"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



vendredi 20 août 2010

COMMENT FAIRE SA DRAMA QUEEN AVEC PANACHE


LES BONS CONSEILS DE VALENTINE
# 9
par Valentine Deluxe


DRAMA QUEEN : Désespérée chronique, qui montre en toute occasion une propension à dramatiser la moindre bricole et à faire gonfler la broutille la plus anodine dans des proportions gargantuesques, en prenant bien soin d’en faire profiter un maximum de gens.

Si une Drama Queen sommeille en chaque Grande Dame, l’inverse n’est pas automatique.
En effet, si vous êtes au bord du gaz à chaque fois que vous écoutez une chanson de Lara FABIAN (Dieu m’en préserve !), tout en poussant le volume assez fort pour que tout l’immeuble puisse compatir au malheur de votre 248ème rupture, et acquiescer au fait que Lara, en écrivant sa baveuse gueulante, a forcément dû penser à vous et à la tragédie sentimentale que vous traversez (cette fois-ci, c’était sérieux : vous êtes presque restés 15 jours ensemble, et il avait même fini par se rappeler votre prénom !), cela ne fait pas de vous une grande Dame pour autant.
Que vous faudra-t-il pour acoquiner ces deux qualitatifs en forme de label de qualité ?
Je suis sure que, cette fois, je n’aurai même pas à vous souffler la bonne réponse pour vous entendre tous en chœur reprendre après la fatidique question :
"Le…."
"Le Pa…."
Ooooh, ben flûte ! Allez ! faites un effort, cornegidouille !
"LE PANACHE !!!" (La prochaine fois, il y aura des sanctions du genre supplice oriental !) Il y a parfois de quoi me décourager et vous laisser toute misérable dans votre crasseuse ignorance. Heureusement qu’il y a du Saint-Bernard en moi (surtout le tonneau autour du cou !...)

Deux attitudes typiquement drama-queenesques :


Gloria SWANSON


Lypsinka

Donc, remontons un peu le temps et la via Apia pour dénicher celui qui est à la fois l'une des plus incontournables Drama Queens de l’Histoire de l’Humanité, et qui se double d’une incontestable Grande Dame : l’Empereur Néron en personne ! (ici incarné par le sublime et tant regretté Peter USTINOV, dans une magistrale démonstration de haut cabotinage sans filet avec triple axel et saut périlleux arrière, et qui semble déjà nous préparer à son sublime Prince Jean dans Robin des Bois version Disney. Ne manque que le pouce en bouche !)
Démonstration :
Quand Néron fait une java à la maison, on ne se retrouve pas à trois péquenots autour d’une pierrade posée sur la toile cirée de la table de cuisine de votre minable galetas semi-meublé, noyé dans des effluves de graillon et de mauvaise vinasse.
Non, ici, nous allons prendre le modèle au-dessus, la full option tendance « orgiaque » : une salle à manger grande comme un terrain de foot.
La mansarde s’appelle la Domus Orea (ce qui est on ne peut plus panaché, vous en conviendrez...) 300 personnes engoncées dans des péplums aux couleurs agressivement technicolorisées, se goinfrent de langues de rossignols confites et de sangliers entiers farcis de canaris vivants, parmi mille et une autres délicatesses… Et ce tandis que des myriades d’esclaves nubiennes, une plume dans le rectum -- ben oui, Valentine à fait Latin-Grec au lycée ! -- exécutent des danses aussi lascives que pouvait le permettre le code Hayes en 1951 après Jésus-Christ (année de production de l’œuvre que je me propose d’ausculter aujourd’hui, l’hyperbolique Quo Vadis de môsieur Mervyn LeRoy.)





Evidemment, Grande Dame oblige (oui, on peut être Empereur et Grande Dame, la grande dame attitude n’étant définitivement pas une question de sexe), le maître de maison et divinité vivante s’est réservé un petit podium « center stage », histoire d’être bien en vue du public de choix qu’il s’est composé pour l’occasion.
Et quelle audience !… A ses côtés immédiats, un phalanstère de lèche-fondements de compétition, et évidemment, sa garce d’impératrice -- sortie d’un quelconque bordel de la ville basse, comme se plaisent à ragoter les tombereaux de mauvaises langues et autre faux-culs qui peuplent votre palais --, qui, d’un regard langoureux au travers d’un de ses merveilleux monocles en rubis ou émeraude pour trouver le centurion musclé qui pourra honorer le devoir conjugal négligé par son époux, nous donne la meilleure définition qui soit d’un mot de 6 lettres, commençant par un S, avec un E à la fin et « ALOP » entre les deux (vous trouvez, ou faut que je développe ?...)
Bien évidemment, notre drama-queenesque Grande Dame adorant pousser la chansonnette, il y a toujours un faux-derge dans le tas pour lui gueuler avec un air à faire passer Judas pour un boy-scout en quête de sa quotidienne BA : « Une chanson ! Une chanson ! ».



Peter USTINOV, Drama Queen en chef


Conditions incontournables pour avoir votre brevet de Drama-Queen :
Refuser avec la dernière énergie, prétextant un quelconque bobo d’ordre oto-rhino-truc-bazar, et SURTOUT ne céder qu’après mille supplications mielleuses de l’essaim d’hypocrites qui bourdonne autour de vous.
Là, évidemment, vous en profitez pour sortir votre lyre, et crac !
Allons-y gaiment et sans retenue, pour brailler sans complexe la dernière décoction musicalo-épique sortie de votre géniale et divine caboche !
Car évidemment, vous ne donnez JAMAIS dans la mélodie de bastringue pour fille à matelots (même si, soyons juste, vous ne détestez pas marins et débardeurs ; mais ne nous égarons pas dans les questions de vie privée, sinon on n’a pas fini !)
Donc, vous allez nous faire ça dans le lyrique, le grandiose, avec des airs de vestale effarouchée et des intonations grand-guignolesques qui feraient passer Sarah BERNHARDT pour une anonyme gourdasse sortie d’un film de Robert BRESSON.
Mais je ne vais pas tout vous raconter non plus... Voyez par vous-même, si vous ne me croyez pas :





Et n’oubliez jamais cet adage plein de bon sens, made in Valentine :

QUAND LA MARABOUNTA GRONDE...
… LA DRAMA-QUEEN COUINE !

(Si j’entends une réflexion désobligeante, je fais ma Drama Queen, et je m’en vais bouder ailleurs, alors faites bien gaffe !...)

6 commentaires:

  1. J'adoooore cette chronique.
    Et ce film,grandiose,mémorable...Peter Ustinov ,si juste révèle ici toute la fragilité impériale:Un chef d'oeuvre!!!Vite il me faut ce film!!!

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  2. Cette chronique me donne furieusement envie de revoir ce chef-d'oeuvre !!

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  3. Aux Anonymes : Pas de doute, c'est un monument ! Je ne l'ai pas revu non plus depuis des lustres... Merci Valentine !...

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  4. Hello, Valentine: J'ai un scoop tombé dans l'oubli: Elizabeth Taylor avait signé pour le film, 9 mois de tournage en Italie, or, point de Liz dans le film...Quoique!La seule scène qu'elle a tournée est inclue au montage, elle est une chrétienne très Galiano automne-hiver 97-98 poussée dans l'arène!Et un bienfait trouvant toujours sa punition: Sophia loren jubile dans les gradins!

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  5. On peut aussi faire sa drama queen en poussant un "towanda" rageur et dédaigneux :D

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  6. ...et un beignet de tomate verte entre deux langues de rossignols confites dans les banquets de la domus aurea ;-)

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