"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



jeudi 11 décembre 2014

LUCRECE BORGIA (1953)

FRENCH CAMP #7

123 centimètres de pur génie...

par Valentine Deluxe

 


En 4 ans et demi d'existence, nous avons eu le loisir de louer, tout au long de nos 125 rubriques, le talent -- généralement placé sous le signe de l’excès -- de plus de 160 acteurs et actrices.
Pourtant, à chaque nouvelle bafouille, je commence toujours par me dire : "Comment se fait-il que nous n'ayons pas encore parlé de... ou de... ? "
Eh bien, cette 125éme babillarde ne dérogera pas à la règle, car en cherchant par quel bout l'attaquer, je n'ai une fois de plus pas manqué de me dire : "Comment se fait-il que nous n'ayons pas encore parlé de Piéral ???"
Ceux qui se souviennent de ce comédien ne manqueront pas d'acquiescer de concert avec moi, un sourire un brin nostalgique au coin des lèvres.
C'est que cela nous ramène à  une heureuse époque où la bienséance javellisée n'avait pas encore banni du PaMéMo (Paysage Médiatique Mondial) cette figure indispensable de tout bon mélodrame érotico-historique :
le nain perfide et diabolique!

 

Piéral était (à son grand désespoir, d’ailleurs)  l'incontournable abonné à ce type de personnage.
Au vu du génie du bonhomme, on pourra bien sûr regretter cet emploi un tantinet réducteur, mais au moins aura-t-il échappé à l'infamie d'une "Joséphine, ange-gardien" !... A chaque époque son type casting !...

Perfide, diabolique, et très souvent empoisonneur !

Il est toujours amusant de comparer, à sujets égaux, la liberté de ton des productions françaises contemporaines aux super-productions hollywoodiennes, muselées et corsetées par l'incontournable code de bonne conduite érigé par  la MPPA.
Il suffit de mettre en parallèle un film comme "Diane de Poitier" avec Lana Turner dans le rôle-titre, et le "Lucrèce Borgia" de Martine Carol, tourné 3 ans plus tôt.
Point n'est besoin d'avoir fait science-po pour comprendre fissa la différence fondamentale entre les deux modèles :
Chez Martine Carol, figurera invariablement au cahier des charges l'indispensable "séquence nichons", que tous les spectateurs mâles de l’après-guerre étaient en droit d'attendre de ce type de productions.
Poitrines diverses de figurantes, mais aussi, et surtout, les merveilleux roudoudous de la star, jamais avare de ses charmes.
Perfection du galbe et de la proportion, ces tétons mutins et frondeurs faisaient, à très juste titre, quasiment figure de trésor national. 

Que serait un film de Martine Carol 
sans l'indispensable séquence "nichons" ???

Une autre pépite -- moins souvent célébrée, hélas -- de la pellicule en question, est donc notre merveilleux Piéral, qui l'espace d'une courte apparition, comme à son habitude, va voler TOUT le film.
Diction mielleuse, un effet sur chaque syllabe, regard suintant l'arsenic, il est absolument parfait et ne laissera rien derrière lui.
"Comme toujours", serais-je tentée d'ajouter .
Comble de bonheur, il est ici épaulé de l'également sublime Valentine Tessier (déjà, rien que le prénom...),  autre grande cambrioleuse du cinéma français, qui s'y entendait pour piquer une scène au nez et à la barbe de la vedette principale.
La future comtesse de Saint-Fiacre incarne ici, avec notre génial avorton, un couple aussi imparable qu'inoubliable.

 
 Évidement, on se poile un peu plus à la cour des Borgia 
qu'à celle de Saint-Fiacre !


Elle nous campe (on ne peut mieux dire) une Giulia Farnèse dont plus rien ne semble évoquer la légendaire beauté peinte par Raphaël et tous les grands barbouilleurs du Quattrocento.
Dévoreuse de mâles à l'insatiable appétit, cougar faisandée au clitoris hyperkinétique, elle est toujours accompagnée de son bouffon adoré, petite langue-de-pute aussi fourbe que fielleuse.
Qu'ils apparaissent à l’écran, et c'est le miracle ! 




"Qu'on éveeeeeentre la vieille !..."
Qu'est ce que je vous disais ?... N'est-il pas sublime ?...
Cette façon d'étirer la 2éme syllabe sur "éventre", on touche au divin !
Les sœurs Papin, par comparaison, étaient un modèle de loyauté ancillaire !
Continuons d'explorer plus avant ce petit duo amoureusement rodé.
Car du côté de notre Valentine (... oui, enfin, pas moi, l'autre !... Suivez, bon sang !), cette façon de lancer "Vous serez battu" n'est pas moins inoubliable...

Ah oui ! j'oubliais ! Attention : SÉQUENCE NICHONS !



Piéral, en plus, n'a pas besoin de dialogues -- aussi merveilleux soient-ils -- pour être génial ; il l'est de nature et n'a pour ainsi dire qu'à paraître pour susciter la pâmoison !
Enfin, pour être tout à fait juste, nous dirons "paraître, rouler des yeux et sautiller", mais c'est très bon quand même...




Plutôt du genre rancunier et teigneux, il faut bien l'admettre, mais en-dehors de ça : une crème d'homme !
De leur première à leur ultime scène, le duo infernal n'apparaît pas 10 minutes dans film, en tout et pour tout. Pourtant, si je devais raconter l’œuvre, je serais bien en peine de vous détailler ce qui se passe avant ou après, car je n'ai d'yeux que pour eux.Mais s'il fallait n'en garder qu'un extrait, inutile d'ajouter que je ne tergiverserai pas pendant des plombes, car l’éclair de génie pur, le voilà :



...A regarder en boucle, sans modération !

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