"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



dimanche 28 mai 2017

FESSES DE MERE


Spécial Fête des Mères
MOTHER'S BOYS (Yves Simoneau, 1993)
par BBJane Hudson

Dans la catégorie "thrillers-avec-une-fichue-salope-qui-vient-foutre-la-merde-dans-une-gentille-famille-bourgeoise" (sous-genre particulièrement fécond entre la fin des eighties et le milieu des nineties), Mother's Boys se distingue -- si je puis dire -- par l'oubli considérable dont il fait l'objet. Ce sort inenviable était aisément prévisible, dans la mesure où, dès sa sortie, l'oeuvrette passa remarquablement inaperçue. Il y a des films comme ça, marqués par le destin, dotés d'une aptitude inaccoutumée à se faufiler entre les mailles de tous les radars.

 
Mother's Boys recelait pourtant de quoi attirer un certain public, à défaut d'un public certain, à commencer par cette fraction énigmatique de spectateurs : les fans de Jamie Lee Curtis. Individus étranges et quelque peu suspects que les dévots de l'une des comédiennes les plus ingrates offertes par le cinéma américain des années 1970. Boudée par le talent et rebelle aux canons les moins exigeants de la beauté, Jamie Lee n'en fait pas moins l'objet d'un véritable culte (un peu défraîchi aujourd'hui) auprès des amateurs de cinéma d'horreur, depuis qu'elle livra l'une de ses rares interprétations estimables (au service d'un rôle assez peu requérant) dans le Halloween de John Carpenter.
Elancée comme une asperge raimbeaucourtoise, plate comme un tract pour les gammes Weight Watcher, et flanquée d'un visage chevalin percé de calots astigmates, elle enchaîna les rôles insipides dans des films aussi dépourvus de relief que son anatomie, toutefois portés aux nues par ses fidèles.
Il se peut que Mother's Boys soit le nadir de sa carrière, encore que sa filmographie ne manque point de sérieux concurrents (oh ! Perfect et son apologie de l'aérobic !... oh ! Kid... napping ! et son éreintement du divorce !...) ; c'est à coup sûr son film le plus camp. Comme son titre l'indique, il y est question d'une maman (ce qui tombe bien en ce jour de Fête des Mères) et de ses garçons.
Une maman qui, comme dans tout film camp qui se respecte, se signale par un degré d'abjection des plus roboratifs.


Trois ans après avoir plaqué (pour la seconde fois, la vilaine !) son époux et ses trois fistons, Judith (dite "Jude") Madigan se pique de reprendre sa place au foyer et de reconquérir les quatre hommes de sa vie. Sauf que le mari bafoué, Robert (l'horripilant Peter Gallagher, bellâtre d'une insondable veulerie), ne l'entend pas de cette oreille, d'autant qu'il s'est dégotté une nouvelle compagne, gentille, jolie, assistante de proviseur et insignifiante, bizarrement surnommée "Callie" (Joanne Whalley) -- au passage, on saluera la moralité des scénaristes Barry Schneider et Richard Hawley, qui insistent lourdement sur le fait que le couple, n'étant pas marié, s'interdit la vie commune.
Les enfants ne sont pas davantage motivés par l'idée de renouer avec l'auteure de leurs jours, tout particulièrement Kes (Luke Edwards), l'aîné du trio, traumatisé par l'abandon maternel (une scène d'une belle outrance nous le montre s'acharnant à coups de scalpel sur une malheureuse grenouille durant un cours de sciences naturelles, après que le professeur lui ait appris que ces batraciennes se désintéressaient de leurs œufs sitôt que pondus).

 
De l'art de poignarder une grenouille morte...

N'étant pas femme à lâcher le morceau facilement, Jude emploie ses ruses les plus balourdes pour parvenir à ses fins, et ne tarde pas à recouvrer l'affection de son rejeton réfractaire. Tablant sur les dérèglements hormonaux de l'adolescent, et ne reculant pas devant l'ombre ignominieuse de l'inceste, notre Mère Prodigue de l'Enfer concocte un fameux numéro de séduction pédophile, dont on causerait encore dans les chaumières s'il se trouvait quelqu'un pour en raviver le souvenir -- ou tout bonnement en signaler l'existence auprès des cinéphiles (vous avez du bol : je suis là...)




Non contente d'être une mère dénaturée, June est également une fille indigne -- il faut bien avouer que sans ce trait de caractère, le personnage perdrait beaucoup de son sel...
Or donc, sa génitrice (interprétée sous Tranxen par une Vanessa Redgrave aboulique), comprenant les manigances de la chair de sa chair, décide de lui mettre des bâtons dans les roues. Hélas, plutôt que de contrecarrer ses plans en silence -- seule stratégie efficace quand on s'oppose à une cinglée de l'envergure de June --, Lydia ne trouve rien de mieux à faire que de lui annoncer avec insistance ses intentions ("Je t'empêcherai de faire ce que tu veux faire !", répète-t-elle à l'envi). Ajoutant l'idiotie à l'imprudence, elle divulgue son projet alors qu'elle se trouve au pire endroit possible pour formuler ce genre de rodomontades : un lit d'hôpital qu'elle occupe en qualité de grabataire.
On dira ce qu'on voudra, mais c'est bougrement con, parfois, les mères de psychopathes...



Ces deux scènes n'offrent que d'infimes aperçus du délire ambiant. Délire sans doute involontaire, qui dut ajouter, après coup, quelques cheveux blancs à la caraque blonde arborée par Jamie Lee, aujourd'hui peu soucieuse de rappeler à quel point elle se réjouissait de rompre avec ses emplois habituels d'indécrottables victimes, pour jouer une vilaine d'envergure.
Ses inconditionnels ne s'en sont toujours pas remis...

Bonne fête à toutes les mamans !

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