique, plus connu sous l'acronyme LSD).


The Big Cube fait de Lana une star du théâtre renonçant à sa carrière pour épouser un riche entrepreneur (Dan O'HERLIHY). La fille de ce dernier (Karin MOSSBERG) voit la chose d'un très mauvais œil et, désireuse d'anticiper ses droits à l'héritage paternel, s'acoquine avec un séduisant dealer (George CHAKIRIS) pour éliminer sa belle-doche après la mort accidentelle de son vieux. A cette fin, elle introduit subrepticement du LSD dans les médicaments de Lana, provoquant chez la malheureuse des hallucinations en Eastmancolor du plus piquant effet -- surtout lorsqu'il est rehaussé par les riboulements d'yeux de la grande tragédienne, atterrée par ces inexplicables pétages de plombs.
Un exemple de ces visions folkloriques peut être apprécié dans la scène qui suit, où Lana voit la mer dans le ciel, et fait l'objet d'une fausse tentative de meurtre dont on discerne mal la finalité -- en agissant de la sorte, la jeune fille et son amant s'exposent surtout à éventer leur plan... Pas très futé de la part de ces "adolescents" ayant largement dépassé la limite d'âge (CHAKIRIS et MOSSBERG avaient respectivement 35 et 27 ans...)



Dans le registre Camp, on saluera également la prestation de Regina TORNE en "Queen Bee", reine d'une boîte de nuit baptisée "The Trip", qui, dans sa combinaison rayée jaune et noire, a tout d'une drag-queen féminine. Le film fut co-produit par Robert EATON, avant-dernier époux de Lana, dans un louable effort pour moderniser l'image de la star. Manque de bol : il ne fit qu'en accuser la désuétude, et fut un flop complet.

samedi 25 mai 2013

"Ton manège à toi, c'est... MOI!"


SPÉCIAL FÊTE DES MÈRES / French Camp
par Valentine Deluxe


Est-il encore une fois besoin de le rappeler ?… Les filles sont un fléau qui use et ronge les très saintes femmes ayant eu l’étourderie de pondre ces petites infections.
Joan Crawford et  Bette Davis, pour une fois, pourront se mettre d’accord sur cette sentence lapidaire, elles qui ont nourri pendant trop longtemps, à leurs seins lourds de trop d’amour (et gonflés de Pepsi-Cola pour la  première), d’infâmes petites vipères ingrates.

Pour une fois, elles seront d'accord...

Mais nous allons voir que de ce côté-ci de la mare aux harengs, dans des contrées moins flamboyantes et glamoureuses que le vieil et bel Hollywood, nous pouvons également vérifier cet adage sans appel.
Car si « labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France », déception et frustration sont celles des mères-courage qui n’ont pas su se débarrasser, sur les marches d’une église ou le bord d’une autoroute -- voire d’un bon coup d’aiguille à tricoter dans la fontanelle -- de leur vilaine progéniture.

Intéressons-nous donc maintenant aux soucis que doit endurer notre Mater Dolorosa du jour.
Jusqu’ici, tout allait pour le mieux, cette brave dame ayant plutôt bien réussi une éducation que la méduse qui lui sert de fille avait suivie à la lettre.
Ce respect scrupuleux des recommandations  maternelles, a permis à la fille bientôt indigne, de parvenir à se frayer une place douillette, sinon au soleil, du moins en climat tempéré.
Pour ce faire, les commandements et conseils judicieux de sa génitrice étaient on ne peut plus simple:

1) Ne jamais rien faire qui ne soit motivé par une finalité purement vénale.
2 ) Ne s’encombrer pour la cause, d'aucun scrupule ; la fin justifiant les moyens, fussent-ils les plus vils. 
3 ) Quels que soient les bénéfices engrangés par ces vilénies,  
ne jamais oublier d'en reverser une quote-part des plus généreuses à sa sainte femme de mère.

Vous serez d'accord avec moi : faut pas avoir fait science-po pour comprendre, retenir et appliquer ça.
Et puis crac !... Après quelques années de bons et loyaux services, le grain de sable, le faux-pas, la bévue ! Mademoiselle se pique d’être amoureuse ! 
Pas de son pauvre pigeon de mari, déjà plus qu’à moitié plumé par la voracité de ces deux viragos, mais d’une sorte de gigolo, d’aventurier sans le sou, au sourire carnassier et aux coups de reins redoutables.
Et ça -- notre brave môman le sait de source sûre, sinon d’expérience --, c’est forcément le début des emmerdements !

La maman, la putain et le dindon de la farce.

Puisque nous sommes dans le domaine, encore peu exploré dans nos colonnes, du Camp « made in France », allons donc retrouver notre édifiant duo, incarné à l’ultra-perfection par les irremplaçables Jane Marken et Simone Signoret.
Simone qui d’ailleurs, permettez-moi la parenthèse, pourrait rejoindre le duo de divas cité dans l'introduction, puisque, comme miss Crawford et Davis, elle eut également la faiblesse, d’une maladroite éructation d’utérus, de mettre au monde une abominable sangsue revêche et ingrate, dont nous tairons le nom afin de nous éviter les sanglantes représailles juridiques de Catherine Allégret (flûte, ça m’a échappé !)

Burn witch, burn !

Si je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler l’extraordinaire carrière de « la » Signoret, Jane Marken, un peu oubliée aujourd’hui, affiche un palmarès non moins éblouissant.
Abonnée aux rôles de bonnes grosses femmes un tantinet vulgaires (« Les Enfants du Paradis ») ou d’abominables mégères (« Pot-bouille »), la dame était régulièrement courtisée par les plus brillants metteurs en scène de l’époque.  Renoir, Duvivier, Carné, Guitry, Abel Gance… On dira ce qu’on voudra, sur un CV, ça fait joli !

 Une affiche superbe, pour un film tout 
en excès comme on les aime !


Les deux comédiennes campent ( ! ) ici  les harpies les plus odieuses, infâmes, détestables et amorales que le cinéma français nous ait jamais offertes.
Partons donc découvrir un morceau choisi de ce chef-d’œuvre absolu de l’outrance, de l’excès et de la « pause effrénée », ingrédients indispensables au Camp s’il en est, qu’est ce MANÈGES  de Yves Allégret (le papa de qui-vous-savez, aka "la Méduse", "le Fléau", "Belphégor", etc...)



Quand on voit comment cette petite grue parle à sa mère, on se dit quand même qu'il y a des coups de tisonniers dans les gencives qui se perdent !
Une môman si bien comme il faut, éternellement  pimpante et primesautière !
Et toujours de bonne humeur avec ça. C'est même sa signature maison à Mme Mère, son rire ! Ça vous met tout de suite une touche de distinction et de classe dans les soirées les plus "collets montés", un rire comme ça.
Le doute n'est pas permis : c'est une femme du monde ! (et immonde aussi, oui, je vous l'accorde...)