"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



mardi 13 mai 2014

LA VEUVE NOIRE (The Black Widow, 1954)


LES BONNES COPINES DE VALENTINE #5
Par Valentine Deluxe

"Couleur par Deluxe", c'est tout dire !

Mes lapins, mes petits chats, mes trésors : comme vous m'avez manqué !
Oui, je sais, votre Valentine adorée a été bien souvent absente ces temps derniers.
C'est que j'ai été fort occupée, entre mon retour sur les planches du casino de Stockay-Saint-George, mon tour de chant au cabaret du "Chat Boiteux" de Bressoux, et ma rubrique culinaire pour le numéro-anniversaire de "Je suis partout" !...

 Valentine dans le grand finalé de la revue "A plumes et à poil !" 
au casino municipal de Stockay-Saint-George.

Mais rassurez-vous, mes obligations mondaines sont derrière moi, et je peux désormais reprendre la barre et m'occuper de vous, lecteurs chéris de nos décadentes colonnes!
Et pour reprendre le collier, je vous propose aujourd’hui de continuer la présentation de mes bonnes,  mes merveilleuses, mes incroyables, mes précieuses copines.
Point de poissonnière aujourd’hui, ni de reine du surgelé, pas plus que de nymphomane atteinte du syndrome de la Tourette, et encore moins de matrone en cache-poussière, non !
Pour célébrer mon retour avec l'apparat que vous êtes en droit d'attendre, nous allons nous élever dans les sphères les plus  glamours de la haute société New-Yorkaise.
Troquons les tabliers en diolène pour les tailleurs Chanel (signés Travilla, mais ne chipotons pas !)

... mais si voyons, vous connaissez Travilla !

C'est que je connais du monde, et pas que du demi !... Une étoile de Broadway, la Sarah Bernhardt de la Grande Pomme : Mademoiselle Carlotta 'Lottie' Marin !
Qu'est-ce que vous dites de ça ? ça vous la coupe, hein ?
Non ???
... comment ça "non" ???
Vous ne connaissez pas la divine Carlotta ?

Son prénom seul devrait vous en fiche plein la vue : toutes les divas qui se respectent se prénomment Carlota. De l'acariâtre cantatrice  du "Fantôme de l'Opéra" de Gaston Leroux, jusqu'à la "survivante" qui entonne le légendaire "I'm Still Here" dans le  "Follies" de Stephen Sondheim.
Tiens, d'ailleurs, avant de poursuivre les présentations, petite pause musicale : Carlotta Campion -- ici sous une des ses plus flamboyantes incarnations, que je vous laisse deviner... -- va nous interpréter sa fameuse "ritournelle des increvables".
(Avertissement :  Je ne peux que vous conseiller l'usage de lunettes de soleil pour regarder la robe de Mlle Carlotta Campion, au risque de vous choper un sévère décollement de la rétine !)


Mais revenons à ma VRAIE copine, Carlotta "Lottie" Marin.
Autant mes précédentes accointances présentées dans cette rubrique étaient vilaines et mal fagotées, autant celle-ci est ravissante, et vêtue à la dernière mode (de 1954, s'entend !).
Et en plus, elle est incarnée par Ginger Rogers !

Ginger Rogers dans sa robe à 35.000$ !

L'ex-partenaire de Fred Astaire était à l'époque sérieusement en perte de vitesse, depuis la fin de son association avec le danseur aux grandes oreilles, et elle ne fut appelée ici qu’après le refus de Tallulah Bankhead (rêvons !) pour qui le rôle fut écrit.
Elle fit néanmoins preuve d'assez d'autorité et de panache pour faire de ce personnage relativement secondaire le point fort de notre film du jour :

"La veuve noire"

Si cet aimable  thriller de Nunally Johnson, on ne peut plus  "technicolorisé", lorgne davantage vers le mélodrame sucré à la Ross Hunter que vers le suspens Hitchcockien, vous pensez bien que pour votre Valentine, c'est loin d'être un défaut !
Carlotta "Lottie" Marin  a tout pour elle : la gloire, la fortune, le talent, et une cour assidue composée du gratin New-yorkais qui vient se presser à ses cocktails.
Il n'y qu'un "mais" que je me dois de vous signaler -- et Dieu sait qu'il a son importance :

Elle possède une langue plus persiflante et venimeuse qu'un cobra !

Il vaut mieux se tenir à une distance respectueuse de la tendre chérie : si jamais vous étiez atteint ne serait-ce que par un postillon de Carlotta "Lottie" Marin, ce serait le choc anaphylactique assuré, suivi d'une septicémie foudroyante !
Edda Hooper en comparaison, c'est Mère Thérésa, Doris Day ou Sainte Thérèse de Lisieux!

Edda Hopper non plus ne perdait jamais une occasion de l'ouvrir 
(... surtout pour dire du mal...)

Car avec Carlotta, même si vous avez la chance de faire partie des "happy few" conviés à ses soirées ("convoqués" serait peut-être un terme plus approprié), cela ne vous mets pas à l’abri des piques à l'arsenic de la chère et peu tendre.


Pour elle, où qu'elle aille, quoi qu'elle fasse, "the world is a stage, the stage is a world", alors en toutes circonstances, il est bon de sourire de ses 56 dents, dont la blancheur n'a d'égal que leur tranchant de lame de rasoir.
Quoi qu'il arrive, il faut poser et déclamer comme si vous deviez distraire une salle de 1 500 spectateurs suspendus à vos lèvres!
Pour Carlotta, tous les moyens sont bons (même et surtout les plus vilains) pour satisfaire un auditoire toujours friand de ses bons mots en forme de coups de poignard.
Regardez-la venir au secours de ses meilleurs amis, empêtrés dans une bien vilaine affaire. En effet, une jeune  ambitieuse a eu la bonne idée de venir se pendre dans leur appartement, en laissant entendre qu'elle l'aurait fait par amour pour ce grand nigaud de Van Heflin
Mais pour Carlotta, le respect dû au mort, c'est bagatelle et roupie de sansonnet ! Tout ce qui compte c'est l'attitude, l'effet et les bons mots (fussent-ils confits dans la cigüe et le curare !)


1 commentaire:

  1. Baronne Valentine, je suis heureux de constater que vos obligations mondaines sont derrière vous et que vous pouvez enfin reprendre la barre ! Ce qui est somme toute légitime pour quelqu'un qui travaille pour Je suis Partout :-P

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