"J'admets que le Camp est terriblement difficile à définir. Il faut le méditer et le ressentir intuitivement, comme le Tao de Lao-Tseu. Quand vous y serez parvenu, vous aurez envie d'employer ce mot chaque fois que vous discuterez d'esthétique ou de philosophie, ou de presque tout. Je n'arrive pas à comprendre comment les critiques réussissent à s'en passer."


Christopher ISHERWOOD, The World in the Evening

"Le Camp, c'est la pose effrénée, l'affectation érigée en système, la dérision par l'outrance, l'exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour intégrer la sphère comportementale."

Peter FRENCH, Beauty is the Beast



mardi 31 décembre 2013

LE VOEU DE BBJANE


Vous n'imaginiez quand même pas que j'allais laisser filer les fêtes de fin d'année sans effectuer mon grand retour sur votre blog préféré ?
Je sais que mon absence indument prolongée suscita parmi vous d'effroyables rumeurs. Je me devais d'y mettre un terme en ces jours où fleurissent les plus folles espérances sur le purin des déconvenues de l'année défunte.
Non, je ne me suis pas carapatée sur une île paradisiaque en compagnie d'un armateur grec fraîchement épousé (armateur ou pas, il faudrait être bien brelotte pour convoler avec un Athénien, de nos jours). Non, la Grâce ne m'a pas touchée au point que je renonçasse à mes légendaires débauches pour entrer au couvent. Non, je n'ai pas contracté une aphasie foudroyante, me privant de l'usage de tout vocabulaire. Non, ma passion pour les uniformes et ce qu'ils enveloppent ne m'a pas incitée à m'engager dans l'infanterie. Non, Valentine Delucce n'a pas sournoisement profité de l'un de mes accès d'intempérance pour relever mes cocktails d'une lichée d'arsenic, s'assurant ainsi la direction tant convoitée de Mein Camp.

Non mais, sans blague ?... Vous me voyez vraiment dans cet accoutrement ?...

Pour tout vous dire, le travail est la seule raison de mon silence alarmant. Un travail acharné requérant l'entièreté de mon inspiration, et détournant le cours de ma sueur vers d'obscures zones d'irrigation dont je ne puis, à l'heure actuelle, vous préciser la localisation (« Secret d'étal ! », comme dit mon charcutier lorsqu'on lui demande, au marché, la recette de son boudin noir).
Pour autant, je ne pouvais décemment me soustraire à l'antique tradition sancti-sylvestrale qui veut que l'on formule à l'intention de ses proches quelques souhaits aussi sincères qu'inopérants.
Voici venu le temps des vœux et des chants, et les miens, jaillis du fond d'un cœur moins rocailleux qu'on ne le prétend, s'envolent aujourd'hui vers vous avec la célérité fulgurante d'un pain dans la trombine. Ils se résument à peu de chose, et du reste, ne sont qu'un.
Je vous vois suspendus à mes lèvres telle une grappe d'hémorroïdes à l'orée d'un fondement, aussi, sans plus attendre, je vous en livre la teneur – et le motif préalable.


J'ai constaté, au cours des 364 précédents jours, une inquiétante recrudescence de taciturnité dans l'ensemble de mon entourage.
Les causes en sont diverses et probablement légitimes : l'on pourrait invoquer la Crise, le mauvais temps, l'incurie gouvernementale (z'aviez qu'à pas voter, bandes de brêles !), la stagnation des retraites, la hausse du prix du fond de teint, la fragilisation croissante des talons aiguilles, la fugacité des permanentes, la béatification de Line Renaud, la Romification de l'Hexagone, la fréquence du filage des bas nylon, que sais-je ?...
De partout accourent les piteux gémissements, les afflictions barissantes, les plaintes stridulées. La déréliction bat son plein. Chaque jour, mes oreilles accueillent, avec un accablement que ma bouche scelle, l'écho de mille désolations plus ou moins justifiées. Et mes yeux ne sont pas en reste, qui s'effarent ponctuellement à la lecture des doléances soumises à leur indulgence sur ce mur des lamentations qu'est devenu Facebook – ce parfait baromètre de l'hypocondrie ambiante, où s'étalent à tire-larigot ce que j'ai baptisé les « Statuts de l'Ile de Pâques », ces réflexions absconses exprimant en une poignée de mots sibyllins les récriminations d'untel, la consternation de cette autre, le rembrunissement de chacun.


Aussi mon vœu pour l'année qui vient sera-t-il simple et sans appel. On m'opposera sans doute son caractère lapidaire, et le fait qu'il ne s'attache pas à la satisfaction de mon prochain, mais à la mienne propre.
Erreur, cent fois erreur !...
Car s'il vise à la préservation de ma tranquillité, il implique également que la félicité soit votre lot quotidien – ou que vous contractiez une extinction de voix, option non moins opportune.
Voici donc mon vœu le plus cher pour l'année 2014. Faites-en bon usage et propagez-le librement, pour le bien de votre servante et de votre entourage :


Bonne année 2014 !

3 commentaires:

  1. Qui est cette infâme Valentine Delucce qui s'aviserait de glisser de la poudre de succession dans vos tisanes de céréales maltées distillées (oui, du whisky, on peut appeler ça comme ça aussi) ???

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  2. Ah seigneur, comme je souhaiterais pouvoir écrire avec une telle plume, si bien ajustée et maîtrisée... Tout en équilibre et économie de mots!
    Simple lecteur, je m'incline devant toute l'équipe pour la saluer et lui offrir en réponse (ou commentaire, enfin c'est vous qui décidez) mes meilleurs vœux pour cette année... Si vous continuez comme ça, ce ne pourra être qu'une succession de bonnes nouvelles! :-)

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    1. Jérôme, vous êtes un amour !... Bonne année à vous aussi !...

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