"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



samedi 14 mai 2016

CHERI (1950)

Les Bonnes copines de valentine # 14

"Cocotte(s)-minute"
Par Valentine Deluxe



Autant vous le dire tout de suite : il flotte déjà, dans ce nouvel article, comme un parfum de Fête des Mères, institution sacrée s'il en est, que nous ne manquons jamais de célébrer comme il se doit  dans ce temple du bon goût que vous nous faites l'insigne honneur de visiter présentement (fayote !).

En plus d'un tas de qualités et vertus diverses (médisante, envieuse, vénale... et d'autres tout aussi vertes), la merveilleuse Charlotte Peloux - M'ame Peloux pour les intimes -, que nous allons vous présenter avec la dernière délectation, est une mère admirable, dont le sobriquet porté par la chair de sa chair (qu'elle a plus qu'opulente) résume bien l'étouffante et maladroite affection dont elle a su l’engluer depuis son plus jeune âge : Chéri !

 Élégance, raffinement et discrétion :
Ma'me Peloux dans toute sa splendeur !

Dans cette savoureuse adaptation cinématographique du diptyque que Colette consacra aux amours cougaresques de Léa de Lonval avec le jeune et beau Fred Peloux - son cadet de 30 ans -, les auteurs ont eu l'idée plus que lumineuse de confier le rôle de cette bonne M'ame Peloux à l'indispensable Jane Marken.
Grâces leur en soient rendues...
Sur ce, je vous propose d’entamer un Te Deum tout suintant d'émotion et de respect.

C'est que Jane Marken, forcément, on l'adore !
Rappelez-vous justement la Fête des Mères 2013, où nous évoquions son rire veule et gras de mégère fielleuse dans "Manège".
Il faut bien dire que la veulerie, la méchanceté, voire la vulgarité, ce sont un peu les marques de fabrique de Jane Marken.
Dans sa longue et prestigieuse carrière, on cherchera en vain chez ses personnages une once de distinction, de classe, de discrétion. Elle est parfois gentille, mais toujours avec la petite note de trivialité ad hoc pour relever la sauce.
Surtout, comme le dit l'adage bien connu, elle n'est jamais aussi bonne que quand elle est mauvaise !
Et Dieu sait qu'elle peut l'être, mauvaise ! Rarement aura-t-on déployé autant de talent - le sien est éclatant - au service de personnages aussi cauteleux et poissards.
Et ce n'est certes pas M'ame Peloux qui lui offre un contre-emploi !

"Du Barry ou Pompadour ?"

Aujourd’hui, c'est moins son instinct maternel fluctuant - toujours entre l’excès et la négligence - qui nous occupe, que ses mondanités.
Car en effet,  comme elle n'aime pas la solitude, M'ame Peloux tient salon !...
Et la guêpe n'étant pas folle, notre "harpie nationale" (comme l'ont surnommée ses deux amants) respecte à cette occasion le principe éprouvé de "la copine moche" aux côtés de laquelle on ne peut QUE paraître plus attrayante
Hormis l'indestructible et toujours splendide (bien qu’en voie de fanaison) Léa de Lonval (à laquelle Marcelle Chantal prête ses traits superbes quoique légèrement avachis sous les premières rides véloces), la chère dame accueille donc chez elle un cénotaphe de gargouilles défraichies, grimaçantes et délicieusement grotesques, pouvant encore de temps à autre, malgré leur statut de parasites patentés qui devrait les rendre plus humbles et serviles, cracher des restes de plomb fondu  sur leur généreuse hôtesse.

Les bonnes copines de Ma'me Peloux
(photo non-contractuelle)

Laissez-moi vous les présenter :
Il y a d'abord, la Copine.
Probablement la plus fauchée de la bande, et plus que légèrement portée sur la schnouff - cocaïne ou opium, tout fait farine au moulin -, la  malheureuse est tellement démunie qu'elle ne possède même plus de nom ; c'est juste "La Copine".
Loyale à Léa, ce qui lui vaudra bientôt d'être privée des bienfaits et de la munificence du palais Peloux, elle semble tout droit sortie d'une (célèbre) photo de Brassaï, et a la chance, le bonheur et l'avantage d'être jouée, la voix éraillée et l'œil charbonneux, par l'immense, l’éblouissante, l'extraordinaire (ah ! que j'aime les superlatifs !) Yvonne De Bray.

La môme Bijou et la Copine :
Le jeux des 7 erreurs.

Autre habituée du salon Peloux : la Baronne !
Sans doute moins désargentée que la Copine, elle peut se permettre d'être plus insolente et indocile.
En smoking et le cheveu plaqué, elle promène dans son sillage l'aura gentiment sulfureuse de la grande lesbienne assumée qui, en matière de vice, ne peut plus guère s'adonner qu'à la photographie, et grave pour la postérité sur le gélatino-bromure d'argent la savoureuse galerie de monstres créée par  Colette.
Elle est interprétée tout aussi brillamment par la mystérieuse Maïa  Poncet, dont je ne pourrai pas vous dire grand chose, vu que je n'ai pas été foutue de trouver la moindre information valable sur son compte - ...si vous en avez, je suis preneuse !
Mais de toute façon, on s'en fout : elle est parfaite, et ça lui suffit !

Le petit oiseau va sortir...
(les vacheries aussi !) 

Pour finir en beauté, nous avons la vieille Lily !... Sans doute la plus foldingue et scandaleuse de la bande.
Elle minaude, elle roucoule, elle glousse comme une vierge folle, et se montre toujours à l'affût d'une de ces grivoiseries ("le péché de l'oreille" !) qui font son délice. 
Niveau scandale, elle dame le pion aux amours de Léa et Chéri, en donnant carrément dans le détournement de mineur.
Ses vertes années courent peut-être dans la montagne, mais ça ne l'empêche pas de galoper avec toujours autant d'ardeur après les petits puceaux.
Cependant, attention ! Ne vous fiez pas à son air affable, elle est encore assez preste pour vous décocher une flèche au curare entre deux afféterie.
Et c'est Jane Faber, 268ème pensionnaire du Français et ex-vedette des premiers FANTOMAS de Feuillade, qui lui prête sa silhouette fatiguée mais toujours aux aguets, cachant pudiquement sous une voilette épaisse les ravages de folles années qu'elle ne semble pas pressée de ranger au rayon "pertes et profits".

Jeanne Faber, au temps béni (et lointain) 
de sa splendeur...

Bon, maintenant que les présentations sont faites, si on allait voir de quoi il en retourne ?
Parce que je cause, je cause, mais il serait temps de laisser ces dames venir à nous.
Alors d'abord, petit aperçu d'un dimanche après-midi typique chez M'ame Peloux




Mais prudence, si vous la voyez tout miel et sucre avec les deux invitées surprises, c'est que M'ame Peloux  à surtout le sens des affaires. Et c'est évidemment parce qu'elle veut caser son petit poussin Chéri, et surtout lui assurer une rente plus que confortable en mettant le grappin sur une bonne dot, qu'elle tente de se montrer sous son jour le plus affable !
Toutefois, avec M'ame Peloux, chassez le naturel, et il revient au galop, vitesse Carl Lewis... Et Marie-Laure n'a pas encore mis un pied dans la rue que la pompe à fiel est amorcée !


Cependant, les affaires restant les affaires, dès qu'il faut passer au contrat de mariage, la vraie nature du dragon se se fait voir dans tout son jour...


"Mère adorée", vous l'avez entendu !
Eh bien justement, laissons la baronne résumer merveilleusement les qualités maternelle de M'ame Peloux.


Et Lily ? Vous n'avez pas encore vu la vieille Lily !!!
A noter que dans cette scène, Jane Faber pourrait arriver grande première dans un concours de sosie de Jeanne Fusier-Gir, que j'ai cherché vainement au générique avant de me rendre compte que je m’étais laissée abuser. 
Quoi qu'il en soit, Jane Faber, une fois que vous y aurez goûté, vous ne pourrez plus vous en passer...



Mais M'ame Peloux ne va quand même pas se laisser voler la vedette par une vieille haridelle remontée de la mine ! Alors pour finir, laissons le mot de la fin à Lolotte Peloux, et en center stage, s'il vous plaît !



"Quand on arrive à avoir la peau moins tendue, le parfum y pénètre mieux!

... ça, je le note tout de suite dans mon petit calepin à vacheries, ça peut toujours servir.
Merci qui ? Merci M'ame Peloux !

1 commentaire:

  1. Bien que (beaucoup) moins doué que vous pour les superlatifs, ce festival laisse véritablement sur le c...!

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