"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



dimanche 28 mai 2017

TOO MUCH, TOO SOON (Une femme marquée, Art Napoleon, 1958)


SPÉCIAL FÊTE DES MÈRES

"La vie en (Cir)r(h)ose"
par Valentine Deluxe

 

Les traditions sont les traditions, et dans les colonnes de Mein Camp, on les RESPECTE scrupuleusement ! 
C'est bien le moins que l'on puisse faire, tandis qu'autour de nous, les comploteurs -- à coup sûr des sodomites judéo-maçonniques travaillant en sous-main avec un réseau d'Illuminatis pékinois à la solde du grand Babu -- avancent en rangs chaque jour plus serrés, et que les sournois  répandent à l'envi, avec toute l’énergie du geste auguste du semeur, la boue putride d'une propagande délétère visant à saper les fondements de notre civilisation, et à lézarder perfidement le ciment de nos vertueuses institutions (ouf !).
Leur cible favorite en ce moment : 
La Fête des Mères!

Peut-être ignorez-vous que de ce côté de l'outre-Quiévrainesque frontière, il se trouve même des écoles -- oui des écoles !!!! -- qui ont purement (abjectement) et simplement  (sournoisement) annulé le cadeau de Fête des Mères : un soliflore en pâte à sel amoureusement peinturluré d'un joli camaïeu, allant du vert-caca-d'oie au brun-étron.


Ceci dit, comme cela fait huit mois tout ronds que vous attendez ma nouvelle bafouille, je ne vais pas vous faire des mouches à quatre queues avant d'en arriver au principal. 
Foin des hors-d’œuvres, préludes et prolégomènes pour parler de ce qui nous occupe présentement :

La Mère Courage du jour.

Là encore, nous ferons taire les persifleurs qui nous accusent de complaisance envers une certaine vision tronquée de la sacro-sainte matrice, invariablement représentée en ce blog sous les traits de vieilles harpies aussi avinées que décaties !
Eh bien, non ! Notre mère exemplaire du jour est encore belle -- quelques heures de vol au compteur, certes, mais le carnet d'entretien est en règle --, dotée d'une éducation et d'un maintien irréprochables, et surtout, d'une tempérance à toute épreuve. Le gosier en pente, le bec-en-zinc de la cellule familiale, ce n'est pas elle, mais... sa p'tite chamelle de fille, bien sûr (vous pourriez feindre l'étonnement, quand même !)

Neva Paterson : la Madone en vison blanc

Vous me direz que je radote, que c'est moi qui ai dû forcer sur le picrate de contrebande, et que je suis en train de vous raconter le "Spécial Fête des Mères" de l'an dernier !
Ben oui, la Sainte Femme et le P'tit Pochtron étaient déjà les protagonistes d'"Une Femme en Enfer", sous les traits de Joe van Fleet et de Susan Hayward -- j'entends d'ici les glapissements des calomniateurs : "Elle débloque, la Valentine ! Faut la faire piquer avant qu'elle ne s'oublie partout !"
Eh bien non, petits canaillous ! Je n'ai pas un rat dans la contrebasse, pas de cafard dans le Choubersky !... Elle est encore cotée à l'argus, la môme Deluxe... "Charenton-tout le-monde-descend", ce n'est pas encore pour aujourd’hui !


"Avoir un cafard dans le Choubersky"

Il n'y a pas qu'une année entre deux Fêtes des Mères qui sépare Mme Katie Roth de Mme Blanche Oelrichs (voilà, les présentations sont faites !)
Si Jo Van Fleet, dans Une Femme en Enfer, était l'archétype même de la "Stage Mother", prête à tous les sacrifices pour que sa petiote puisse briller sous les feux de la rampe, Neva Paterson dans Une femme marquée (même dans les titres, il y a comme un écho) donnerait beaucoup -- mais pas tout, faut pas rêver non plus ! -- pour éloigner sa grande gigasse de fille (Dorothy Malone, ébouriffante quand elle doit jouer les adolescentes en marinière à 35 ans bien sonnés) des sunlights par trop brûlants d'Hollywood ou de Broadway.
 
Dignity, always DIGNITY !

Et il n'y a pas que ça qui différencie nos braves dames. Quand la famille Roth-Silverman vivote vaille-que-vaille dans les bas-fonds, Blanche Oehlrichs et sa petite Diana s'épanouissent tranquillement dans un luxueux appartement de l'East Side, dont la vue imprenable sur le Queensboro Bridge laisse à penser que Mame Dennis doit sans doute être une proche voisine.
Enfin, ce qui les distingue avant tout, c'est la distance émotionnelle qu'elles pratiquent dans leurs relations respectives avec les alambics de contrebande qui leur servent d'enfants.

Lilian Roth et sa copine Diana Barrymore
(photo non-contractuelle)

Là où Katie Roth-Silverman est fusionnelle, envahissante, possessive, Mme Oelrichs se montre aussi chaleureuse qu'un crotale. 
A cette enseigne, sa première apparition dans le merveilleux film de Art Napoleon (merveilleux au sens "mein-campien" du terme, cela va sans dire) est un véritable manifeste : elle lui parle sans la regarder, reste à distance, bien en hauteur, et semble prendre un malin plaisir à saper systématiquement  l'enthousiasme que sa nigaude manifeste envers son géniteur et ex-mari, le célébrissime -- et très imbibé --  John "The Profile" Barrymore !
Au passage -- on rit, mais on ne se moque pas --, mention spéciale pour le costume tarticruche pondu par le grand Orry-Kelly, qui tente ici comme il peut (et il peut peu) de rajeunir de vingt piges la délicieuse Dorothy Malone.


Ce que nous apprécions également chez Mme Oelrichs, c'est qu'elle a toujours le chic pour trouver le mot juste afin d'esquiver toute forme d’encouragement ou de support à l'égard de sa fille dans les moments où celle-ci en aurait le plus besoin -- et qu'elle possède l'art de lui planter un poignard affûté entre la 8ème et la 9ème côte, sitôt qu'elle a le dos tourné !



Il faut dire pour sa défense que Mme Oelrichs a une réputation à préserver.
Bien avant son mariage avec le beau John Barrymore, elle a grandi dans la meilleure société de Rhode Island, fréquentant les Vanderbilt, Astor et consort.
D'une beauté et d'une intelligence tout à fait remarquables, elle brilla comme actrice, scénariste, mais surtout auteure, et se tailla une enviable -- et sulfureuse -- réputation de poétesse sous le nom de plume somme toute cocasse de Michael Strange !
Bref, elle réussit partout où sa fille échoua lamentablement -- ce qu'elle ne manque jamais de lui rappeler subtilement.
Il n'est qu'un domaine où Diana reste une championne indétrônable : l'art de faire son entrée -- discipline quasi-olympique à l'aune de laquelle toute Grande Dame se verra jaugée.
Là, Diana ne craint rien ni personne ! Pour une fois, une toute petite et misérable fois dans sa chienne de vie, elle se montre capable de réussir quelque chose !


Au passage, avez-vous reconnu le bellâtre assis à la place du mort ? 
Ray Danton ! Ouiiiiiii, celui-là même qui interprétait le Mister RIGHT dont Lilian Roth/Susan Hayward tombait éperdument amoureuse dans Une femme en Enfer, malgré les mises en garde de sa maman !
Il interprète ici -- Ô surprise ! -- le mister WRONG dont Diana Barrymore tombe éperdument amoureuse (et épouse) malgré les mises en garde de sa maman.
Dans les deux films, le zigue est lourdement responsable de l'alcoolisme de ses partenaires.
Dans Une Femme en Enfer, parce qu'il meurt trop tôt ; dans Une Femme marquée, parce qu'il tarde à crever. 
C'est fou, non ?

 Comment utiliser un Récamier à des fins dramatiques
(avec panache)

Bon... De toute évidence, le petit boudin imbibé à gagné la bataille. 
Mais face à Mme Oelrichs, je vous fiche mon billet qu'elle n'a emporté ni la guerre, ni l'argent de la guerre, ni le sourire de l'armurier !
Or donc, observons une fois encore un merveilleux exemple de ce qui la différencie de cette brave Môman Roth-Silverman. 
Là où Jo van Fleet suivait Lilian Roth dans les aspects les plus sordides de son avilissement, et ce jusqu'aux tréfonds du sordide et du crasseux,  Mme Oestricht -- pas folle la guêpe -- se montre plus pragmatique. 
Le toboggan de la déchéance, sa fille le prendra bien toute seule !
Du reste, profitons de cette occasion pour prendre une autre belle leçon de panache. 
Si, dans notre premier extrait, Maman pisse-glaçons se campait sur les deux marches de son bureau pour rendre un peu plus difficiles les balbutiements pathétiques de sa cruche de fille, ici, elle va opter pour la tactique inverse.
Et vous noterez avec intérêt que l'on peut garder une position basse -- voire carrément couchée -- sans perdre pour autant le pouvoir dans la conversation. 
Pour garder maintien et panache, n'hésitez pas à recourir à un accessoire indispensable mais trop souvent sous-estimé dans le mobilier de base : 

 le Récamier!


Une fois encore, vous avez la preuve évidente du puits de bon sens que représente l'autorité des mères, et du peu de cas qu'en font les fruits avariés de leurs entrailles.
Aussi, profitons-en pour entonner en chœur ce que les Diana, Lilian and C° n'ont jamais su produire (à temps) : une petite poésie pour la Fête des Mères (ça fait toujours plaisir..)


C'est beau, non?

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