"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



vendredi 2 octobre 2015

DAS GASTHAUS AN DER THEMSE (Le Requin harponne Scotland Yard, 1962)

 Les bonnes copines de Valentine #11

Eine kleine Kamp-musik ("La Petite musique du Camp")

Par Valentine Deluxe




"Dans des circonstances
que je tiendrai secrètes, une personne dont je tairai le nom 
m'a dit des choses que je ne peux pas répéter."  
Michel Audiard

Oui, je suis désolée, mais je ne peux décemment vous raconter les circonstances qui m'ont amenée à découvrir ma nouvelle bonne copine du jour. 
Non, vraiment, je ne peux pas...
Je ne peux pas, parce que sinon, je devrais vous expliquer ce que je faisais en tenue d'Eve, menottée à un radiateur, pendant qu'un jeune homme -- au demeurant charmant -- me susurrait de teutonnes insanités dans le creux de l'oreille. 
Donc, motus et discrétion, vous ne saurez rien, j'ai dit... enfin, pas plus, en tout cas !

Ah ! s'il pouvait parler,  lui !!!

Sauf que... dans le feu de l'action (action que je me garderai bien de vous décrire), voilà-ti pas que ce charmant germain  (1M80, le cheveux blond en brosse, brute juste comme je les aime) en vient donc à articuler ce sésame mystérieux et intrigant :
" Elisabeth Flickenschildt !"
Bon, là, je dois bien vous avouer que je n'ai pas compris tout de suite. 
A priori, le contexte n'incitait pas vraiment à une parenthèse culturelle, mais bref, c'est comme ça, puisque  je vous ai dit que je ne pouvais pas TOUT vous raconter!

Donc, j'arrive enfin à comprendre, après plusieurs laborieuses tentatives, que je lui rappelais...
" Elisabeth Flickenschildt!"
(faut l'imaginer avec l'accent, c'est tout de suite autre chose...)
 
La ressemblance ne me saute pas aux yeux, 
mais y a pire comme comparaison ! 

Si, pour Cocteau, Marlène Dietrich avait un nom qui commence par une caresse et s'achève par un coup de cravache, chez  la Flickenschildt, la mandale est bien là, mais on cherche vainement la caresse.
Comme un air de famille avec Frau Blücher...

Grande diva de la scène et de l’écran Outre-Rhin pendant plus de 30 ans, elle y affiche imperturbablement un regard de gorgone et un sourire glacial à fendre les pierres.
Elle a traversé avec aisance à peu près tous les régimes politiques allemands du XXème siècle, a eu sa carte du parti nazi, fut très admirée par Hitler et Goebbels, et apparut même au passage dans des films de propagande anti-britannique tel que "Le Président Kruger".
Si elle n'a pas réussi à figurer dans un épisode de "Derrick", elle n’échappa pas au petit détour obligatoire par le "Krimi", l’inépuisable cycle d'adaptations plus ou moins interchangeables de romans gothico-policiers d'Edgar Wallace, qui inonda copieusement les écrans allemands pendant les années 60.

Perfection du geste, art consommé de la pose :
comment ne pas l'adorer?

Bon, pour vous planter le décor en deux mots, dans  "Le Requin harponne Scotland Yard", la Flikenshildt
arbore les charmants afliquets de  Madame Oaks, la  redoutable tenancière d'un kaberdouch* particulièrement pittoresque et crapoteux, ancré sur les bords d'une Tamise de carton-pâte.
 
Ah oui, j'allais oublier !... Cette "bonne copine de Valentine" flirtera également avec "la musique adoucit les mœurs" (tiens, y avait longtemps que je ne l'avais plus achalandée, cette rubrique-là !),  puisque notre merveilleuse Frau Flikenshildt ("Hiiiiiiiiiiiiiii!" -- oui, je sais : j’imite bien les chevaux affolés !--) va également nous pousser la chansonnette.
Chansonnette qu'elle nous livre dans ce style merveilleux que j'ai baptisé jadis en ces pages "le cabotinage murmurant" : en faire des tonnes pour en faire moins, le concept est génial, vous avouerez ! (Avouez, vous dis-je ! Sinon la Flikenshildt sort sa cravache!)
 
Alors, on ouvre grand les mirettes, on désensable les portugaises, et on admire  Fräulein!


Alors? Elle est magnifique, pas vrai ?
Non non, ne me remerciez pas, puisque je vous dis que ça me fait plaisir!

Et puis, dites, un petit "bis" vite fait qui ne mange pas de pain : 
vous avez vu l'autorité dans le geste? 





* CABERDOUCHE ou KABERDOUCH : n. m. Belgique. Petit café populaire généralement mal famé.

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