"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



mercredi 27 février 2013

THE BALLAD OF TAM LIN (Roddy McDOWALL, 1969)


par BBJane HUDSON


(Attention ! Nombreux spoilers...)

Unique réalisation du comédien Roddy McDowall, enfant-star des années 1940 puis second rôle fétiche de la science-fiction et de l'épouvante, The Ballad of Tam Lin est une œuvre atypique et incomprise, présentant tous les attributs du film maudit. La banqueroute de son producteur, la Commonwealth United, retarda de deux ans sa distribution ; son nouvel acquéreur, l'A.I.P., le remonta sans consulter McDowall et le lança comme un film d'horreur dans le circuit des drive-in sous le titre The Devil's Widow. Or, non seulement Tam Lin n'entretient avec l'épouvante qu'un rapport réticent, mais il manifeste des ambitions artistiques, poétiques et expérimentales peu courantes dans le cinéma d'exploitation.



Bien qu'inspiré d'une célèbre légende écossaise, il en évacue les éléments fantastiques et la transpose dans le cadre réaliste de la fin du swinging London, ne retenant que ses aspects romantiques et élégiaques. Si le film dispense une réelle étrangeté, elle tient davantage aux options de mise en scène qu'à la teneur surnaturelle d'une intrigue qui, sur le papier, relève du mélodrame classique (un fort parfum d'eau de rose subsiste dans plusieurs scènes). Difficilement classable, l'œuvre passe de l'esthétisme contemplatif à l'exubérance Pop, du folklore rural gentillet à l'angoisse et au suspense. Elle repose enfin sur une figure féminine et un argument propres à la hagsploitation, tout en gardant certaines distances avec le sous-genre.


La légende originale raconte la captivité d'un humain, Tam Lin, par la Reine des Fées, et sa libération grâce à une jeune fille éprise de lui. Parmi d'innombrables variations littéraires, McDowall et le scénariste William Spier retinrent le poème de Robert Burns (1759-1796), dont des extraits mis en musique émaillent ponctuellement le film. La Reine des Fées devient ici Michaela (dite Micky) Cazaret (Ava Gardner), une femme immensément riche qui, pour tromper son vieillissement, s'entoure d'une bande de jeunes gens qu'elle entretient fastueusement. Parmi eux, elle élit périodiquement un amant attitré. Tom Lynn (Ian McShane) est le dernier en date, secrètement jalousé par Oliver (David Whitman) qui aimerait prendre sa succession. Lors d'un séjour de la troupe dans le manoir écossais de Micky, Tom s'éprend de Janet Ainsley (Stephanie Beacham), fille du vicaire local. Elroy (Richard Wattis), le secrétaire particulier de Micky, informe le jeune homme du funeste destin des précédents favoris de sa patronne : tous ont péri dans des accidents de voiture après avoir voulu se détacher d'elle. Quand Tom annonce à Micky qu'il est résolu à la quitter, elle lui octroie sept jours de répit à l'issue desquels elle promet de le tuer. Ayant appris que Janet est enceinte, Tom lui demande de garder l'enfant et décide de leur départ pour Londres. Alors qu'il s'apprête à partir, il est kidnappé par ses anciens compagnons et conduit au manoir. Micky le force à avaler du LSD puis à fuir en voiture avec la meute de ses protégés à ses trousses. Rejoint par Janet, Tom parvient à atteindre les marais où se poursuit une éprouvante chasse à l'homme, compliquée d'hallucinations dues à la drogue. Il réussit à vaincre ses visions et à survivre à la traque. Micky, constatant l'échec de son plan, lui laisse la vie sauve et regagne Londres avec son nouvel amant, Oliver.


Grand admirateur et ami d'Ava Gardner, McDowall souhaitait composer un hymne visuel à sa beauté. Celle-ci commençait à se faner en 1969, comme s'en souvient le chef-opérateur Billy Williams dans une interview accordée au site « Web of Stories »1 : à 47 ans, l'interprète de Pandora (Albert Lewin, 1951) portait les stigmates d'une vie agitée, et Williams dut se montrer extrêmement vigilant dans le choix des angles et des éclairages, particulièrement lors du tournage en extérieurs, où la lumière naturelle est plus révélatrice des altérations de l'âge. Rendre hommage à une diva de l'écran à l'heure où sa splendeur s'étiole, et ce par le biais d'une histoire traitant précisément du refus obstiné du vieillissement, est une démarche Camp qui n'étonne pas de la part de l'homosexuel fasciné par le glamour hollywoodien qu'était Roddy McDowall.
Il entoure le personnage de Micky Cazaret d'une aura mythique et sulfureuse, dissimulant les éléments de son passé ainsi que l'origine de sa fortune, et entretenant l'incertitude sur son âge réel. Bien que consciente de son vieillissement (
« Tu vieillis chaque année, moi je vieillis chaque sordide seconde », dit-elle à Tom), elle fait plusieurs fois allusion à son immortalité et laisse entendre qu'elle est beaucoup plus âgée que quiconque ne l'imagine. C'est sans doute ce qui incita certains commentateurs à parler du personnage comme d'une sorcière ou une déesse maléfique ayant pris forme humaine, alors que ni le scénario ni les dialogues ne fournissent d'indications sur ce point. Son assimilation à la Reine des Fées n'a qu'une valeur symbolique, et seule l'extrapolation permet de voir en elle autre chose qu'une richissime mythomane au narcissisme maladif.


La seule société qu'elle tolère est la communauté de post-adolescents vaguement hippies qu'elle tient sous sa dépendance financière et œdipienne. Elle les surnomme tantôt ses « enfants », tantôt ses « créatures », les enjôle ou les gronde, les favorise ou les répudie telle une mère abusive à l'amour captatif. Elle les pousse constamment à la transgression, mais veille à ce que celle-ci ne vise jamais son autorité. L'idolâtrie qu'elle leur réclame compense ses insatisfactions affectives et son angoisse face à l'âge et la déperdition de ses charmes. Cette idolâtrie n'est qu'une manifestation mensongère de la vénalité de ses « enfants » ; ils jouent avec elle une comédie dont nul n'est dupe, mais qu'il importe de perpétuer pour se tenir à l'écart des réalités du monde. La communauté sybarite sur laquelle règne Micky, retranchée dans un luxueux appartement londonien ou dans le manoir écossais (celui de Traquair House, la plus ancienne demeure habitée d'Ecosse), passe ses journées à jouer à toute sorte de jeux. L'alcool et la drogue sont libéralement dispensés par Micky, permettant à ses « enfants » d'ignorer combien le Paradis qu'elle leur aménage est confiné (la situation fait songer au « Masque de la mort rouge », la nouvelle d'Edgar Poe et ses adaptations cinématographiques). Les sentiments vrais n'y ont aucune place ; derrière les rires et les amusements, la tension et la jalousie sont constantes entre les jeunes gens, et c'est l'amour maternel incestueux qui dicte les conduites.


La relation de Micky et de Tom peut évoquer celle de Norma Desmond et de Joe Gillis dans Boulevard du crépuscule, de par sa nature intergénérationnelle, l'intérêt réciproque qui y préside, et la personnalité Camp de Micky. Elle en diffère néanmoins subtilement. Contrairement à Joe Gillis, Tom n'a rien d'un camper et n'éprouve aucune fascination pour le potentiel Camp de Micky. S'il souhaite la quitter, ce ne n'est pas parce qu'il reconnaît en elle un double féminisé de lui-même, et leur différence d'âge n'est pas source pour lui d'une attraction queer, mais sujet de dégoût (« Quand tu seras vieille, je serai dans la fleur de l'âge ! », lui lance-t-il rageusement dans un moment d'ivresse). 
En s'éprenant de Janet, il démontre son ouverture au monde extérieur et prend conscience du malaise qu'il éprouve dans l'univers clos et tissé d'artifices édifié par Micky. Alors que Joe Gillis ne pouvait résister aux sirènes d'un monde d'illusions, Tom refuse de les écouter plus longtemps. Son amour pour Janet marque son adhésion au réel, et il n'est pas anodin que sa flamme s'éveille dans cette campagne écossaise dont McDowall exalte les beautés en de bucoliques images : le contact avec la nature inspire à Tom le rejet des sentiments et des comportements fabriqués, ainsi que du Camp incarné par Micky. 
Curieusement, McDowall semble hésiter à se mettre au diapason de cet état d'esprit ; c'est ainsi que la scène romantique de la rencontre entre Tom et Janet au bord de la rivière, qui devrait constituer un moment d'évidence et de spontanéité, est filmée avec affectation et recherche de l'effet, découpée en une série d'arrêts sur image dont on perçoit mal la nécessité. Elle prend une coloration involontairement parodique de roman photo un peu niais (voir extrait en fin d'article). On peut en dire autant des retrouvailles du couple à Édimbourg, suivies de leur étreinte dans la caravane de Tom : les échanges de regard s'éternisent, censés traduire une émotion virulente, mais donnant surtout une impression d'emphase creuse.


Les caprices d'une mise en scène privilégiant le formalisme finissent par s'opposer à l'authenticité des personnages, dont la psychologie semble désintéresser McDowall. On peut en être surpris de la part d'un comédien passant à la réalisation, mais c'est oublier que notre homme était aussi un photographe passionné, et que son propre jeu d'acteur fut toujours très marqué par la distanciation Camp (du moins à l'âge adulte). Aussi doit-on admettre que sa personnalité s'exprime pleinement dans ces maniérismes, qui furent parfois considérés par la critique comme des maladresses de débutant.
Si le film parvient à émouvoir, ce n'est pas par le biais traditionnel de notre identification aux protagonistes, mais au contraire par notre peine à nous convaincre de leur authenticité, sentiment qui accentue leur pathétisme et leur vulnérabilité. C'est par la distance que McDowall nous les rend proches, tout particulièrement pour le couple de Tom et Janet. Les excès de la mise en scène, en décrédibilisant leur idylle, nous donnent la nostalgie d'un amour vrai. Nous sommes amenés à penser de leurs scènes de romance : « C'est trop énorme, cela n'existe pas. Et pourtant, ce serait tellement beau qu'une telle énormité soit sincère ». 

Roddy McDowall sur le tournage de The Ballad of Tam Lin.
 
Il y a sans doute plus de pudeur que de prétention dans les affèteries du réalisateur, ses ralentis et ses effets de caméra. Il y a aussi un acquiescement à l'esthétique Pop de l'époque, une tentation psychédélique. Il y a enfin l'affinité profonde d'un artiste homosexuel au Camp. Comme l'écrit David Cairns : « Ceci, il faut le noter, est peut-être le film Camp le plus extravagant jamais fomenté au sein du placard en celluloïd (« the celluloid closet »). Aucun des personnages n'est homosexuel, aucun acte sexuel n'est montré entre personnes du même sexe, ni même suggéré, mais la totalité de la production possède un parfum d'étrangeté wildienne, rehaussé par une esthétique gothique très soutenue, intensifié jusqu'à l'hystérie par l'emploi de lentilles de couleur et de musique folk-rock féérique propre à l'époque2 ».
On doit objecter qu'il existe bien un personnage gay : le secrétaire particulier Elroy, remarquablement interprété par le spécialiste des rôles de gentlemen efféminés, Richard Wattis
Tom le qualifie de « vieille reine rance ». Mais c'est la seule figure ouvertement gay d'un film qui ne trahit l'homosexualité de son auteur que par une sensibilité esthétique et un sujet relevant du Camp. 

Richard Wattis

McDowall développe le caractère queer de son œuvre en favorisant les ruptures de ton, en mélangeant les genres et les climats, de telle sorte qu'elle échappe aux classifications conventionnelles et à l'arbitraire des critères cinématographiques. Démarrant dans l'effervescence Pop du swinging London, Tam Lin bascule dans la fantasy légendaire et folklorique (appuyée par la ballade chantée par le groupe Pentangle) avant d'effleurer le mélodrame et de s'achever dans le thriller et l'épouvante psychédélique. 
Ce dernier registre est concentré dans le finale. Lors de la poursuite dans les marais envahis de brume, Tom, sous l'effet du LSD, croit se transformer en ours, imagine qu'un serpent géant s'enroule autour de son corps, puis que l'eau d'un étang se change en flammes pour le consumer (ces visions font référence à des occurrences symboliques présentes dans la légende originale). La séquence n'a rien de fantastique à proprement parler, puisqu'il s'agit d'hallucinations présentées comme telles ; mais le décor de studio, la photographie (Billy Williams filma plusieurs plans en infra-rouge) et la mise en scène évoquent irrésistiblement un film d'horreur, ainsi que La Chasse du Comte Zaroff (Irving Pichel, Ernest B. Schoedsack, 1932). 


Avec les années, les films auxquels Tam Lin est le plus souvent comparé sont La Nuit du chasseur pour le mélange des atmosphères, l'hétérodoxie narrative, mais aussi parce qu'il s'agit également de l'unique réalisation d'un comédien homosexuel et surtout The Wicker Man (Robin Hardy, 1973), exemple ô combien efficient de production hybride et passionnante, entre « film d'auteur » et « film de genre ». McDowall en anticipe le charme décalé, l'étrangeté, et l'ambiguïté du discours. 
Tout comme il est difficile, à la vision de The Wicker Man, de déterminer si Hardy se prononce en faveur du paganisme ou des religions établies, on ne sait trop si McDowall envisageait une charge contre le mouvement hippie, son hédonisme et ses utopies bricolées, ou s'il considère avec regret son dévoiement dans le capitalisme incarné par Micky. Réalisé en un temps où l'aventure hippie touchait à sa fin et où ses représentants se ralliaient à la société de consommation et au « libéralisme-libertaire » (pour reprendre les termes du sociologue Michel Clouscard), Tam Lin offre le constat de la fin d'une époque et d'une idéologie. 
L'arrivée de Janet au manoir, où la naïve villageoise découvre les séduisants protégés de Micky jouant au frisbee sous une lumière printanière, fait clairement référence à ce moment classique des contes folkloriques où un humain pénètre dans le cercle des elfes. Filmant la scène au ralenti et s'attardant sur le visage émerveillé mais un peu inquiet de Janet, McDowall instaure un sentiment contradictoire, le même que dans les contes : s'agit-il de créatures angéliques ou maléfiques ? Leur monstruosité nous sera démontrée par la suite, mais on ne peut se défendre de percevoir, à ce moment précis, la tendresse du cinéaste pour cette jeunesse égarée, peut-être moins par ses idéaux que par l'emprise corruptrice de l'argent et du pouvoir, toujours prêts à pervertir les élans les plus positifs. Face à eux, Janet figure l'innocence et la simplicité de la vie campagnarde, source d'une santé morale représentée par le personnage du vicaire, son père.


L'exaltation de la vie rurale et la référence attendrie aux récits légendaires laissent soupçonner chez McDowall des intentions réactionnaires qui, néanmoins, demeurent ambiguës : lorsque Janet tombe enceinte et demande l'adresse d'un avorteur à une villageoise, celle-ci lui apprend que la mère de la jeune femme eut jadis recours au même service. On le voit, rien n'est aussi simple qu'il y paraît, même dans les villages écossais les mieux préservés de la modernité. McDowall se garde de trancher pour la libéralisation des mœurs contre le conservatisme, préférant maintenir son film dans l'incertitude poétique des lisières, qu'elles soient morales ou esthétiques.


Après sa sortie bâclée, The Ballad of Tam Lin disparut des écrans et tomba dans l'oubli. Ce n'est qu'en 1998 que le cinéaste Martin Scorsese, ayant visionné une copie privée chez McDowall, décida de le restaurer en rétablissant le montage original. McDowall en assura la présentation sur la cassette parue chez Republic Home Video, et mourut quelques mois plus tard. Aujourd'hui, malgré l'admiration d'une poignée de cinéphiles, ce beau film demeure aussi méconnu que jadis, et, privé d'édition en DVD, presque aussi difficile d'accès.


Le film est hadopisable sur mon site SMORGASBLOG.

Toute la bizarrerie et la magie du film sont condensées dans cet extrait :


1  http://www.webofstories.com/play/11339
2 David Cairns, site « Mubi », The Forgotten : Fairies at the Bottom of the Garden, http://mubi.com/notebook/posts/the-forgotten-fairies-at-the-bottom-of-the-garden

dimanche 17 février 2013

A FUNNY THING HAPPENED ON THE WAY TO THE FORUM (le forum en folie, 1966)

LA MUSIQUE ADOUCIT LES MŒURS # 8

ZE REVENGE OF ZE BOUDINS!

par Valentine Deluxe

En ce week-end post-valentinesque (notons au passage, et sans la moindre animosité, que je n’ai reçu ni carte romantique, ni boîte de chocolats enrubannés de la part de notre bien aimé lectorat, merci bien !), j’en profite pour réparer une injustice vieille comme un pape démissionnaire !
Pourquoi est-ce toujours à la belle blonde pulpeuse (voire à la piquante brunette)  que l’on joue la sérénade ? 
Elle encore à qui l’on déclame des alexandrins au pied du balcon ?   
Elle toujours, qui ouvre le bal avec le prince sous les regards envieux de toutes les catherinettes du royaume ? 

 Je les attends toujours, mes chocolats de saint-Valentin !


Les vilaines, les boudins, les laiderons, les mochetés, les imbaisables, les tromblons -- qui composent, soit dit en passant, les 9/10ème et un quart de la population féminine mondiale -- en sont toujours à ravaler leur restant de dignité bafouée, quand vient l’heure du générique final, en voyant la nymphette diaphane s’en aller dans des lueurs d'un crépuscule en technicolor sur-vitaminé, en compagnie du beau héros ténébreux.
Eh bien, cette injustice n’a que trop duré ; il est grand temps d’agir !
Aujourd’hui, foi de Valentine, Miss Monde n’aura pas sa séguedille, car  l’heure du triomphe de Miss Immonde à enfin sonné !!!

  Les moches ont enfin droit à leur heure de gloire ! 
C'est ma copine Harper qui va être contente...


Et à cette fin, il va falloir faire un sacré bond dans le temps.
Allez, 2000 ans et des poussières en arrière... une paille quoi !
Partons donc écouter une merveilleuse aubade, très idoinement intitulée « Lovely ! », et entonnée pour l’occasion par un couple de tourtereaux des plus surprenants.
Cette délicieuse ballade a été écrite par l’indispensable Stephen Sondheim, pour ce qui reste toujours 60 plus tard, son plus grand succès :

 Pour une fois, l'affiche exagère à peine l’hystérie ambiante...

Si le succès de la version théâtrale ne se dément toujours pas après un demi-siècle de reprises diverses, l’adaptation cinématographique (due pourtant à Richard Lester, alors très coté après sa Palme d’Or à Cannes pour « Le Knack…et comment l’avoir » et ses deux films mettant en vedette les Beatles)  sera, elle, nettement moins concluante -- tout au moins sur un plan strictement commercial.
Je me garderai bien d’essayer de vous résumer l’incroyable sac de nœuds qui sert d’intrigue au film -- je connais mes limites ! --, et soulignerai juste que son mérite ultime est surtout d’avoir préservé pour la postérité les prestations des stars originales du show : les légendaires (tout au moins pour les aficionados de Broadway)  Zero Mostel et Jack Gilford.

"A Funny Thing Happened..." nous assure le titre: à voir leurs têtes, on en est moins sûrs !
(de g. à dr. : Phil Silver, Buster Keaton, Jack Gilford et Zero Mostel).

Si le premier, avec un registre grimacier épuisant, ferait passer Louis de Funès pour un acteur de chez Robert Bresson, l’extraordinaire Jack Gilford remporte tous mes suffrages en esclave servile, obséquieux et un tantinet précieux, qui collectionne "sous la toge" les poteries érotiques.
Prêt à tout pour obtenir les bonnes grâces de sa maîtresse, ce brave Hysterium -- le bien nommé --  est aussi le souffre-douleur de son collègue en esclavage, l’ingérable Pseudolius, joué par Mostel.
Et pour en arriver au chapitre musical que nous promet le titre de cette rubrique, c’est précisément ces deux zigotos qui vont devoir nous jouer le couple d’amants romantiques -- pour des raisons qu’encore une fois il serait trop long, trop compliqué et trop périlleux de vous résumer ici ou ailleurs -- dans une de mes séquences favorites du bidule en question.
Vous êtes prêts ?… Alors lançons les violons !