BB's MOVIES
par BBJane Hudson
par BBJane Hudson
« Les temps sont durs
Serrons-nous la ceinture... »
fredonnait ma bisaïeule Pulchérie
Lamerluche lors de la fameuse crise qui frappa le village de
Fouillicourt-les-Bernouflettes, de novembre 1886 à mars 1887.
Du jour au lendemain, les bonnes gens du patelin se retrouvèrent sans le sou, contraints de se nourrir de racines terreuses, de baies non domestiquées et de menus immondices, couchant à la belle étoile au fond de leur jardin (lorsqu'ils avaient la chance d'en posséder un, les autres devant se contenter de grelotter sur le pas de leur porte ou de se blottir au creux des caniveaux), égarant délibérément leurs enfants dans les profondeurs de la forêt voisine après avoir confisqué leurs cailloux blancs (ladite forêt étant en réalité un bosquet, les gamins avaient vite fait de regagner leur absence de domicile, et il fallait alors les égorger), vendant leurs cheveux et leurs dents en fonte aux habitants des bourgs limitrophes, épargnés par la récession.
Du jour au lendemain, les bonnes gens du patelin se retrouvèrent sans le sou, contraints de se nourrir de racines terreuses, de baies non domestiquées et de menus immondices, couchant à la belle étoile au fond de leur jardin (lorsqu'ils avaient la chance d'en posséder un, les autres devant se contenter de grelotter sur le pas de leur porte ou de se blottir au creux des caniveaux), égarant délibérément leurs enfants dans les profondeurs de la forêt voisine après avoir confisqué leurs cailloux blancs (ladite forêt étant en réalité un bosquet, les gamins avaient vite fait de regagner leur absence de domicile, et il fallait alors les égorger), vendant leurs cheveux et leurs dents en fonte aux habitants des bourgs limitrophes, épargnés par la récession.
Fouillicourt-les-Bernouflettes
Ces temps de misère, que la mémoire locale désigne
encore, avec un gros frisson sur l'échine, comme « La Grande
Désopulence » (« Quand c'est désopulent, on rigole pas
! » disait ma bisaïeule), prirent heureusement fin avec
l'élection d'un nouveau maire qui fit raser toutes les maisons et
instaura un couvre-feu dont le non-respect était sanctionné par la
décapitation immédiate.
De sans-abris, les Fouillicourtois passèrent au statut d'émigrants, dans un grand mouvement d'exode vers les villages environnants où ils refirent vaguement fortune par le biais d'ingénieuses rapines.
De sans-abris, les Fouillicourtois passèrent au statut d'émigrants, dans un grand mouvement d'exode vers les villages environnants où ils refirent vaguement fortune par le biais d'ingénieuses rapines.
Un Fouillicourtois en exode
« Le plus dur, en
c'temps-làlle », confiait ma bisaïeule, « c'est qu'on
pouvait même plus acheter des vélocipèdes à nos mioches ! »
Comme nul ne l'ignore, le vélocipède
constituait alors le seul recours contre l'usure des semelles de
godillots, une usure que les gosses pratiquaient avec ardeur,
habitués qu'ils étaient à battre les gadoues et à pouloper en
tous sens sans raison discernable en faisant un affreux potin (qui
provoquait, chez les adultes, une usure prématurée des trompes
d'Eustache). Aussi, l'impossibilité d'en acheter (des vélocipèdes)
posait-elle un fichu problème, dans la mesure où les gamins se
retrouvaient bientôt nu-pieds, ce qui est fort contraire à la
bonne santé et entraîne généralement des rhumes de cerveau (les gosses
étant de petite taille, la maladie se propage rapidement de la voûte
plantaire à la boîte crânienne...)
Un Fouillicourtois sur son vélocipède
En 1950, Joan CRAWFORD dut affronter le
même problème dans un très sombre film de Vincent SHERMAN, connu
en Néerlande sous le titre de De Verdoemden Zwijgen, en France sous celui de L'Esclave du
gang, et baptisé The Damned don't Cry aux Etats-Unis.
Soumise à la
semi-misère, ou du moins à l'obligation de serrer drastiquement les
cordons du porte-monnaie (elle fut l'une des dernières à posséder
un porte-monnaie à cordons), Joan ne peut offrir à son mouflet la
bicyclette de ses rêves. Son cœur de mère en saigne comme un
cochon à l'abattoir, aussi se résout-elle, pour stopper cette
hémorragie, à faire fi de la dèche, quitte à se saigner aux
quatre veines (ce qui, au demeurant, n'arrange rien...)
Elle achète donc la bicyclette, à la grande joie de son rejeton, mais au désespoir de celui avec qui elle conçut ledit gnard, à savoir son époux, le pragmatique Richard EGAN. S'ensuit une engueulade en règle, où le père furibard ne mâche pas ses arguments, et en produit même d'assez cocasses (« A ce train-là, tu finiras par lui acheter un zeppelin ! »), n'hésitant pas à rappeler à Joan qu'il effectue un travail d'une extrême dangerosité (grossiste en amiante ou un machin dans le genre) et que la seule dépense qu'il puisse s'autoriser est de payer son assurance.
Elle achète donc la bicyclette, à la grande joie de son rejeton, mais au désespoir de celui avec qui elle conçut ledit gnard, à savoir son époux, le pragmatique Richard EGAN. S'ensuit une engueulade en règle, où le père furibard ne mâche pas ses arguments, et en produit même d'assez cocasses (« A ce train-là, tu finiras par lui acheter un zeppelin ! »), n'hésitant pas à rappeler à Joan qu'il effectue un travail d'une extrême dangerosité (grossiste en amiante ou un machin dans le genre) et que la seule dépense qu'il puisse s'autoriser est de payer son assurance.
le film jouit même d'un titre Belge : "Le Silence des damnés"...
Les bonnes intentions forment le pavement de l'Enfer ; la pauvre Joan s'en avisera doublement au cours de cette séquence, le savon passé par son jules n'étant que le prélude à un événement beaucoup plus déplorable, que je ne puis décrire sans qu'à mes yeux battus ne se pressent les larmes. Voyez plutôt :
Logiquement, le poids d'une
éléphantesque culpabilité devrait s'abattre sur Joan.
Eh ben non, pas tout !...
C'est sur son mari qu'il retombe, accusé d'avoir chipoté pour 39 malheureux dollars, et d'avoir provoqué, par sa malembouchure, la mort de leur fiston. On dira ce qu'on voudra, mais les années 50 étaient bien moins sexistes qu'on ne veut nous le faire accroire...
Joan plaquera sans retard cet épouvantable ronchon et entamera une existence quelque peu chaotique, louant son corps au plus offrant, puis fricotant avec la pègre avec une sympathique absence de scrupules... Mais ceci est une autre histoire, fort bien narrée au demeurant par l'efficace Vincent SHERMAN dans ce film volontiers campy, qu'il n'est pas interdit de préférer au plus connu Roman de Mildred Pierce.
Fidèle à son image de marque, Joan s'y montre beaucoup trop âgée pour le rôle, et tend tous les ressorts de sa séduction déclinante pour nous faire compatir aux tourments de ce qu'il faut bien appeler une belle garce...
Cette merveille est hadopisable chez Old ciné passion...
Eh ben non, pas tout !...
C'est sur son mari qu'il retombe, accusé d'avoir chipoté pour 39 malheureux dollars, et d'avoir provoqué, par sa malembouchure, la mort de leur fiston. On dira ce qu'on voudra, mais les années 50 étaient bien moins sexistes qu'on ne veut nous le faire accroire...
Joan plaquera sans retard cet épouvantable ronchon et entamera une existence quelque peu chaotique, louant son corps au plus offrant, puis fricotant avec la pègre avec une sympathique absence de scrupules... Mais ceci est une autre histoire, fort bien narrée au demeurant par l'efficace Vincent SHERMAN dans ce film volontiers campy, qu'il n'est pas interdit de préférer au plus connu Roman de Mildred Pierce.
Fidèle à son image de marque, Joan s'y montre beaucoup trop âgée pour le rôle, et tend tous les ressorts de sa séduction déclinante pour nous faire compatir aux tourments de ce qu'il faut bien appeler une belle garce...
Cette merveille est hadopisable chez Old ciné passion...
Sexy, l'épouvantable ronchon^^
RépondreSupprimer...doux Jésus! quelle chronique! ...Eugène Sue ou Bossuet, vous atteignez là très chère, des sommets rien moins qu'alpin! j'en ai les yeux tout embués d'émotion.
RépondreSupprimerÇa va être dur de passer après vous vénérée redac' en cheftaine !!!
Il paraitrait que les frères Dardenne ont des aïeux à Fouillicourt-les-Bernouflettes. Et peut-être qu'une arrière grand-tante de Lars Von Trier recueillit-elle un des sans-abris fouillicourtois dans un des villages environnants. Elle fut elle-même une âme dévouée à l'exploration des bas-fonds, anthropologue du Grand Nord ignoré. Certains de ses savants ouvrages pourrissent encore dans les bibliothèques des villages de la région. Car une telle veine cinématographique puise dans le vécu. Merci d'avoir rendu hommage à Fouillicourt, terreau originel de nombreuses inspirations.
RépondreSupprimerL'émotion a perturbé ma graphie : un "qu'" de trop encombre ma seconde phrase. Vous aurez l'obligeance de ne point le lire...
RépondreSupprimerMa chère BB, chacun son tour, cette fois, c'est moi qui t'ai tagué^^
RépondreSupprimerC'est réellement désopulant, si je puis me permettre...
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