Quatrième partie : D'autres rivages...
Les beach
movies
produits en dehors de l'A.I.P. sont beaucoup moins riches en
notations homophiles. Jeffery P. Dennis souligne que si les filles s'y
promènent en bikinis, les garçons y sont généralement vêtus (1)
; il serait plus juste de dire qu'ils sont « moins dévêtus »
et moins érotisés que chez William Asher et Don Weis, ce qui
n'exclut pas l'existence d'un sous-texte gay aisément détectable.
On n'en trouve pas trace, cependant, dans l'un des initiateurs du genre, Ces Folles filles d'Eve (Henry Levin, 1960), production MGM dont la tonalité est infiniment plus sérieuse que celle des aventures de Frankie et Dee Dee. Nous y suivons quatre étudiantes en route pour Fort Lauderdale, « là où sont les garçons » (d'où le titre original du film, Where the Boys Are). Merritt (Dolores Hart) se distingue par ses plaidoyers en faveur des liaisons pré-maritales, qui ne sont pas du goût de ses professeurs. Melanie (Yvette Mimieux), fort impressionnée par ces théories audacieuses, espère les mettre en pratique durant leurs vacances. Tuggle (Paula Prentiss), au contraire, n'entend pas se livrer à des galipettes avant d'avoir la bague au doigt. Angie (Connie Francis) serait prête à tout si seulement les garçons daignaient s'intéresser à elle ; mais son statut de joueuse de hockey, contraire aux assignations de son sexe, semble avoir sur eux un effet répulsif.
On n'en trouve pas trace, cependant, dans l'un des initiateurs du genre, Ces Folles filles d'Eve (Henry Levin, 1960), production MGM dont la tonalité est infiniment plus sérieuse que celle des aventures de Frankie et Dee Dee. Nous y suivons quatre étudiantes en route pour Fort Lauderdale, « là où sont les garçons » (d'où le titre original du film, Where the Boys Are). Merritt (Dolores Hart) se distingue par ses plaidoyers en faveur des liaisons pré-maritales, qui ne sont pas du goût de ses professeurs. Melanie (Yvette Mimieux), fort impressionnée par ces théories audacieuses, espère les mettre en pratique durant leurs vacances. Tuggle (Paula Prentiss), au contraire, n'entend pas se livrer à des galipettes avant d'avoir la bague au doigt. Angie (Connie Francis) serait prête à tout si seulement les garçons daignaient s'intéresser à elle ; mais son statut de joueuse de hockey, contraire aux assignations de son sexe, semble avoir sur eux un effet répulsif.
Bien que débutant sous des auspices étonnamment
progressistes (le discours de Merritt au lycée), le film se révèle
d'un conservatisme pesant. L'anticonformiste Merritt, loin
d'appliquer son programme, se refusera à son soupirant Ryder Smith
(George Hamilton) tant qu'il ne lui aura pas promis le mariage ;
Melanie, qui flirte avec deux garçons à la fois et qui ne crache
pas sur l'alcool, sera punie de ses incartades par un viol suivi d'un accident ; la
trop masculine Angie ne récoltera comme prince charmant qu'un joueur
de « jazz dialectique » complètement cintré (Frank
Gorshin), affligé d'une myopie confinant à la cécité --
les auteurs semblent estimer que seul un mal voyant peut consentir
(et avec quelle réserve !) à s'amouracher d'une sportive. Tuggle
est, avec la méritante Merritt (le choix du nom n'est pas innocent),
la seule à trouver « l'amour vrai », en vertu de sa
docilité aux préceptes patriarcaux.
Ces folles filles d'Eve (titre français offrant un rappel du péché originel, en parfaite adéquation avec l'optique réactionnaire du film) emprunte au mélodrame quelques-uns de ses traits (l'influence du producteur Joe Pasternak n'y est sans doute pas étrangère), et s'avère une comédie assez déprimante malgré son cadre ensoleillé et le badinage présidant aux aventures de ses héroïnes. C'est d'ailleurs davantage par les aspects les plus sombres de son intrigue et par son moralisme forcené que le film s'apparente au Camp, ainsi que par son respect (au schématisme pachydermique) des notions de classe. Le viol de Melanie, la plus prolétaire des quatre amies, est ainsi présenté comme relativement secondaire, bien qu'il s'oppose à la légèreté revendiquée par le scénario.
Comme l'écrit Kristi Siegel, « le film, du moins en 1960, peut conserver son statut de comédie, parce que la valeur de Melanie a déjà été établie ; dans le langage d'Hollywood, elle a été une « vilaine fille », et les conséquences [de son viol] -- évacuées assez aisément -- doivent être considérées comme son dû. Si Merritt avait été violée (…), le film aurait été classé comme un drame. La différence réside entièrement dans la question de classe [...] » (2).
Merritt (Dolores Hart)
Ces folles filles d'Eve (titre français offrant un rappel du péché originel, en parfaite adéquation avec l'optique réactionnaire du film) emprunte au mélodrame quelques-uns de ses traits (l'influence du producteur Joe Pasternak n'y est sans doute pas étrangère), et s'avère une comédie assez déprimante malgré son cadre ensoleillé et le badinage présidant aux aventures de ses héroïnes. C'est d'ailleurs davantage par les aspects les plus sombres de son intrigue et par son moralisme forcené que le film s'apparente au Camp, ainsi que par son respect (au schématisme pachydermique) des notions de classe. Le viol de Melanie, la plus prolétaire des quatre amies, est ainsi présenté comme relativement secondaire, bien qu'il s'oppose à la légèreté revendiquée par le scénario.
Comme l'écrit Kristi Siegel, « le film, du moins en 1960, peut conserver son statut de comédie, parce que la valeur de Melanie a déjà été établie ; dans le langage d'Hollywood, elle a été une « vilaine fille », et les conséquences [de son viol] -- évacuées assez aisément -- doivent être considérées comme son dû. Si Merritt avait été violée (…), le film aurait été classé comme un drame. La différence réside entièrement dans la question de classe [...] » (2).
Mélanie punie...
Les héroïnes de Ces Folles filles d'Eve se réduisent à des archétypes féminins, tant sur le plan social que psychologique, qui apprennent durant leur séjour à la plage le code de conduite adéquat à toute demoiselle américaine. Celui-ci est parfaitement résumé par la profession de foi de Tuggle : « Mon ambition, c'est d'être une usine à bébés ». Le conservatisme du propos interdit toute remise en cause des schémas sociaux de sexe, et donne parfois lieu à des scènes d'une drôlerie involontaire, comme lorsque Merritt et son prétendant Ryder confrontent leurs Q.I. respectifs ; quand la jeune fille annonce que le sien est de 138, Ryder siffle admirativement et déclare qu'il lui faudra mener « un long siège » pour la conquérir ; puis il ajoute que le sien est de 140, rétablissant in extremis sa supériorité de mâle dans un échange que Kristi Siegel qualifie de « striptease verbal et de préliminaire sexuel » (3).
Merritt a un beau Q.I...
Le personnage de TV Thompson, l'amoureux de Tuggle, est peut-être le seul qui échappe au schématisme ambiant. Il n'est ni le parfait mari potentiel (Ryder), ni l'olibrius de service (Basil, le contrebassiste), ni une ordure manipulatrice (les deux flirts de Merritt), mais un brave garçon fantaisiste et un peu infantile. Bien que soucieux de perdre son pucelage, il ne met pas une grande vigueur à convaincre Tuggle de lui céder, comme s'il n'était pas sûr de son fait. Il perd en revanche tout contrôle de lui-même lorsqu'il assiste dans un restaurant au numéro d'une danseuse aquatique dont les « poumons » le laissent pantois. Il la poursuit de ses assiduités durant quelque temps, mais le fait que la naïade soit plus âgée que lui et qu'il manifeste une fixation sur sa poitrine donnent à ses élans un caractère nettement œdipien. Son insouciance vestimentaire, son goût pour les chapeaux ridicules et sa méfiance envers l'autorité (il ne se sépare jamais d'une radio captant les ondes de la police locale) en font une version atténuée du gamin prolongé incarné par Jerry Lewis dans ses films -- les aspects queers en moins.
T.V. Thompson (Jim Hutton)
Le film suscita une véritable ruée de la jeunesse sur Fort Lauderdale, brusquement envahi par 50 000 étudiants. Vingt-quatre ans plus tard, Hy Haverback en réalisa un remake plus audacieux et tout imprégné de Camp eighties (Where the Boys are '84). Signe que le réel dépasse parfois la fiction : Dolores Hart, l'interprète de la faussement émancipée Merritt, entra au couvent et devint Soeur Dolores quelques années plus tard, après une rencontre avec Jean XXIII.
Le remake de 1984
En 1963, le succès de Beach Party incita la Warner à produire une variation sur le scénario de Ces Folles filles d'Eve avec Palm Springs Weekend, confié à l'un des metteurs en scène attitrés d'Elvis Presley (neuf films) et du tandem Jerry Lewis/Dean Martin (6 films) : Norman Taurog. Celui-ci s'était fait la main dans le domaine du beach movie avec deux véhicules pour Presley, précurseurs du genre : Sous le ciel bleu de Hawaï (1961) et Des filles... encore des filles (1962).
Les étudiantes du film de Levin sont ici remplacées par une équipe de basketteurs séjournant à Palm Springs avec une identique préoccupation : rencontrer des membres du sexe opposé. Le scénario se focalise sur deux d'entre eux : Jim Munroe (Troy Donahue) et Biff Roberts (Jerry Van Dyke). Le premier a le coup de foudre pour Bunny Dixon (Stefanie Powers), la fille du shérif, et le second s'éprend d'Amanda (Zeme North), un garçon manqué experte en karaté. Nous suivons parallèlement les idylles de Gayle Lewis (Connie Stevens) avec Eric Dean (Robert Conrad), un playboy richissime et brutal, et « Stretch » Fortune (Ty Hardin), un cascadeur texan.
Moins axé sur le délire surréalisant que les films A.I.P., et
réservant peu de place aux intermèdes musicaux, Palm
Springs Weekend
est également moins pourvu en éléments Camp, même s'il offre
quelques moments notables en la matière (il est en outre un pool
movie
plutôt qu'un beach
movie,
puisqu'il ne se déroule pas sur une plage mais autour de piscines).
La Warner y vit l'occasion d'utiliser de jeunes acteurs sous contrat, auparavant recyclés avec un succès mitigé à la télévision. Deux d'entre eux, Troy Donahue et Ty Hardin, étaient les poulains d'Henry Willson, l'agent de Rock Hudson, célèbre pour son écurie de jeunes acteurs sexy (et souvent gays), desquels il exigeait fréquemment des avantages en nature en rétribution de ses services. De fait, Palm Springs Weekend possède un fort potentiel homoérotique en vertu de ses deux interprètes principaux et d'un Robert Conrad plus terrassant de séduction que jamais. La présence de ces comédiens qui, bon gré mal gré, ont intégré le panthéon de la cinéphilie gay, apporte au film un incontestable cachet queer qui incite à sa réinterprétation dans une optique gay / Camp.
Stretch, gentil benêt qui conserve son stetson même lorsqu'il est en slip de bain et dont la voiture est décorée de cornes, correspond au stéréotype gay du cowboy sentimental et mal dégrossi, tel qu'on le rencontre dans Les Garçons de la bande, Myra Brenckinridge ou Macadam Cowboy. Il est l'antithèse d'Eric Dean, fils à papa séducteur et sans scrupules, dont le comportement envers Stretch semble toutefois confirmer l'adage qui veut que « les contraires s'attirent ».
Cette attirance, inavouable pour un garçon soucieux de son image de Casanova, s'exprime par une hostilité un peu trop manifeste et dénuée de fondement. Dès leur première rencontre, Dean envoie la voiture de Stretch dans le décor, sous prétexte qu'il roule trop lentement. Le regard qu'il lui lance, plein d'une animosité passionnée, et celui que Stretch lui renvoie, lourd d'interrogations, en disent long sur le caractère trouble de leurs rapports futurs.
Stretch tente de flirter avec Gayle, ce qui fournit à Dean un nouveau motif d'animosité ; il ne cesse de pousser son rival à la bagarre, mais Stretch préfère s'y soustraire, n'ayant pas à prouver sa virilité dans des combats de coqs. Acharné à provoquer un affrontement, Dean le poursuit sur la route et percute plusieurs fois l'arrière de sa voiture, avec un sourire carnassier qui donne à ses coups de boutoir un sens transparent. Lorsque la voiture prend feu après plusieurs loopings, son poursuivant s'arrête, comme tenté de secourir Stretch ; l'arrivée de Jim Munroe l'en dissuade, et Dean prend la fuite à toute blinde.
Sa conception de l'amour hétérosexuel est celle d'un prédateur pour qui la chasse est le premier plaisir, et qui adopte ensuite un comportement violent (après avoir offert un bijou à Gayle, il tente de la violer). Les femmes ne lui servent qu'à assurer aux yeux du monde (et de lui-même) une virilité qu'il peine à imposer comme les autres garçons (il se défile lors des bagarres). Leur compagnie semble le mettre mal à l'aise, et il préfère agresser ceux qui éveillent son attention plutôt que de sympathiser avec eux. L'excuse fournie pour son comportement est qu'il n'a jamais obtenu l'amour d'un père volage et absent ; une explication qui, dans la tradition psychanalytique, achève de nous le peindre comme un homosexuel potentiel rejetant sa nature.
D'autres sous-entendus émaillent le film, comme les réactions allergiques que provoquent chez l'un des garçons la proximité d'une fille aguicheuse ; la réanimation par Jim Munroe de son ami Biff Roberts, noyé dans un déferlement de mousse ; le couple masculin arrivant à une soirée dans une guimbarde dont le radiateur éjacule un intarissable jet d'eau après qu'un séduisant portier l'ait réduite en pièces. Citons encore l'entretien entre la patronne de l'hôtel et le coach des basketteurs : « Ils vous appartiennent tous ? », demande la première en désignant les garçons, ce à quoi l'entraîneur répond énigmatiquement : « Disons qu'ils sont ce que j'en ai fait... » La subversion des genres est incarnée par Amanda, dont les prises de karaté envoient tous les hommes au tapis, et que Biff Roberts, qui l'a involontairement bousculée, salue d'un distrait « Pardon, mon pote ». Lorsqu'elle lui rétorque qu'elle est une fille, Roberts enfonce le clou en lui promettant : « Je garderai le secret... »
La Warner y vit l'occasion d'utiliser de jeunes acteurs sous contrat, auparavant recyclés avec un succès mitigé à la télévision. Deux d'entre eux, Troy Donahue et Ty Hardin, étaient les poulains d'Henry Willson, l'agent de Rock Hudson, célèbre pour son écurie de jeunes acteurs sexy (et souvent gays), desquels il exigeait fréquemment des avantages en nature en rétribution de ses services. De fait, Palm Springs Weekend possède un fort potentiel homoérotique en vertu de ses deux interprètes principaux et d'un Robert Conrad plus terrassant de séduction que jamais. La présence de ces comédiens qui, bon gré mal gré, ont intégré le panthéon de la cinéphilie gay, apporte au film un incontestable cachet queer qui incite à sa réinterprétation dans une optique gay / Camp.
Robert Conrad
Stefanie Powers et Troy Donahue dans Palm Springs Weekend
Stretch, gentil benêt qui conserve son stetson même lorsqu'il est en slip de bain et dont la voiture est décorée de cornes, correspond au stéréotype gay du cowboy sentimental et mal dégrossi, tel qu'on le rencontre dans Les Garçons de la bande, Myra Brenckinridge ou Macadam Cowboy. Il est l'antithèse d'Eric Dean, fils à papa séducteur et sans scrupules, dont le comportement envers Stretch semble toutefois confirmer l'adage qui veut que « les contraires s'attirent ».
Cette attirance, inavouable pour un garçon soucieux de son image de Casanova, s'exprime par une hostilité un peu trop manifeste et dénuée de fondement. Dès leur première rencontre, Dean envoie la voiture de Stretch dans le décor, sous prétexte qu'il roule trop lentement. Le regard qu'il lui lance, plein d'une animosité passionnée, et celui que Stretch lui renvoie, lourd d'interrogations, en disent long sur le caractère trouble de leurs rapports futurs.
Stretch tente de flirter avec Gayle, ce qui fournit à Dean un nouveau motif d'animosité ; il ne cesse de pousser son rival à la bagarre, mais Stretch préfère s'y soustraire, n'ayant pas à prouver sa virilité dans des combats de coqs. Acharné à provoquer un affrontement, Dean le poursuit sur la route et percute plusieurs fois l'arrière de sa voiture, avec un sourire carnassier qui donne à ses coups de boutoir un sens transparent. Lorsque la voiture prend feu après plusieurs loopings, son poursuivant s'arrête, comme tenté de secourir Stretch ; l'arrivée de Jim Munroe l'en dissuade, et Dean prend la fuite à toute blinde.
Robert Conrad fait du "rentre-dedans"...
Sa conception de l'amour hétérosexuel est celle d'un prédateur pour qui la chasse est le premier plaisir, et qui adopte ensuite un comportement violent (après avoir offert un bijou à Gayle, il tente de la violer). Les femmes ne lui servent qu'à assurer aux yeux du monde (et de lui-même) une virilité qu'il peine à imposer comme les autres garçons (il se défile lors des bagarres). Leur compagnie semble le mettre mal à l'aise, et il préfère agresser ceux qui éveillent son attention plutôt que de sympathiser avec eux. L'excuse fournie pour son comportement est qu'il n'a jamais obtenu l'amour d'un père volage et absent ; une explication qui, dans la tradition psychanalytique, achève de nous le peindre comme un homosexuel potentiel rejetant sa nature.
Dean (Robert Conrad)
D'autres sous-entendus émaillent le film, comme les réactions allergiques que provoquent chez l'un des garçons la proximité d'une fille aguicheuse ; la réanimation par Jim Munroe de son ami Biff Roberts, noyé dans un déferlement de mousse ; le couple masculin arrivant à une soirée dans une guimbarde dont le radiateur éjacule un intarissable jet d'eau après qu'un séduisant portier l'ait réduite en pièces. Citons encore l'entretien entre la patronne de l'hôtel et le coach des basketteurs : « Ils vous appartiennent tous ? », demande la première en désignant les garçons, ce à quoi l'entraîneur répond énigmatiquement : « Disons qu'ils sont ce que j'en ai fait... » La subversion des genres est incarnée par Amanda, dont les prises de karaté envoient tous les hommes au tapis, et que Biff Roberts, qui l'a involontairement bousculée, salue d'un distrait « Pardon, mon pote ». Lorsqu'elle lui rétorque qu'elle est une fille, Roberts enfonce le clou en lui promettant : « Je garderai le secret... »
Bain de mousse et réanimation
Une quinzaine d'autres beach movies furent produits jusqu'en 1966, qui marque le crépuscule du genre. Quelques titres se distinguent par leur qualité Camp et/ou leur quotient homophile.
Dans la seconde catégorie, Ride the Wild Surf (Don Taylor, 1964) s'est taillé une certaine réputation pour sa description d'indéfectibles amitiés masculines, et pour une esthétique annonçant le porno gay contemporain.
Si le scénariste Joe Napoleon ne renonce pas aux idylles hétérosexuelles, il apporte une attention particulière aux comportements, rites et codes adoptés par le milieu homosocial des surfeurs, qu'il traite avec une authenticité inhabituelle dans les beach movies. Ride the Wild Surf est, à ce titre, l'œuvre de fiction la plus fidèle à l'esprit de la surf culture, exception faite des films documentaires tournés par les pratiquants de ce sport. Il est le seul film que ces derniers ne rejettent pas catégoriquement, malgré les défauts propres au genre.
Ceux-ci ne varient pas : intrigues sentimentales niaiseuses ; horribles séquences de rear projection, où les comédiens, filmés devant des images d'une mer d'huile, annoncent la venue de vagues immenses que leurs doublures tentent de dompter dans les plans suivants, aux couleurs et au grain totalement différents !
Au moins Don Taylor imposa-t-il que les cascadeurs et les vedettes portent des maillots identiques, qu'ils aient la même couleur de cheveux (d'où les teintures arborées par plusieurs comédiens), et que leurs silhouettes soient ressemblantes -- autant de détails que ses confrères avaient pour habitude de négliger. Du reste, les images de surfeurs dans les films A.I.P. étaient de simples stock shots, tandis que celles de Ride furent tournées spécialement à Hawaï par la seconde équipe, avec d'authentiques champions de la discipline, comme Mickey Dora et Greg Noll.
Ce
souci d'authenticité dans la peinture d'une sous-culture
essentiellement masculine favorise une lecture queer
du film, où la passion pour le surf peut être vue, encore plus
clairement que dans d'autres beach
movies,
comme une métaphore de l'homosexualité.
Les trois personnages principaux se rendent à Hawaï pour se confronter à leurs pairs durant la saison des grandes vagues. Les premières séquences, où il repèrent leurs futurs concurrents et échangent des commentaires appréciateurs à leurs propos, pourraient servir d'introduction à un X gay de la firme « Bel Ami ».
Chacun d'eux sera
entrepris par une fille : Jody (Fabian) est accosté par Brie
(Shelley Fabares), qui veut le convaincre de reprendre ses études ;
Chase (Peter Brown) est plaqué au sol par la karatéka Augie
(Barbara Eden), qui n'aura de cesse de se faire pardonner cet
affront. Le cas le plus intéressant est celui de Steamer (Tab
Hunter), qui s'éprend d'une amazone locale, Lily (Susan Hart), dont
le père abandonna sa famille pour faire une carrière de surfeur. En
conséquence, la mère de Lily (Catherine McLeod) s'oppose à leur
idylle, estimant que le jeune homme agira comme son mari.
En d'autres termes, le surf met en péril le foyer hétérosexuel ; il est une occupation coupable qui dévoie l'époux potentiel de ses obligations, en faveur d'amitiés et d'activités masculines.
La
passion du surf s'identifie ici de manière criante aux amours
homosexuelles. Cette conception est mise en lumière dans la scène
où les surfeurs sont rassemblés sur la plage dans l'attente des
grandes vagues. L'érotisation des corps, les expressions d'extatique
communion peintes sur les visages, et la symbolique du déferlement
prometteur de la jouissance ultime, transforment le lien homosocial
en un rituel homophile.
L'obsession de la vague à dominer peut également être considérée comme un dérivatif à l'anxiété des jeunes mâles américains des années 1960, une façon d'affirmer leur virilité comme le faisaient jadis les héros de l'Ouest. Il s'agit de «dompter la vague » comme les cowboys dressaient leurs chevaux -- en ce sens, Ride the Wild Surf est le seul beach movie à adopter, jusque dans son titre, des accents westerniens prononcés.
Cette anxiété masculine s'exprime dans la relation de Chase et Augie, où elle prend une tournure assez Camp. Pour Noël Burch, le personnage d'Augie est « un emblème des codes de l'époque » relatifs à la « femme violente », traitée sous l'angle de la dérision : « un petit bout de femme judoka [qui] humilie sur la plage un costaud sceptique, mais doit passer le reste du film à jouer les petites filles contrites pour se faire pardonner et conquérir le beau mâle» (4).
La peur de Chase d'être dépossédé du phallus est illustrée avec humour dans la séquence du feu d'artifice, où Augie souhaite lancer une gigantesque fusée depuis la plage, au grand dam de Chase, fâché qu'elle soit en possession d'un tel engin. Il profite d'un moment d'inattention pour vider la fusée de sa poudre, de sorte qu'elle retombe piteusement sur le sol après s'être élevée de quelques centimètres. Folle de colère, Augie l'invective et se détourne de lui.
Les trois personnages principaux se rendent à Hawaï pour se confronter à leurs pairs durant la saison des grandes vagues. Les premières séquences, où il repèrent leurs futurs concurrents et échangent des commentaires appréciateurs à leurs propos, pourraient servir d'introduction à un X gay de la firme « Bel Ami ».
En d'autres termes, le surf met en péril le foyer hétérosexuel ; il est une occupation coupable qui dévoie l'époux potentiel de ses obligations, en faveur d'amitiés et d'activités masculines.
L'obsession de la vague à dominer peut également être considérée comme un dérivatif à l'anxiété des jeunes mâles américains des années 1960, une façon d'affirmer leur virilité comme le faisaient jadis les héros de l'Ouest. Il s'agit de «dompter la vague » comme les cowboys dressaient leurs chevaux -- en ce sens, Ride the Wild Surf est le seul beach movie à adopter, jusque dans son titre, des accents westerniens prononcés.
L'attente des grandes vagues
Cette anxiété masculine s'exprime dans la relation de Chase et Augie, où elle prend une tournure assez Camp. Pour Noël Burch, le personnage d'Augie est « un emblème des codes de l'époque » relatifs à la « femme violente », traitée sous l'angle de la dérision : « un petit bout de femme judoka [qui] humilie sur la plage un costaud sceptique, mais doit passer le reste du film à jouer les petites filles contrites pour se faire pardonner et conquérir le beau mâle» (4).
La peur de Chase d'être dépossédé du phallus est illustrée avec humour dans la séquence du feu d'artifice, où Augie souhaite lancer une gigantesque fusée depuis la plage, au grand dam de Chase, fâché qu'elle soit en possession d'un tel engin. Il profite d'un moment d'inattention pour vider la fusée de sa poudre, de sorte qu'elle retombe piteusement sur le sol après s'être élevée de quelques centimètres. Folle de colère, Augie l'invective et se détourne de lui.
Madame porte la fusée
Pour rétablir sa supériorité, Chase décide de réaliser un exploit ridicule : se lancer dans un lac depuis le haut d'une cascade. Le mélange de lourds symboles psychanalytiques, de mélodrame adolescent et de comique involontaire, donne lieu à de savoureux moments, renforcés par le jeu très investi de Peter Brown ; celui-ci est d'autant moins crédible dans sa composition de mâle vindicatif qu'il arbore une chevelure jaune paille très efféminante — et désastreusement artificielle, la teinture ayant une fâcheuse tendance à se délayer au contact de l'eau.
(à suivre...)
La bande-annonce de Where the Boys Are :
La bande-annonce de Palm Springs Weekend :
La bande-annonce de Ride the Wild Surf :
1. Jeffery
P. Dennis, Queering
Teen Culture : All-American Boys and Same Dex Desire in Film and
Television,
op. cit., p.86-7.
2. Kristi
Siegel,
Gender,
Genre, and Identity in Women's Travel Writing,
Peter Lang, 2004, p.68.
3. Ibid.,
p.67.
4. Noël Burch, De la beauté des latrines : Pour réhabiliter le sens au cinéma et ailleurs, Editions l'Harmattan, 2007, p.194, note 2. — Le personnage d'Augie rappelle également l'Amanda de Palm Springs Weekend, autre experte en arts martiaux, qui tente de racheter sa « mauvaise conduite » en courtisant sa « victime » initiale.
4. Noël Burch, De la beauté des latrines : Pour réhabiliter le sens au cinéma et ailleurs, Editions l'Harmattan, 2007, p.194, note 2. — Le personnage d'Augie rappelle également l'Amanda de Palm Springs Weekend, autre experte en arts martiaux, qui tente de racheter sa « mauvaise conduite » en courtisant sa « victime » initiale.
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