SERIAL MOTHER (Serial Mom, 1994)
Spécial Fête des Mères
par BBJane Hudson
Si l'on part du principe, somme toute marqué au coin du bon sens, que donner la vie, c'est forcément donner la mort (les deux occurrences étant offertes dans un même lot indivisible), on peut considérer les mères comme les meurtrières les plus fécondes (c'est le cas de l'écrire), les plus préméditeuses et les plus obstinées de l'histoire de l'humanité.
Bien que connue de tous, la frénésie homicide des auteures de nos jours est généralement passée sous silence, ou considérée comme le revers d'une médaille trop glorieuse pour qu'on en contestât l'éclat. La raison de cette universelle mansuétude est aisément décelable : si l'on s'avisait de pointer le cadavre en devenir chez chaque nouveau-né, notre démographie prendrait un méchant coup dans l'aile, les fabricants de couches-culottes et de suaires connaîtraient une crise endémique, la démocratie souffrirait d'une pénurie d'électeurs fort dommageable à l'exercice de son incurie, "Les Maternelles" (le magazine pornographique le plus vénérable de France 5) perdrait toute audience, etc., etc. Il n'y a guère que les marchands de capotes et de pilules contraceptives qui auraient lieu de se réjouir durant quelque temps (du moins, espérons-le ; car il serait ballot que le renoncement à la procréation suscitât une cessation d'activité coïtale...)
Ce n'est pas demain la veille que l'on soulignera la nature létale de l'enfantement.
Du même coup, la Fête des Mères a encore de beaux jours devant elle -- ce qui nous arrange bien, à "Mein Camp", où la célébration de l'événement compte parmi nos plus indéboulonnables rituels.
Et puis, quand bien même nos génitrices nous délivrent au fossoyeur aussi sûrement qu'à la sage-femme, et fomentent notre dernier souffle dès notre premier cri, elles meublent l'intervalle de soins et de délicatesses qu'il serait injuste de ne pas louer (vous me direz que c'est bien le moins qu'elles puissent faire pour corriger leur bourde...)
Certes, toutes les mamans ne sont pas des modèles de bénévolence et de tendresse. Valentine et moi vous avons fourni, au fil des ans, maints exemples éclatants de scélératesse maternelle (et belle-dochale), de notre bien-aimée Margaret White à la célèbre Mrs Bates, en passant par la moins connue mais tout aussi redoutable Mrs Taggart (et nous ne sommes pas en panne de spécimens, loin de là !...)
Toutefois, après avoir passé en revue les harpies de tout poil, il m'a semblé bienvenu d'introduire dans cette galerie de portraits horrifiques un visage un peu plus amène, celui de Beverly Sutphin, une mère aimante, attentionnée, délicate, et prête à tout pour défendre aussi bien sa progéniture que l'honneur et la paix de son cher foyer.
Au nombre des fléaux contre lesquelles doit quotidiennement lutter Beverly, on trouve ce grand classique bien connu de toutes les mères : le corps enseignant.
Quelle maman n'a jamais eu maille à partir avec un professeur ronchon, à l'esprit plus étroit que le chas d'une aiguille, à l'entendement pollué par les dogmes d'une administration faisandée ?
Une excellente raison de se méfier des profs est qu'ils passent leur vie à l'école. Or, y a-t-il rien de plus contraire à l'évolution d'un esprit que de le confiner, du cours primaire à la retraite, entre les bancs d'une salle de classe, les gradins d'un amphithéâtre, et la surface enfarinée de craie d'un austère tableau noir ? Y a-t-il rien de plus infantilisant que de se complaire dans le giron d'une institution qui vous impose sa férule de l'âge des culottes courtes à celui des alaises ? On s'étonnera après cela que les transfuges d'un tel marasme,confrontés aux réalités de la vie courante, soient incapables de voir plus loin que le bout de leurs estrades.
C'est ce genre de déconvenue qu'affronte Beverly Sutphin lorsque, convoquée par le professeur de math de son fils Chip, elle se heurte à un mur d'incompréhension et, disons-le tout net, de stupidité crasse.
Ne faut-il pas être ballot pour reprocher à un adolescent sa dévotion pour les films d'horreur, alors qu'il n'est rien de plus favorable à l'édification d'une âme qu'une immersion ponctuelle dans un bon bain d'hémoglobine ?
Si encore le triste grouillot bornait ses doléances aux prédilections culturelles de son élève... Mais non ! Ne reculant devant aucune ignominie, voilà-t-il pas qu'il attribue la dépravation prétendue du gamin à un climat familial délétère !
C'est pousser trop loin le bouchon, et l'on ne s'étonnera point que Beverly Sutphin en conçoive quelque amertume...
Qu'à cela ne tienne ! Beverly n'est décidément pas du genre à tolérer de telles calomnies !
Et comme son instinct maternel se double d'une détermination sans faille et d'une forte propension au ressentiment, elle n'y va pas par quatre chemins pour inculquer à l'enseignant les notions de base de la civilité, tellement nécessaires à la bonne conduite des relations parents-profs.
Ah ! si seulement ma mère avait passé le permis !...
Elle se serait épargné bien des crêpages de chignons avec les préposé(e)s à mon éducation...
Sur ce : bonne Fête des Mères !
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