"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



mercredi 30 novembre 2011

FURANKENSHUTAIN CONTRE MARIE-OCTOBRE : LA REVANCHE D'AMITYVILLE, ou du bon usage de la télévision


JUSTE UNE QUESTION DE BON SENS #3
par Valentine Deluxe

On dira ce qu’on voudra, le commun des mortels ne naît pas libre et égal en droit devant l’adversité. On constate même parfois de sacrés écarts, car la poisse, c’est comme les mandats : il y en a qui cumulent. A l’adage qui nous enseigne que "La foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit", moi je réponds : "My foot !..." Et j’étaye fissa mon propos d’un exemple patent (comme les phénomènes du même nom subis par cette vieille baderne de Rod STEIGER dans Amityville, la maison du diable -- à ce propos, on dira ce qu’on voudra, je trouve quand même que le Prince des Ténèbres avait des goûts de chiottes niveau immobilier ; il aurait pu choisir autre chose que cette baraque branlante, horriblement « classe moyenne » et du dernier commun.)
Franchement, vous hanteriez cette maison-là ?
Prenons le cas du type même du porte-guigne, du canard boiteux, du chat noir asthmatique : le petit Furankenshutain (enfin, petit au début du film, puisqu'à la fin il doit atteindre dans les 65 mètres...) Ce pauvre nigaud a eu coup sur coup, durant sa brève et douloureuse existence, deux des idées les plus saugrenues qui soient... C'est ainsi qu'un beau matin, alors qu’il baguenaudait dans la campagne nippone, tenaillé par une petite fringale, il se mit à boulotter le premier bout de gras trouvé dans les parages. Moi, personnellement, ma môman (très chère) m’a toujours interdit de manger des morceaux d’abats trouvés par terre ; mais lui, visiblement, n’a pas bénéficié des mêmes conseils frappés au coin du bon sens. Or -- et c’est là qu’est le pépin -- (attention ! accrochez-vous à votre voisin : ) le morceau de barbaque en question n’est autre que… le cœur de la créature de Frankenstein !
Franchement, vous mangeriez le cœur de ce gars-là ?
Bon, déjà, comme prémices, c’est pas mal ; mais comme si ça ne suffisait pas, il se trouve que le palpitant en question a été ramené dans l’empire du soleil levant par un sous-marin nazi, lors d'un beau matin d’août 1945 , et ce pour de nébuleuses raisons que je n’essaierai pas de vous narrer ici, sous peine de me voir soupçonnée d’avoir (encore une fois) un peu forcé sur l’absinthe à l’apéro.... Et devinez où ce fameux sous-marin a choisi d’accoster pour faire une pause-pipi ?… A Hiroshima (mon amour) !!!!... Les effets conjugués de ces deux funestes initiatives ne se feront pas attendre. Avec toute la logique imparablement naïve de ce genre de bandes dont le cinéma japonais et le grand Ishirô HONDA -- metteur en scène de cette petite sauterie -- nous ont si généreusement abreuvés pendant des décennies, le pauvre gamin se voit non seulement affublé d’un front proéminent des plus Karloffiens (ben oui, on devient ce qu’on bouffe, c’est bien connu !), mais aussi d’un sérieux problème de croissance qui lui fera atteindre la hauteur de la tour Montparnasse en l’espace de quelques semaines. Fortiche le petiot !...
Franchement, vous regarderiez ce film-là ?
Je tiens a préciser que votre Valentine s’est tapée gaillardement cette petite merveille en V.O. non sous-titrée ; donc, si vous trouvez des approximations dans le résumé, vous pouvez en faire des cornets de frites et vous les carrer bien profond quelque part, ça n’entamera en rien mon propos, ni ma légendaire courtoisie.
Franchement, vous ne regrettez pas que Jacques BREL ait fait du cinéma ?
Mais dans tout ça, où est donc passé le "bon sens", qui est censé former la matière de cette rubrique, si l'on en croit son intitulé ?… (Quand je m’éparpille de la sorte, il ne faut surtout pas hésiter à me ramener sur les rails de la raison, parce que sinon, on n’est pas rendu...) Si vous me permettez un raccourci salutaire pour la bonne fin de cet article, vous conviendrez avec moi (dans l'élan d'un coq-à-l'âne moins arbitraire qu'il n'y paraît) que la télé nous prend vraiment pour des cons !… Non ?... Plus moyen de passer une petite soirée récréative mais néanmoins culturelle et instructive devant notre tube cathodique (est-ce que j’ai un brushing a être passée à l’écran plat ?...) Moi, par exemple, voici quelque semaines, je vois dans mon programme télé : France 3, 20h30 : « Marie-Octobre ». Jugeant très finement que les programmes en couleurs donnent la migraine, l’idée de me régaler pour la 178ème fois de ce merveilleux whodunit tout en noir et blanc de Julien DUVIVIER -- et dont, thanks to mister Alzheimer, j’ai encore une fois oublié le twist final -- m’emplit d’une joie toute légitime. Naïve hirondelle que j’étais ! En lieu et place de la très classieuse Danielle DARRIEUX de la version originale, je me retrouve pétrifiée d’épouvante devant l’effroyable résultat du dernier lifting de Nathalie BAYE. Errances chirurgicales qui lui ont laissé une bouche évoquant à la fois Conrad VEIDT dans L'Homme qui rit, et le chat de Cheshire de Lewis CARROLL.
Franchement, vous les différenciez ?
En plus de cet abominable rictus, les gros plans la virago étaient tellement surexposés, que je me suis chopée un décollement de rétine. C’est plus des lunettes de soleil qu’il m’aurait fallu pour supporter ce navrant étalage, mais bien un masque de soudeur !!! Le bon sens, donc (car nous y revoilà) eût été de suivre l’exemple du gamin d’Hiroshima (et de lancer une souscription sur Mein Camp pour me pay… oups ! l’affreux mot !... M’OFFRIR un écran plasma de la taille du mur des lamentations.)

Donc, la prochaine fois, ne nous laissons plus piéger par les sirènes télévisuelles ; posons un acte citoyen fort : balançons nos récepteurs par la fenêtre en hurlant tous ensemble un cathartique et tonitruant : "TÉLÉVISION, BOÎTE A CONS !"...