par Valentine Deluxe
Dans la
masse dense et touffue des échanges épistolaires auxquels vos hôtesses chéries se sont livrées avant d’ouvrir c’te foutue boutique, vint très vite cette
angoissante question :
"Y a-t-il un cinéma Camp franco-français ?"
Le débat
ainsi lancé fut rapidement clôturé pour cause de pugilat sanglant, d’échange
d’épithètes aussi ordurières que cocasses, et finalement par manque de munitions.
Cette guerre soeuricide me serait
sortie de la tête depuis belle lurette si je n’avais redécouvert la petite
merveille dont je vais présentement vous parler.
"Existe-t-il un Camp français ?" (Choisissez votre... camp !)
A la base, il y a comme un petit parfum de madeleine proustienne.
De vagues souvenirs d’un film vu à la belle et
lointaine époque des trois chaînes nationales (dont la première, pour d’obscures raisons techniques, n'était captée à la maison qu’en noir et blanc !) émettant moins de 12 heures par jour.
Que restait-il de cet
incunable dans ma mémoire ? Des bribes, des miettes, des effluves !
Jugez-en : des enfants
sacrifiés à quelque culte diabolique et enterrés de nuit dans de brumeux cimetières,
des gâteaux empoisonnés, des séances de torture, des messes noires, et des bûchers à foison! Faut-il s'étonner
que cela ait impressionné la fillette que j’étais alors !
Valentine, fillette impressionnable devant sa télé...
35 ans plus tard donc, à force de
patience et de recherches, j’ai non seulement pu identifier le film, mais -- Hosanna
au plus haut des cieux ! -- j’ai également réussi à me le procurer, à le
visionner, et à le découper en petits morceaux pour votre plus grand plaisir,
enfin d’en extirper la substantifique moelle !
(Ici, pour le bien et la
concision de ma chronique, il va me falloir pratiquer une ellipse
salvatrice. KUBRICK sautait 40.000 mille ans grâce à une mâchoire de
phacochère expédiée dans la stratosphère,
moi je me contenterai modestement d’un point à la ligne... Attention ! …Voilà
c’est fait...)
Cet obscur objet du mien désir, qui
m’a hantée pendant des décennies, était donc un film injustement oublié de Henri DECOIN : L'Affaire des poisons.
Au vu de son générique, vous
admettrez sans peine que cette amnésie est assez inexplicable, car non
seulement le film est excellent, mais il possède en plus une affiche absolument
scintillante.
Basée sur la fameuse saga judiciaire
qui secoua la France du Roi Soleil jusque dans ses plus
hautes et nobles sphères, l’œuvre installe en haut de l’affiche Danielle DARRIEUX
en pathétique Marquise de Montespan, prête à toutes les vilénies pour
reconquérir l’affection -- et plus si affinités -- de l’éblouissant despote (que
nous ne verrons jamais que de loin, histoire que son éclat ne nous provoque pas un décollement de
la rétine.)
Mais pourquoi diantre parler de ce film ici ?
Mais pourquoi diantre parler de ce film ici ?
Plutôt que de me justifier par un
long discours, je vous propose simplement cet extrait, où, en plus de la
DARRIEUX, vous découvrirez celle qui -- plus que toute autre raison -- justifie
la présence de ce diamant noir (bon, allez, d’accord : un vieux strass
passé au brou de noix...) dans nos colonnes : la divine et outrageusement Camp
(j’ose le mot) Viviane ROMANCE !
Jadis abonnée aux emplois de
femmes de petite vertu, voire de mauvaise vie, l’ex-vamp des années
trente trouve ici l'un de ses derniers grands rôles, et nous rappelle au passage
combien l’oubli dans lequel elle se trouve aujourd'hui confinée est aussi injuste
qu’incompréhensible
Le trait alourdi (ne disons rien
de sa silhouette), elle reste néanmoins absolument parfaite dans le rôle de la reine des empoisonneuses, la
maléficieuse Catherine DESHAYES, dite « La
Voisin ».
Et pour l’occasion, elle adopte ce registre que j’adule plus que tout : celui de la cabotine murmurante... C’est qu’il en faut, du talent, pour réussir à en faire des tonnes sans gesticulation intempestive, sans haussements de sourcils ravageurs et autres roulements d’yeux menaçants.
Le personnage et son interprète : une ressemblance qui saute aux yeux...
Et pour l’occasion, elle adopte ce registre que j’adule plus que tout : celui de la cabotine murmurante... C’est qu’il en faut, du talent, pour réussir à en faire des tonnes sans gesticulation intempestive, sans haussements de sourcils ravageurs et autres roulements d’yeux menaçants.
Impériale dans la fausse sobriété, préférant le
persiflage chuchoté aux éclats de voix, elle est merveilleusement aidée, convenons-en, par les irrésistibles mises en bouche du dialoguiste Georges NEVEUX, dont je vous propose incontinent (notez au passage mon incomparable sens de l’enchaînement !) de
découvrir l'un des plus succulents morceaux :
j'adore ce film je le connais par coeur et je dirai jusqu'au tombeau qu'Anne Vernon faisait bien plus Angélique marquise des anges que Michèle Mercier au patronyme fleurant bon le petit commerce! mais ce que j'adore le plus dans ce film c'est lorsque Danielle Montespan rend visite à son mari après des années et le trouve tout de noir vêtu.
RépondreSupprimerElle: Oh mon ami, quelle étrange tenue! Qui donc est mort?
Lui: Personne, mais le jaune ne me va pas!
Ceci étant dit, je pose la question fatidiquement subsidiaire: Viviane Romanc eest elle plus camp que Ginette Leclerc?
Celine
dans mes bras camarade! ...je mettais également la môme Ginette sur ma liste! ...de Vamp à Camp, il n'y a qu'une lettre!
RépondreSupprimer...sa (sublime) composition dans "le corbeau", en nymphomane boiteuse, est du même niveau que des Tallulha, Joan ou Bette!
Pour revenir à "l'affaire des poisons", le film pullule des moments grandioses!
En plus de la scène dont vous parlez, la première apparition de la fée Viviane, qui veut faire pénitence après avoir vu flamber la Brinvillier, mais finit par accepter de jouer les avorteuses pour boniche: "...reviens demain ...et ne remporte pas tes économies: à cette heure ci, y'a des voleurs plein les rues!"
Absolument délicieux^^ Et quelle diction impeccable ces comédiennes avaient !
RépondreSupprimern'est ce pas? ...j’étais déjà assez friand de Darieux, mais Viviane Romance emporte tout ici! Cet espèce de demi-chuchotement venimeux, c'est vraiment du grand art!
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