"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



samedi 28 mai 2016

THE GRISSOM GANG (Pas d'orchidées pour Miss Blandish, 1971)

SPÉCIAL FÊTE DES MÈRES

"Elle cause plus, elle flingue !"
par Valentine Deluxe


On pourrait parfois, en passant, un jour d'humeur pluvieuse, nous reprocher de donner un visage bien peu avenant à la sacro-sainte institution fêtée avec une régularité de métronome dans les colonnes de  MEIN CAMP - on peut tout louper sur MC : Noël, Nouvel An, anniversaire... mais PAS la Fête des Mères !
De fait, les esprits chagrins (si si, il y en a... pas beaucoup, c'est vrai, mais il y en a !) pourront  probablement utiliser la présente bafouille comme pièce à conviction supplémentaire dans un dossier déjà fort épais.
Oui, enfin...  quand je dis qu'ils pourront, il serait plus exact de dire ... "ils pourraient A PREMIÈRE VUE !"
En effet, un examen scrupuleux et approfondi, allant un peu plus loin que le physique peu amène (***euphémisme***), les manières plutôt rustres (***EUPHÉMISME***) et le langage fleuri (***EUPHÉMISME !!!***) de notre élue du jour, vous révèlera très vite une femme et une mère rien moins qu'exemplaire. J'ai nommé :
Ma' Grissom

Elle cause plus, elle flingue !

Bon, évidemment, quand je dis "mère exemplaire", je pousse peut-être un peu sur les bords et aux entournures... "Unique" serait sans doute plus approprié.
Matriarche du gang Grissom - gang qui donne son nom, en VO, à cette fabuleuse adaptation du roman de James Hadley Chase, filmée par  Robert Aldrich -, Ma' Grissom est un peu la Catherine de Médicis des rednecks, des bouseux, des finis-au-pipi.
Bien sûr, elle est douce et câline comme une feuille de papier émeri, mais une chose qu'on ne peut pas lui enlever, c'est qu'elle a le sens de la famille.
Et quelle famille !... Les Atrides à côté, c'est le club Dorothée !
Mauvais comme la gale, sales comme des peignes, escrocs, coupe-jarrets et psychopathes, y en pas un pour racheter l'autre chez les Grissom.

 
 La Sainte famille

Et pourtant, Ma' Grissom (grandiose  Irene Dailey, qui fut aussi une cultissime nonnette dégobillante dans "Amityville, la Maison du Diable") regarde tout son petit monde d'un air attendri, toujours ferme mais bienveillante avec les siens.
Parfois complaisante, peut-être, mais dans le fond, une vraie mère poule !

 Un autre raison d’adorer Irène Dailey !
Soeur Regurgitorum dans AMITYVILLE.

Avouons qu'elle a bien du mérite, car quand ses rejetons s'ennuient le samedi soir, ils ne trouvent rien de mieux à faire que de kidnapper les riches héritières qui baguenaudent dans le coin..."Faut que jeunesse se passe", d'accord, mais quand même !
Surtout qu'ils ne font pas dans la demi-mesure : leur dernière proie n'est autre que Jessica Blandish,  fille unique et héritière de l'empire Blandish, celle-là même qui n'aura jamais ses orchidées, et dont je vous avais déjà présenté "la chair" il n'y a pas si longtemps.
Tout contents d'eux évidemment, ils ramènent l'oie blanche à la maison. 
Du coup, en plus du sens de la famille, on s'apercevra vite que Ma'Grissom a aussi - et surtout - un tarin des plus affûtés pour flairer les pépètes là où elles se nichent.


Bon, c'est vrai que comme ça, je ne sais pas si ça vient de sa moustache, de son tablier crasseux ou de sa façon d'aboyer en serrant les mâchoires, mais faut reconnaître qu'au premier abord (au deuxième aussi, ceci dit), elle est plutôt flippante !
Mais je peux vous assurer qu'elle a des qualités - bien cachées, j'en conviens :
Elle a le sens du commerce, les deux pieds bien sur terre, les yeux en face des trous, et surtout l’esprit pratique... quitte à trucider un peu au passage s'il le faut, mais bon, "les affaires sont les affaires" !


Évidemment, on devine que cette biche aux abois ramenée au bercail, bien qu'elle représente le début de la fortune, sera surtout le grain de sable dans la mécanique bien huilée du gang Grissom... Huilée et suante, surtout, car comme vous avez pu le constater, ça transpire beaucoup dans ce film - j'ai d'ailleurs jamais vu un truc pareil !
A mon avis, il doit y avoir une couille dans le potage génétique au niveau sudation... Ils doivent avoir des glandes sudoripares comme des potirons, parce que ça suinte du début à la fin, ça coule de partout, une véritable infection !

Une constante chez les Grissom :
faut que ça suinte à grosses flaques !

C'est donc par la môme Blandish que le scandale arrive, cette tentatrice, cette Jezabel qui va foutre la zizanie dans ce tableau de famille presque exemplaire.
Car bien évidemment, faut qu'il y en ait un qui se chope le béguin... et pas le plus futé du lot, mazette ! En l'occurrence Slim Grissom, pas vraiment une tête de prix Nobel, c'est sûr : 3 neurones 1/2 les jours fastes, un cerveau en téflon - impossible que rien y accroche ! -, et comme un petit défaut de fabrication au niveau de la braguette.
L'autre pimbêche de Blandish en profite pour se la jouer "Vous savez qui je suis ? Z'avez vu qui vous êtes ?"
Moi, à sa place, je ne ramènerais pas trop ma fraise, car c'est pas le genre à plaire à Ma' Grissom.
Et si en plus la Blandish fait des misères à son petit Slim, elle ferait mieux de numéroter ses abattis, car y a des chances pour que ça gicle sur le papier peint !


Bon, le million de dollars en poche - mais avec toujours la môme Blandish sur les bras, vu que Neuneu Grissom veut pas qu'on y touche ! -, Ma' se lance dans les affaires ! 
Elle se fait une beauté (je vous sens sceptiques, là), un coup de fer à friser et une nouvelle robe, elle se trouve un p'tit fond de commerce tout ce qu'il y a de mimi-pinson, et hop ! l'affaire est dans le sac ! Moquette épaisse et bibelots rares, tables de roulette en bas et bordel à l'étage, tout ce qu'il faut pour attirer le chaland, quoi !
Seulement, y a pas que le chaland qui passe, y a aussi la maison poulaga du coin, qui débarque un beau soir avec l’artillerie lourde.
Mais vous ne croyez quand même pas que Ma' Grissom  va se laisser impressionner par si peu ?
Même si la partie semble jouée, elle n'est pas du genre à s’éclipser par la porte de derrière.



Comme vous pouvez le voir, Ma' Grissom a fait sienne cette maxime de Michel Audiard - frappée au coin du bon sens s'il en est :

"Dans les situations critiques, quand on parle avec un calibre bien en pogne, personne ne conteste plus. Y a des statistiques là-dessus."

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