Spécial Fête des Mères : French Camp #8
"Mégère, Gorgone, Fripouille et Cie"
Par Valentine Deluxe
"Mais pourquoi vos héroïnes sont-elles toujours aussi perfides ?", me demandait candidement, mais fort à-propos, notre merveilleuse amie Gisèle, pas plus tard que l'année dernière lors de cette même Fête des Mères.
Eh bien, ma chère Gisèle, je suis bien en peine de vous répondre de façon satisfaisante, mais je suspecte que cette interrogation frappée au coin du bon sens (dont vous ne manquez jamais) risque fort de vous revenir à l'esprit en découvrant aujourd’hui notre nouveau trio d'infâmes.
"Encore des affreuses !", nous dira notre copine Gisèle
(et elle n'aura pas tort !...)
A tout seigneur tout honneur : laissez-moi vous présenter les Mères Noires.
D'un côté, casaque noir et rouge, 1m58 au garrot, Gabrielle !
Machiavélique, dépravée, toxicomane au dernier degré, dépourvue du moindre sens moral, elle se fait passer pour morte histoire que sa fille -- qu'elle a eue par étourderie dans quelque galetas sordide qu'on devine infesté de punaises -- puisse tenter de mettre le grappin sur son ex-mari (un restaurateur des Halles bien installé) afin de lui rafler son magot.
Et pour l'incarner -- la camper, me souffle BBJane Hudson dans le creux de l'oreille -- nous avons l'immense Lucienne Bogaert, une abonnée aux rôles de mégères et autres mères indignes.
Parmi quelques mémorables créations, elle n’hésitait pas -- entre quelques pieux sanglotements de circonstance -- à littéralement prostituer sa fille dans "Les Dames du bois de Boulogne".
Et grâce à son trop-plein d'affection maternelle, aussi glaciale et tranchante qu'une pince de vétérinaire destinée à émasculer les gorets, elle transformait son grand crétin de fils en terrible tueur du marais dans "Maigret tend un piège".
Parmi quelques mémorables créations, elle n’hésitait pas -- entre quelques pieux sanglotements de circonstance -- à littéralement prostituer sa fille dans "Les Dames du bois de Boulogne".
Et grâce à son trop-plein d'affection maternelle, aussi glaciale et tranchante qu'une pince de vétérinaire destinée à émasculer les gorets, elle transformait son grand crétin de fils en terrible tueur du marais dans "Maigret tend un piège".
Cauteleuse et démoniaque, elle bat ici les records de rouerie et d'ignominie, pourtant difficilement surpassables, de Jane Marken dans "Manèges".
Face à elle, regard de gorgone et sourire chevalin, Mme Chatelin mère !
Étouffante avec son grand nigaud de fils -- vous ai-je dit qu'il s'agissait de Jean Gabin ? Non ? Quelle étourdie je fais ! --, méchante et mesquine avec son personnel de maison, sa grande spécialité est d'occire ses volailles à grands coups de fouet (... mais où le scénariste a-t-il été chercher ça ???)
Qui d'autre que la merveilleuse Germaine Kerjean, grande spécialiste es-perfidie, complètement oubliée de nos jours -- ce qui est d'une criante injustice -- pouvait donner corps à un personnage aussi effrayant ?
Concierge tyrannique de Fernandel dans "L'Armoire volante", terrifiante "Chouette" dans la meilleure version des "Mystères de Paris" de ce cher Eugène Sue, elle fut aussi la voix française de Mrs Danvers dans "Rebecca" et celle de la Reine de Cœur dans "Alice au Pays des Merveilles".
Si ce curriculum n'est pas un gage d'autorité maléficieuse, je ne sais pas ce qu'il vous faut !
Troisième perle de la couronne : la petite Catherine.
Un rôle en or 24 carats pour Danièle Delorme, qui nous régala aussi de quelques belles petites garces pas piquées des hannetons dans les premières heures de sa longue carrière.
Ici, elle décroche la timbale, le gros lot, l'euro-million !
Ambitieuse et vénale -- je parle du personnage, pas de la comédienne ! --, elle a les dents assez longues pour labourer un champ sans plier le genou.
Diabolique, sans un atome de scrupule, elle peut mentir, tricher, voler, et même trucider sans l'ombre d'une hésitation.
Mignonne comme tout avec son petit béret et sa valise en carton, elle vient crier misère chez Jean Gabin (si on m'avait dit qu'il finirait un jour sur "Mein Camp", celui-là !), arborant pour l'occasion son plus beau sourire-saccharine et des yeux de faon malade afin de lui faire le grand numéro de la pauvre orpheline.
Lui, gogo jusqu'au bout, l'accueille à bras grands ouverts, et, refusant d'écouter les sages mises en garde de Mme Chatelin mère, lui confierait presque les clés du coffre...
Maintenant que les présentations sont faites, allons voir un peu de quoi il retourne et régalons-nous !
Tout d'abord, la première apparition de feue la mère de mademoiselle.
Un festival Lucienne Bogaert : jérémiades et larmes de crocodile, elle est géniale et indubitablement Über-Camp !
Vous avez vu sa façon de dire : "Je disparaitrai dans le brouillard... t'auras qu'à m'envoyer mon p'tit mandat" ?!?
Je ne sais pas vous, mais moi, à chaque fois, c'est bien simple : j'en ruine la moquette de bonheur !
Bon, passons au 2ème chapitre : Môman complote en préparant son petit cassoulet (et en bonus, pour notre plus grand plaisir, nous entonne 3 mesures de "Le Régiment de Sambre-et-Meuse"... Une merveille !)
Avançons encore un peu et voyons comment, entre deux bouffées de delirium opiacé, Môman ne perd pas le Nord et échafaude, ourdi, trame et complote de bien noirs desseins, sans que cela n’entame en rien sa bonne humeur légendaire.
Et Germaine Kerjean dans tout ça ?
Après le festival "veuleries et carabistouilles" des deux autres drôlesses, ce grand couillon de Gabin ouvre enfin les mirettes et se décide à piger ce que nous savions déjà depuis la 2ème bobine : ces dames se paient sa fiole (en attendant de la lui couper)...
Du coup, pour raisonner un peu le petit monstre qu'il a épousé, il décide de la mettre en pension quelques temps au grand air, dans la guinguette de Madame Chatelin Mère.
Et là, nous allons voir que le fouet, elle en use aussi bien pour décapiter les poulets que pour dresser les (vilaines) poules...
Qu'est-ce que je vous disais ?... Merveilleux, non ?...
Des infâmes, vous dis-je ; des infâmes !
Ou, comme le dirait si bien notre copine Gisèle : "Des gens pas fréquentables !"
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